C’est une histoire étonnante, mais bien réelle : celle d’une femme de 44 ans, sans casier judiciaire, qui travaillait au Département du Loiret. Elle est accusée d’avoir détourné, entre 2005 et 2019, plus de 786 000 €. Prescription oblige, ce sont « seulement » 400 000 € de détournement qui ont été retenus à son encontre. La somme reste cependant importante, au regard des revenus de cette fonctionnaire en charge de verser des Aides Personnalisées d’Autonomie aux personnes âgées (APA).
Pour ce faire, l’accusée avait créé quatre fausses identités pour cela et versait régulièrement des sommes sur un unique compte bancaire : celui de son époux, chauffeur routier qui comparaissait également jeudi dernier pour recel d’escroquerie.
« J’avais peur de manquer »
À la barre du Tribunal judiciaire d’Orléans, le couple a raconté avoir souscrit à un crédit de 860 € par mois pour payer sa maison alors que les deux époux gagnaient, à eux deux, 3 400 € par mois. « J’avais peur de manquer, de ne pas pouvoir payer la maison… c’était pour les enfants », a expliqué celle qui s’est – selon ses mots – laissé prendre dans l’engrenage de la facilité et a dépensé l’argent dans des vêtements, des restaurants, des frais en école privée et des travaux d’amélioration de son habitation. « J’étais chauffeur routier, c’était mon épouse qui gérait les comptes », a précisé le mari, qui a plaidé la relaxe. La présidente du Tribunal a pourtant rappelé à ce dernier que près de 4 500 € tombaient pourtant chaque mois sur son compte, en plus de son salaire ! « Il y avait presque 1 000 € de courses alimentaires par mois, a fait remarquer la magistrate. Vous ne vous êtes pas dit : “on va se retrouver en surendettement ? ” ». Ce à quoi l’accusé a répondu : « je ne me suis pas posé la question… » Même raisonnement quand il fut fait allusion à des vacances à 3 000 € et à une remorque que le mari avait acheté comptant… Pour la Procureure de la République, qui a réclamé deux ans de prison (dont un ferme aménageable) à l’encontre de l’ancienne employée du Département et deux ans avec sursis pour son époux, la fonctionnaire souhaitait « surtout constituer un patrimoine pour ses enfants. »
La saisie des biens et comptes de la famille a été demandée par le Parquet, de même que l’interdiction d’exercer un métier dans la fonction publique. Comme la Procureure de la République, l’avocate du Département a rappelé que la victime, dans cette affaire, était la collectivité ainsi que le contribuable. Outre le remboursement des sommes détournées, elle a demandé un euro symbolique au titre du préjudice à l’image. L’avocat des époux a, quant à lui, plaidé la reconnaissance de culpabilité de sa cliente et la relaxe pour le mari. Il a demandé que la maison familiale soit épargnée des saisies et que la peine de l’accusée soit, a minima, assortie d’un sursis probatoire : « quel intérêt au bracelet électronique ? Elle va payer tous les mois pour rembourser ! » Une peine qui est apparue suffisante pour cet avocat, qui n’a pas hésité à citer le jugement de l’affaire… Kerviel : « le Département n’a pas réalisé le moindre contrôle pendant 14 ans ! » Le délibéré est attendu le 12 novembre.