« On retrouve un contact humain, ce qu’on avait beaucoup perdu. On se sociabilise, on parle avec des gens, c’est super. Et en plus, on aide. » Tout sourire, Ayman, 19 ans, bénévole et étudiant en L1 à Orléans, résume parfaitement l’idée de cette distribution alimentaire basée à La Source, non loin d’un centre de vaccination. Face à la pandémie et au nombre croissant d’étudiants n’arrivant plus à joindre les deux bouts, l’association a décidé de lancer ce dispositif dès novembre dernier. « On pensait au début l’ouvrir une à deux fois par mois et, vu l’affluence, on a très vite ouvert tous les vendredis après-midi », confesse Nicolas Jaffré, directeur de la Fédération du Loiret du Secours Populaire.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : avant l’arrivée du nouveau coronavirus, entre 80 et 100 étudiants sur l’agglomération orléanaise étaient bénéficiaires. Ils sont maintenant 470 inscrits et tous viennent sur rendez-vous, le vendredi, entre 14h et 18h. Selon Nicolas Jaffré, il s’agit principalement « de jeunes qui ont réussi à travailler l’été dernier et qui vivaient sur le peu d’économie qu’ils avaient. Depuis l’épidémie, ils ne trouvent plus de boulot. » Reflet de cette réalité, Ayman a postulé partout et envoyé plus de 40 CV, sans résultat, ou presque : « La seule entreprise qui me prend est Amazon, mais le problème, c’est qu’il faut au moins s’engager pendant six mois sur la même durée de travail, alors quand je reprendrai mes études en septembre, ça sera pas possible… » De son côté, Claire semble avoir baissé les bras : « Au vu de la crise, même si je me trouve un job, je me dis qu’on va me virer parce qu’on va retomber en confinement, ou que je ne vais pas trouver… »
Une détresse à entendre
Raphaël* et Claire* viennent, eux, pour la deuxième fois. Ayant deux cours de présentiel par semaine à l’université d’Orléans, cette dernière compare son parcours à un « cauchemar », car avec la crise, ses parents ne peuvent plus l’aider financièrement comme avant. « La seule chose que la fac a eu raison de faire, c’est de me communiquer qu’on pouvait venir au Secours Populaire… » résume-t-elle. Raphaël, lui, se satisfait des conditions dans lesquelles s’effectue la collecte : « C’est plutôt cool, il y a un bon accueil, les gens sont gentils et nous expliquent bien les choses. »
En écoutant Basile* parler espagnol avec une autre bénévole ou faire des blagues aux bénéficiaires, on se dit qu’en effet, l’ambiance demeure chaleureuse. « Ça me fait plaisir de me sentir utile », clame Basile, et pas seulement pour distribuer des produits de première nécessité : « On essaye un peu de voir quels sont les problèmes des étudiants et si on peut les aider, les orienter. » Il évoque aussi « un moment privilégié : c’est à cette occasion qu’ils peuvent se livrer à toi et, si on sait poser les bonnes questions, on peut comprendre la face cachée de l’étudiant en souffrance ».
« Le résultat des courses, c’est “démerde-toi et le ciel t’aidera”… »
Au total, une dizaine de bénévoles composent l’équipe du Secours Populaire à La Source. « On ne peine pas du tout, c’est plutôt chouette », se réjouit Nicolas Jaffré. En leur montrant seulement leurs cartes pour prouver qu’ils sont bien étudiants, les bénéficiaires peuvent avoir accès à de nombreux produits alimentaires (fruit, légume, conserve, féculent, thé, café, céréale…), d’hygiène (brosse à dent, dentifrice, shampoing, serviettes hygiéniques…), ainsi que des fournitures scolaires. Une convention a été actée avec l’université d’Orléans, permettant à l’association d’effectuer des achats. À cette aide s’ajoutent une subvention de la mairie d’Orléans, mais aussi les stocks propres au Secours Populaire, les invendus et les nombreuses collectes. Nicolas Jaffré résume : « Il y a une vraie mobilisation. Tout le monde a pris conscience que les étudiants sont en galère. »
« Je comble les lacunes »
Au sein de l’équipe de bénévoles du Secours Pop’, il y a enfin Geneviève, qui propose des betteraves. Âgée de 70 ans, elle dit être ici pour des raisons politiques : « Je suis là pour combler des manques et des lacunes du Gouvernement. » Pour cette femme au franc-parler qui a travaillé dans le domaine de la psychiatrie, le Covid-19 n’est qu’un « surligneur. Il y a toujours eu des étudiants qui étaient dans la merde, sauf qu’ils faisaient des petits boulots. Le problème, c’est qu’il n’y en a plus ou peu, donc résultat des courses : c’est “démerde-toi et le ciel t’aidera”… ».
* Les prénoms ont été changés.