La situation est jugée « extrêmement difficile » par le président de l’Établissement Français du Sang, François Toujas. Entre les départs en vacances, les épisodes de canicule mais aussi et surtout l’arrivée du nouveau coronavirus, les dons de sang se sont faits de plus en plus rares dans le pays. Même son de cloche dans le Loiret, où les réserves atteignent en ce moment neuf jours de stock, alors que quatorze jours de provisions seraient « idéaux », précise Murielle Barnoux, la responsable des prélèvements à la Maison du don du département. « En ce moment, c’est compliqué, ajoute-t-elle, car suite à la Covid-19, nous n’avons pas pu reprendre toutes nos collectes mobiles dans le milieu scolaire et dans les entreprises. »
En effet depuis le confinement, le télétravail est désormais privilégié dans le monde professionnel. Les collectes dans les lycées ont également été interrompues, et la responsable espère qu’elles vont pouvoir reprendre prochainement. Il faut savoir que ces collectes mobiles représentent environ 90 % des dons dans le Loiret. Cependant, Murielle Barnoux précise que les effectifs de donneurs de sang étaient toujours réguliers lors du confinement survenu au mois de mars. Les gens étaient disponibles pour se déplacer, et de plus, les hôpitaux avaient pu déprogrammer des interventions chirurgicales. Mais avec le déconfinement, l’activité médicale est repartie à la hausse dans tous les secteurs, provoquant l’accroissement des demandes liées au sang.
« les réserves atteignent neuf jours de stock dans le loiret »
Face à la propagation de l’épidémie, les professionnels de santé ont donc dû s’adapter. Les collectes se font sur rendez-vous en ligne pour fluidifier les tâches des médecins et infirmières, et pour éviter que les gens n’attendent trop longtemps. Malgré tout, certains peuvent rencontrer des difficultés avec Internet, et sont donc « accueillis dans la mesure du possible », souligne la responsable des prélèvements. Par ailleurs, un service de « pré-accueil » a été mis en place pour faire respecter les horaires de chaque personne ayant pris rendez-vous. L’objectif étant de privilégier la distanciation physique dans la salle d’attente et entre les lits.
Désinfection régulière des mains et des brassards pour les médecins, port d’un nouveau masque à l’entrée du centre pour les donneurs, plateaux de collations préparés à l’avance, fin du self-service après les prélèvements… Rien n’est laissé au hasard, comme le répète Alex, qui travaille comme secrétaire au centre de Saint-Jean-de-la-Ruelle depuis 20 ans : « entre chaque donneur, on débarrasse tout et on désinfecte même les chaises, ce qu’on ne faisait pas avant. Le dispositif est plus lourd et c’est moins convivial. Mais les donneurs ont pris le rythme et comprennent. Même si c’est un peu plus lourd pour eux, ils suivent bien les règles. Le tout, c’est de leur expliquer. »
Des dons en toute sécurité
Un protocole plus contraignant, qui n’empêche toutefois pas certains de continuer à venir. Âgé de 62 ans, Sylvain fait partie des 31 donneurs de la journé. Il se déplace pour la… 160e fois ! Une habitude qu’il a commencée à prendre dès 1979, alors que son père était atteint de la leucémie. « J’ai essayé de le sauver, mais je n’ai pas réussi, alors maintenant, je donne mon sang pour essayer de sauver d’autres personnes », raconte ce retraité qui vient d’être prélevé. Assurant d’une voix modeste avoir confiance en l’établissement même en contexte de crise, il soutient qu’il continuera à donner son sang jusqu’à ses 65 ans, l’âge maximal pour le faire.
À quelques mètres de là, Michel est également allongé sur un lit, concentré sur son livre pour faire passer le temps. Comme Sylvain, il n’a jamais eu peur de revenir donner son sang, malgré la présence toujours active du nouveau coronavirus. Ce retraité de 63 ans vient ici tous les deux mois et explique : « donner mon sang, c’est quelque chose de très facile pour moi. Avant, c’étaient des dons que je faisais à travers mon travail, et j’ai voulu passer l’étape au-dessus, avec des dons de plaquettes et de plasma ».
En dépit de ces actes bienveillants, « les gens sont moins spontanés à venir donner, donc on fait beaucoup plus d’appels pour les solliciter », concède Alex, la secrétaire. Car l’Établissement Français du Sang a besoin de tout : de globules rouges pour les malades qui subissent notamment des chimio, du plasma pour fabriquer, entre autres, des médicaments, mais aussi des plaquettes. C’est ce que donne en cette matinée pluvieuse Thomas, un brasseur de 34 ans. « Les mesures sanitaires mises en place me paraissent suffisantes, dit-il en interrompant sa lecture. Rien ne me choque et je ne trouve pas que ce soit plus long. C’est même quasiment identique ». Pour rappel, dans le Loiret l’an passé, moins de 4 % de la population en âge de donner son sang avaient été recensée, mais plus de 22 000 dons et près de 380 collectes mobiles avaient été réalisés. Des campagnes de sensibilisation se multiplient toujours de la part de l’EFS mais aussi de particuliers. Sylvain, le « multi-récidiviste du don », poste ainsi sur les réseaux sociaux des messages pour inciter à suivre son exemple : « chacun doit donner un peu de son temps pour sauver des personnes malades ou blessées, car tout le monde aura, un jour ou l’autre, besoin de sang ».