On l’avait quitté le 16 juillet au soir, annonçant sa démission de la 15e vice-présidence de la Métropole à laquelle il venait d’être élu. Visiblement furieux, il s’était ensuite levé de sa chaise et avait laissé ses collègues à leurs chères études, n’assistant donc pas, quelques minutes plus tard, à l’élection de Florent Montillot sur son siège encore fumant. On pensait alors l’histoire entendue, mais le maire de Bou, après avoir consulté son conseil municipal, décida finalement de ne pas envoyer sa lettre de démission : il fut en effet dit qu’il aurait subi des « pressions » pour démissionner. Florent Montillot reste aujourd’hui le 15e vice-président de la Métropole, mais la Justice pourrait très prochainement invalider cette élection, puisque les conditions et le processus qui ont conduit à la démission (orale) de Bruno Cœur restent troubles. Ce jeudi, un rapporteur public va ainsi exposer ses conclusions sur cette histoire, et le Tribunal administratif rendra ensuite sa décision, qui pourrait faire l’objet d’un appel : en résumé, on n’est pas sorti de l’auberge dans cette affaire qui n’a pas fait grand-chose pour redorer le blason de la politique.
Rétrospectivement, comment le maire de Bou, a-t-il vécu cet épisode ? « Violemment, répond-il aujourd’hui. Si j’avais su que cela se passait comme ça, je m’y serais préparé avant. Ce soir-là, en exceptant les élus proches de Matthieu Schlesinger, c’était « tous contre un ». Se retrouver seul comme ça au milieu de l’arène, même face à ses soi-disant alliés politiques, c’était un peu délicat. Dans le groupe des maires de gauche, personne ne m’avait prévenu. » Même si les maires en question tiquent devant cette version, pourquoi Bruno Cœur a-t-il ainsi mis à mal l’accord de gouvernance qui s’était décidée préalablement ? Le maire de Bou dit toujours qu’il voulait que soient représentées les petites communes de l’intercommunalité au sein de l’exécutif métropolitain.
Ne faisant pas mystère de ses « valeurs de gauche et écologique » – « il y a plein de choses qui me plaisent chez La France Insoumise et chez Europe Écologie Les Verts, mais je ne suis pas encarté », précise-t-il –, Bruno Cœur assure encore aujourd’hui que le fait de se présenter face à Florent Montillot n’était pas calculé. « Dans l’exécutif précédent, la 15e VP était celle dévolue au développement durable », redit-il aujourd’hui, même si certains maires pensent que la cible de Bruno Coeur était bel et bien Florent Montillot. « Je me serais présenté de la même façon face à un maire de gauche », jure pour sa part l’intéressé.
David face à Goliath, le pot de terre contre le pot de fer, le village d’Astérix luttant contre l’armée romaine… Les images ont cependant été nombreuses pour symboliser ce qui s’était passé au conseil métropolitain. D’un coup, le maire de Bou est devenu un personnage politique dans lequel beaucoup se sont reconnus. « J’ai reçu énormément de messages de soutien, reconnaît Bruno Cœur. Mais cela illustre surtout un besoin des citoyens de changer le mode de gestion de la Métropole ».
La Métropole, l’édile boumien souhaite en effet la voir se transformer de l’intérieur. Il ne veut pas qu’elle soit une simple « chambre d’enregistrement », mais un vrai espace d’expression démocratique. « Oui, de l’extérieur, on peut avoir l’impression qu’il s’agit d’un « grand machin » qui gère. Elle doit redevenir un outil de décision ». Avec la foi des premiers pèlerins, Bruno Cœur assure donc qu’il va secouer le cocotier quand le besoin s’en fera sentir. « Moi, je suis anti-consensus mou, exprime-t-il. Je vais pousser, pousser, pousser. Et j’utiliserai tous les moyens possibles. Il faut se faire entendre quelle que soit la méthode ». Élu au bureau (en attendant mieux ?) de la Métropole, en charge des questions liées au développement durable, il dit déjà préparer avec le plus grand sérieux les prochaines Assises métropolitaines de la Transition Durable, qui se tiendront à la fin de l’année. Bruno Cœur fera d’ailleurs partie d’un comité de pilotage présidé par Jean-Philippe Grand. « Nous parlerons d’alimentation, d’isolation des bâtiments, de biodiversité, de gestion des déchets, de ville durable. J’attends beaucoup de ces Assises. J’ai déjà échangé avec Romain Roy, on est sur la même longueur d’ondes. Je suis également ravi que Serge Grouard soit à fond sur la transition énergétique mais maintenant, il faut concrétiser. En 2050, nous devrons être une métropole décarbonée. On n’a plus le temps d’attendre. Mon rôle, c’est qu’il y ait des avancées concrètes, et pas que ça débouche sur de beaux PowerPoints… »
Son engagement politique, Bruno Cœur le justifie d’ailleurs par ce prisme environnemental : « comment j’explique à mes enfants ce que je fais ?, insiste-t-il. Je veux qu’ils se disent que leur père a fait des choses pour inverser la tendance. Car soit je ne fais que râler, soit je me montre proactif. » Et pour faire bouger les lignes, le maire de Bou est bien conscient qu’il n’y aura pas de salut sans la Métropole. « C’est la taille d’une collectivité qui peut tout changer, et à Orléans, c’est une bonne taille, qui permet de réfléchir et de décider, indique-t-il. Je ne pense pas que la Métropole ait trop de pouvoir ; les délégations données en juillet sont, d’ailleurs, plutôt logiques. Les gros transferts de compétence opérés ont également été plutôt cohérents. Et nous, à Bou, nous bénéficions de tiroirs importants de la part de l’intercommunalité, comme l’accompagnement juridique ou les ressources humaines. »
Pour l’avenir, il énonce déjà quelques grands dossiers pour lesquelles il ira au combat : « une régie publique des Transports ? Ce serait une très bonne idée. Une régie publique de l’eau ? Je suis à fond dessus. » Opposé à la construction du pont de Mardié (du ressort du Département, précisons-le), Bruno Cœur se prononce aussi pour un « moratoire sur la 5G ». Croit-il en la possibilité d’avoir gain de cause sur tous ces combats ? « Je ne désespère de rien, sinon, j’arrête tout ! », répond-il. On devrait encore entendre parler de lui dans les six ans à venir.