Pierre Garcia, comment le dispositif de chômage partiel a-t-il fonctionné en région ?
À l’heure où je vous parle (entretien réalisé lundi 25 mai, ndlr), plus de 42 000 entreprises ont sollicité ce dispositif depuis le début de la crise. Cela représente 404 000 salariés impactés et plus de 158 millions d’heures, ce qui est considérable, mais dans la moyenne nationale. Ces demandes ont concerné 61 % des salariés du secteur « commerces et réparation automobile », 63 % de l’industrie, 96,2 % du BTP ou 96,9 % de l’hôtellerie-restauration. Cependant, pour consolider ces chiffres et avoir une lecture précise, il faudra attendre un peu.
Les entreprises ayant fait une demande d’indemnisation pour les mois de mars et avril ont-elles toutes reçu leur dû ?
Pour le mois de mars, a priori, les entreprises ont été maintenant indemnisée. Et pour le mois d’avril, les indemnisations sont en cours. Une fois les demandes reçues, nous procédons dans un premier temps à un certain nombre de vérifications, surtout dans des secteurs d’activité où le recours au chômage partiel ne se justifie pas, je pense par exemple aux activités de soins. Au bout de 48h, cette phase se termine et l’entreprise est prise en charge. Après, nous passons à une autre phase : le contrôle a posteriori des dossiers acceptés, selon des techniques qui ressemblent à celle de l’administration fiscale.
Certaines entreprises sont-elles déjà dans le collimateur de la DIRECCTE ?
Pour les entreprises sur lesquelles nous nous posions des questions, nous avons déjà procédé à des vérifications au cours du fameux délai de 48h. Nous avons eu des demandes d’activité partielle qui nous semblaient aberrantes, émanant notamment d’établissements de soins, d’ambulanciers, ou de services de santé au travail. Plus de 1 600 contrôles seront effectués en région. Maintenant, il y a aussi quelques entreprises qui ont prétendu avoir mis des salariés au chômage partiel alors qu’ils étaient en télétravail.
Quels sont les moyens humains dont dispose la DIRECCTE pour réaliser ces vérifications ?
En temps normal, l’activité partielle ne représente que très peu de dossiers dans l’année. Mais avec cette crise, nous avons été contraints de réorganiser nos services. Nous avons donc transféré sur le dispositif de l’activité partielle un bon nombre de nos agents, et avons également été autorisés à recruter des vacataires. Pour l’heure, nous avons un nombre d’agents suffisants ; environ une vingtaine sur l’ensemble de la région. Nous n’aurons pas de difficultés à déployer nos effectifs. Je précise que ces contrôles se font aussi en lien avec l’inspection du travail. En gros, c’est elle, et son service spécialisé sur les fraudes, qui assurent les contrôles sur place dans les entreprises, après des signalements que nous lui transmettons.
Que risque un chef d’entreprise qui aurait pris des « libertés » avec le dispositif de chômage partiel ?
Au pénal, 30 000 € et deux ans d’emprisonnement. Et sur le plan administratif, il devra rembourser les sommes qui lui auront été versées. Il pourra aussi ne pas se voir attribuer de nouvelles aides pendant cinq ans.
À partir du mois de juin, comment va évoluer ce dispositif ?
Au moment où je vous parle, des discussions sont toujours en cours. Pour les entreprises qui seront dans l’obligation de poursuivre une activité réduite (tourisme, événementiel, restauration…), dans un premier temps, rien ne devrait changer. Pour les autres, la modification du taux de prise en charge des entreprises devrait évoluer. En clair, le salarié devrait continuer de toucher ses 70 % de brut, mais l’ État ne remboursera plus à l’entreprise l’intégralité de ces 70 %, comme c’était le cas depuis la mi-mars. J’ajoute que le principe de « rotation » des salariés en chômage partiel, utilisé notamment dans le BTP, sera prolongé jusqu’au mois de septembre.
Un salarié peut-il refuser d’être au chômage partiel ?
Non, sauf s’il s’agit d’une mesure discriminatoire. Ce cas peut par exemple se présenter au niveau des représentants du personnel ou de certains syndicalistes.
Certains commerçants se sont plaints d’une certaine forme de zèle de la DIRECCTE lors des premiers contrôles effectués pendant le confinement…
Ces contrôles sont demandés par notre administration centrale. Prenons conscience qu’il s’agit ici d’argent public : quand il est attribué, il y a toujours des contrôles. Je comprends les commerçants qui, dans une période morose, ont des états d’âme : ce n’est jamais drôle d’être contrôlé. Mais contrôle ne veut pas dire PV. Le Préfet de région a demandé aux services de l’État de faire preuve de compréhension. Mais la bienveillance avec celui qui a fraudé doit aussi avoir des limites.
Pensez-vous que certains chefs d’entreprise se servent de ce dispositif de chômage partiel non seulement pour ne pas perdre d’argent, ce qui est logique, mais aussi pour en gagner ?
Si c’est le cas, c’est le fait d’une minorité. Tout le monde a bien vu que l’activité, sur nos territoires, avait bel et bien cessé.
Depuis début mai, estimez-vous que les protocoles sanitaires ont été globalement respectés dans les entreprises qui ont repris ?
Certains secteurs, comme le BTP, sont très bien organisés. Nous avons aussi eu des surprises, comme chez les coiffeurs, un secteur où de nombreuses vidéos ont été produites et où des franchises ont apporté beaucoup d’informations. Les grandes et petites surfaces ont également agi très vite. Cependant, il y a des endroits où c’est plus compliqué, comme dans le secteur des services à la personne. Mais sur ce sujet, la DIRECCTE a fait dans l’Indre-et-Loire un travail qu’elle va désormais diffuser au niveau régional. Sur les EHPAD, aussi, il y a un travail pluridisciplinaire à approfondir.
L’hôtellerie-restauration est impatiente de rouvrir. Au niveau sanitaire, pensez-vous que ce secteur sera prêt ?
Dans certains cas, cela va être compliqué, c’est sûr, mais, au contraire d’autres commerces, il s’agit d’espaces où le client est statique. La clé sera de ne pas seulement avoir des règles papier, mais aussi des règles vivantes. Le protocole en tant que tel ne sera pas si difficile à élaborer au niveau national, mais il faudra qu’il vive et cela demandera au quotidien un travail de rappel répétitif de la règle et de vigilance. La partie va se gagner là-dessus, notamment pour les salariés. Avec les distances nécessaires, la question de la rentabilité des établissements sera également posée. Cependant, dans les autres commerces, j’observe que, depuis le 11 mai, les clients sont assez vigilants et disciplinés. Très franchement, je ne m’attendais pas à une réaction de ce type.