Aux Temps Modernes, librairie indépendante installée depuis 1964 à Orléans près de la rue des Carmes, Sophie Todescato livre une analyse nuancée de ses ventes au cours de l’année 2022 : « Entre les élections et la guerre en Ukraine, il y a eu un décrochage en février. De plus, la librairie est une économie où les marges sont faibles. Il faut convaincre que le livre est indispensable et qu’il n’est pas un luxe. » Cette professionnelle estime que le boom observé suite aux mois de Covid aura été une parenthèse : « Les gens avaient besoin de lieux de sociabilité et tout était fermé. Au final, les études montrent que, sur un an, les gens n’ont pas lu davantage. Ce qui a surtout marché, c’est le livre jeunesse et le livre pratique (voir pages précédentes), car les gens avaient du temps chez eux. En tout cas, cette période n’a pas fabriqué de nouveaux lecteurs. » Cependant, tout n’est pas noir : le Pass Culture instauré par le Gouvernement pour les jeunes a eu, selon Sophie Todescato, un véritable effet. De plus, le mois d’août a été pour elle très bon, « avec du passage. On nous a par exemple demandé des romans pour lire à l’Ile Charlemagne… Pour les indispensables de la rentrée, la demande arrive seulement maintenant ». Chez Legend BD, librairie située aux Halles-Châtelet et spécialisée dans la bande dessinée, on ajoute que le secteur du manga et de la BD fait partie de ceux en très forte croissance. « Pour l’instant, on ne souffre pas d’une baisse de pouvoir d’achat. Les parents privilégient la lecture pour leurs enfants », estime Nency, libraire qui n’a pas non plus observé de baisse de régime cet été malgré la canicule mais qui constate néanmoins, comme ses confrères, que chez certains éditeurs ont augmenté leurs prix. « Les répercussions sont de l’ordre de 2 €, tandis que Panini a, par exemple, passé ses omnibus de 90 à 100 €. Nous attendons donc de voir pour les fêtes si cela jouera sur les achats…»
Mais une nouvelle librairie !
À Orléans, 2022 a toutefois été marquée par l’ouverture en juin de Jaune Citron, située rue des Carmes, une librairie spécialisée dans le livre illustré et créée par Bénédicte Coutin. Ayant commencé sa carrière comme libraire en région parisienne, cette dernière a travaillé pendant vingt-quatre ans au musée des Beaux-Arts avant de se lancer dans ces locaux appartenant à la Ville d’Orléans. « Je souhaite proposer une offre différente de celle déjà existante », affirme la libraire, qui a notamment reçu le soutien d’institutions comme CICLIC et a bénéficié d’une opération de crowdfunding. L’enthousiasme des clients est déjà au rendez-vous même si, « avec la chaleur, le mois d’août a été calme. Il faut que cela décolle. Les trois mois à venir vont être décisifs », ajoute Bénédicte Coutin, qui se distingue également par la proposition d’ateliers animés par elle-même ou par des artistes (tarifs entre 10 et 25 €). Le lundi, elle anime aussi des tours d’histoires, avec sa bibliothèque nomade, dans les écoles : une rentrée sur les chapeaux de roues !