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Violences sexuelles : le sport fait le ménage

Violences sexuelles : le sport fait le ménage

Le sport, un milieu qui met en contact enfants, ados et éducateurs, a connu ces dernières années de nombreux scandales de violences sexuelles, à travers des affaires qui se sont multipliées depuis que la parole a commencé à se libérer. Dans le Centre-Val de Loire, comment les ligues s’y prennent-elles pour lutter contre ce fléau qui touche malheureusement tous les sports et toutes les fédérations ?
Gaëla Messerli (avec B.V.)
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Ancien rugbyman, Sébastien Boueilh est le fondateur de l’association Colosse aux pieds d’argile. Depuis 2013, il lutte avec son association contre les violences sexuelles au sein du milieu sportif et éducatif, à travers des interventions et des formations. « J’ai moi-même été victime de viols, raconte-t-il. À l’époque, il n’y avait aucune sensibilisation dans mon club. Avant 2015, ce sujet était encore compliqué à aborder. » Une antenne de son association, qui a tenu en mai ses assises régionales au siège du Conseil départemental du Loiret, existe depuis 2018 en région Centre-Val de Loire. « Il n’existe pas de territoire où rien ne se passe, poursuit Sébastien Boueilh. De la même manière, aucun sport n’est épargné. » D’ailleurs, la Fédération d’échecs vient de signer une convention avec l’association Colosse aux pieds d’argile… Cette dernière a effectué 90 interventions en 2021 dans la région, et recense déjà 50 signalements pour 2022 en Centre-Val de Loire. Au niveau national, la cellule ministérielle créée en 2020 et qui recense les violences sexuelles dans le sport a dénombré, pour sa part, pas moins de 655 personnes mises en cause – 97 % d’hommes – dans le cadre de 610 affaires. En décembre 2021, 54 fédérations sportives étaient concernées par ces signalements. Dans le patinage artistique, l’ancienne championne de France et vice-championne d’Europe Sarah Abitbol a déclaré en 2020 avoir été violée à l’âge de 15 ans par son entraîneur. Autre affaire retentissante : l’ex-champion olympique de natation Yannick Agnel, qui a été mis en examen en décembre 2021 pour viol et agression sexuelle sur mineure. 

Face à cette réalité scabreuse et à l’étendue encore insoupçonnée de ces dégâts, l’association Colosse aux pieds d’argile explique avoir dû « professionnaliser (son) combat ». Un pôle d’accompagnement gratuit des victimes, des parents et des clubs a été créé. Preuve, selon Sébastien Boueilh, que la parole se libère : « Auparavant, nous rencontrions des victimes qui témoignaient à l’âge adulte. Désormais, des victimes mineures nous contactent. » En local, que font les fédérations et les ligues sportives pour lutter contre ce fléau ? La Ligue Centre-Val de Loire de football explique avoir expérimenté depuis 2019 le contrôle de « l’honorabilité » de ses bénévoles qui interviennent auprès des jeunes et des enfants. « Quatre mille licenciés ont été contrôlés la première année et nous nous sommes aperçus que 2 % d’entre eux avaient une inscription à leur casier (B2)* », détaille Antonio Teixeira, président de la Ligue du Centre de football. En mars 2020, un dirigeant de club a ainsi été écarté à cause d’une condamnation pour pédophilie. À la DRAJES (Direction Régionale et Départementale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale), on indique que dès qu’il y a une mention, la nature de celle-ci est vérifiée**. « Depuis le début de la saison, éducateurs et intervenants techniques au contact avec les enfants sont filtrés en amont, certifie Antonio Teixeira. Le but est de mettre hors circuit d’éventuels prédateurs. Sur 58 000 contrôles, 9 avaient des mentions sur leur B2. » 175 signalements de comportements suspects ont déjà été dénombrés par la Ligue Centre-Val de Loire de football. Cette action pour débusquer les brebis galeuses n’empêche pas non plus de travailler sur un autre volet, celui de la prévention : Antonio Teixeira assure en outre que la Ligue est actuellement « en négociation avec une association pour accompagner les victimes ». 

D’autres sports moins populaires que le football prennent cette problématique des violences sexuelles très au sérieux. Béatrice Burnel, présidente de la Ligue Centre Val-de-Loire de judo, qui dénombre 18 000 jeunes et enfants licenciés sur le territoire, indique vouloir travailler « sur l’ensemble des comportements violents, et pas seulement sur la prévention des violences sexuelles », en sensibilisant notamment les parents. Créneau privilégié : « Lors des temps d’attente pendant les pesées. » Récemment marqué par l’affaire Marion Sicot (voir encadré), le comité de cyclisme du Loiret souhaite lui aussi engager un travail « sur l’ensemble des violences », explique Philippe Yon, son nouveau président. Un chantier qui devrait être lancé à l’automne prochain. Concernant la vérification de « l’honorabilité » de ceux qui encadrent les enfants et les jeunes, le dirigeant indique que les labels « École de vélo » sont un premier indicateur assez fiable concernant la qualité du personnel encadrant. 

Toutes les fédés concernées

Le monde régional équin a lui aussi été secoué violemment, en mars dernier, par une affaire de violence sexuelle. Elle s’est déroulée en Eure-et-Loir et a concerné un gérant de centre équestre de 59 ans, placé depuis sous contrôle judiciaire puisque soupçonné d’agression sexuelle sur une cavalière de 20 ans. « Nous sommes tombés des nues, réagit aujourd’hui Nathalie Carrière, nouvelle présidente du comité régional équestre. Mais cela signifie aussi que la parole se libère. Même si la présomption d’innocence doit être respectée, ce dirigeant ne peut plus être proche des jeunes, c’est très clair. » En quarante-cinq ans de métier, Nathalie Carrière dit n’avoir entendu parler que de quatre cas de violences sexuelles en région Centre-Val de Loire. Elle explique cependant que la fédération a signé une convention avec Colosse aux pieds d’argile « afin de proposer une formation ciblée aux enseignants d’équitation et qui sera réalisée département par département ». Nathalie Carrière insiste sur l’importance de ces formations qui protègent aussi les enseignants « d’une éventuelle conduite à risque. On leur explique par exemple qu’il ne faut pas être seul dans le box avec un ou une jeune. Les labels sont également utiles car ils permettent d’aller voir ce qui se passe dans les établissements ». Sur le plan de la prévention, la Fédération française d’équitation diffuse une campagne à destination des victimes baptisée N’en parle pas qu’à ton cheval. Et comme dans d’autres ligues ou fédérations, la carte professionnelle et les diplômes fédéraux font l’objet de vérifications.

* Le bulletin n°2 du casier judiciaire contient des condamnations sensibles, notamment celles qui sont liées aux violences sexuelles sur mineurs. Il peut être demandé par des employeurs qui veulent recruter pour des postes en lien avec des enfants. 

** Par extension, un éducateur sportif peut par exemple se voir retirer sa carte professionnelle après avoir été condamné pour une consommation de cannabis. 

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