« Plus jamais ça ». Au lendemain d’une Seconde Guerre mondiale qui avait causé la mort de 50 millions de personnes, les contemporains pensaient que celle-là, juré, serait vraiment la « Der des Ders ». Personne n’osait alors croire que l’humanité pourrait prendre le risque d’un nouveau conflit planétaire qui se solderait par l’utilisation massive de l’arme nucléaire. Soixante-dix ans plus tard, l’Europe et le monde se retrouvent au bord du précipice, en déséquilibre peut-être encore plus instable qu’en 1962 lors de la crise des missiles de Cuba, acmé d’une confrontation lors de laquelle le monde avait déjà failli se suicider. Depuis l’attaque russe de jeudi dernier et les déclarations inquiétantes de Vladimir Poutine, l’hypothèse d’un conflit nucléaire s’est abattue sur l’Europe comme une chape de plomb qui mettra des années à disparaître. Qu’elle reste à l’état de menace serait toutefois la meilleure des nouvelles, puisque toute autre option nous conduirait irrémédiablement à un grand incendie qui scellerait l’extinction quasi-définitive de l’espèce humaine.
Les Hommes seront-ils assez stupides pour se passer eux-mêmes la corde au cou, ou prendront-ils enfin conscience que leurs rêves de puissance et de domination, de quelque nature que ce soit, ne peuvent que précipiter leur anéantissement ? Les peuples sont-ils prêts à se faire exploser en silence et laisser leurs dirigeants, et notamment ceux qui portent en eux un mépris total et viscéral pour la vie humaine, les mener vers une mort certaine ? Alors que le monde court aujourd’hui à sa perte, nous tentons malgré tout de continuer à vivre comme si de rien n’était, comme si le chaos sera à coup sûr évité. Chacun espère en fin de compte que la Raison triomphe de la pulsion de mort qui semble étreindre aujourd’hui quelques apprentis sorciers. Curieuse impression que de sentir le boulet se rapprocher tout en continuant de se lever le matin, de vaquer à nos occupations et de se coucher le soir sans savoir si la nuit ne se prolongera pas au-delà de l’aurore.