La vague de libération de la parole née de l’affaire Weinstein n’a pas fini de déferler, et c’est heureux. La semaine dernière encore, le documentaire de Marie Portolano, qui dressait le quotidien de certaines femmes journalistes de sport dans des rédactions trop souvent régies par une forme de patriarcat rance, a donné au débat une nouvelle jeunesse. On peut certes regretter que celui-ci ait été ramené au seul cas de Pierre Ménès, mais ce bad buzz, comme on dit aujourd’hui, a au moins eu le mérite de remettre en lumière quelques agissements qui vont du sexisme primaire à l’agression sexuelle pure et simple. Celles-là, d’ailleurs, Orléans n’en est pas exemptée : il y a quelques mois, une personnalité politique locale nous racontait comment elle avait eu à subir par deux fois, au cours des dernières années, les coups de sang de deux élus en mal de sensations fortes. À l’époque –
pourtant pas si lointaine –, cela ne se disait pas. Cela se dit aujourd’hui, mais c’est du bout des lèvres, car pour une parole qui se libère, combien de gorges restent encore nouées, par peur du témoignage qui flinguerait une carrière, une réputation, une famille ?
Aux racines de ces agressions silencieuses et de ces mains forcées – comme en témoigne aujourd’hui l’affaire PPDA –, il existe encore, invisible à l’œil nu, une espèce de torpeur flasque qui accepte des remarques déplacées et des blagues de régiment. Le cas individuel de Pierre Ménès est emblématique de ce vieux monde fier de sa testotérone, qui découvrirait aujourd’hui sa balourdise en tombant de sa chaise. Certains mettent en doute cette ligne de défense, qui doit toutefois être sérieusement examinée à l’heure où ces hommes doivent rendre des comptes. Car plutôt que de sortir la guillotine pour tout raccourcir, essayons plutôt de comprendre pourquoi et comment, tous ensemble, nous avons pu tolérer aussi longtemps ces porcs dans la bergerie.