La sauce avait commencé à monter depuis que le rappeur Booba, dans un élan de courage extraordinaire, avait pris la parole dans le très respectable Libération. Et depuis le début de la semaine, c’est officiel : la guerre est désormais déclarée sur le terrain judiciaire contre certains « influenceurs », cette petite caste numérique qui gagne sa vie en faisant de la publicité – plus ou moins déguisée – pour des produits et des enseignes qui achètent leurs audiences. Sur le papier, la pratique est déjà limite et assez perverse, mais elle est encore plus condamnable quand les produits vantés s’avèrent être de redoutables attrape-gogos, voire d’indigestes escroqueries. L’une des vedettes mises en cause par un collectif d’Aide aux Victimes d’Influenceurs a ainsi porté aux nues, sur ses réseaux, un produit capable de tuer des « cellules cancérigeuses » (sic)…
Alors, qui est à condamner dans ces affaires bien de notre siècle ? Les émetteurs du message, capables de raconter n’importe quoi pour gonfler leur compte en banque, les « financeurs », cyniques à souhaits, mais aussi et surtout les récepteurs du message en question ; c’est-à-dire nous, le public, assez idiot pour être fasciné par des marionnettes gesticulant derrière une caméra. On caricature un chouya, parce que certains « influenceurs » ont pour certains une éthique, pour d’autres de vraies qualifications, mais pour une poignée de ces leaders d’opinion respectables, combien d’andouilles carabistouillant les neurones de celles et ceux qui les suivent benoîtement ? On pourra toujours punir, réguler et surveiller ; il n’y aura jamais rien de mieux que de faire appel à l’intelligence -encore non artificielle- des utilisateurs, trop souvent esseulés, malheureusement, face aux dangers de la Toile. Pour éviter d’être trop influençable, en somme, un peu de prévention supplémentaire ne ferait pas de mal, à tous les âges que ce soit.
Benjamin Vasset, rédacteur en chef