Comment se porte le tissu culturel en cette période post-Covid à Orléans ?
Notre première année de mandat a évidemment été compliquée avec cette crise. Nous nous sommes pourtant efforcés de dialoguer constamment avec les acteurs du tissu culturel, comme avec les intermittents. D’autre part, si l’État a joué une partie de son rôle pour soutenir les acteurs culturels, la mairie d’Orléans aussi, avec un Fonds de soutien de 250 000 € : nous avons pu soutenir des dizaines de projets que nous n’aurions pas soutenu en temps normal. Maintenant, je crains un peu « l’effet bretelles » et les conséquences que cette après-crise peut avoir sur les plus fragiles, comme les musiciens et les arts plastiques, qui n’ont pas forcément de structures derrière eux. Nous avons aussi, Ville d’Orléans, aidé de manière symbolique les artistes en achetant au Salon des Artistes orléanais trois œuvres au lieu d’une, comme c’était traditionnellement le cas.
Ce Fonds de soutien sera-t-il pérennisé en 2022, ou y aura-t-il un autre dispositif d’aides émanant de la Ville ?
Aujourd’hui, ce n’est pas prévu. Mais je surveille ça, et s’il faut dégainer, on sera réactif. Vis-à-vis des intermittents, nous serons aussi vigilants. Par ailleurs, la Ville d’Orléans va voter ce vendredi un dispositif de 25 000 € sous forme de « paniers solidaires », qui existent déjà dans certains départements. En gros, une collectivité achète un « panier » qui comporte des temps de répétition et de représentation, lesquelles permettent à un certain nombre d’artistes qui ne se connaissent pas forcément de créer un spectacle, qu’ils proposeront dans certains lieux de la métropole et de la région.
Le mois d’octobre va voir revenir les Voix d’Orléans…
Je suis content qu’elles reprennent, associées au Parlement des écrivaines francophones, et que l’on puisse y entendre la voix des femmes. Avec la problématique des violences conjugales, avec ce qui se passe de nouveau en Afghanistan, tout cela a du sens, surtout à Orléans, la ville de Jeanne d’Arc. Nous allons essayer, pour cette édition, de trouver d’autres formes d’échanges, avec notamment une pièce de théâtre qui se tiendra, le dimanche 9 octobre, au Palais de Justice, où l’on pourra y suivre un « procès fait aux femmes ». Il sera joué par des comédiens professionnels.
Que va-t-il y avoir de neuf, en 2022, à Orléans, sur le plan culturel ?
Il ne vous a pas échappé que nous avons créé en juillet dernier un nouveau festival, L’été essentiel, qui a, je crois, eu un bel accueil de la part du public et des établissements qui ont travaillé dessus. Ça s’est vraiment fait à marche forcée, mais cet événement nous a permis de montrer, dans un cadre sublime, au Campo Santo, la diversité des propositions culturelles et des esthétiques qui existent à Orléans. J’espère que ce festival sera pérennisé, et que nous pourrons le rendre encore plus familial.
C’est-à-dire que s’il se perpétue, ce festival du début de l’été à Orléans continuera à ne pas être organisé directement par la Ville ?
Oui : notre programmation, à la mairie d’Orléans, s’arrête aux Hors Les Murs. Ce modèle qui a été expérimenté lors de l’Été Essentiel avec l’Astrolabe, la Scène Nationale, le CCNO… fonctionne bien, d’abord parce qu’il permet aux acteurs culturels de la ville de travailler ensemble et de se parler. Ensuite, je suis assez réticent au modèle d’une Ville capable de tout faire : organisateur, programmateur… C’est beaucoup de temps et beaucoup d’énergie.
Et pour en revenir aux nouveautés pour 2022…
La nouveauté, ça va d’abord être de stabiliser ce qu’on a. Il y a quand même des fondamentaux, comme le Loire Art Show, qui est un magnifique événement, même s’il va falloir qu’on le muscle un peu côté communication. Mais ça, c’est vraiment un événement fédérateur, qui pourrait même être un peu plus long dans le temps. Plus largement, nous allons d’ailleurs travailler sur la place des arts urbains dans l’espace public. À ce titre, l’exposition Stratos, qui a consisté, jusqu’au 6 septembre dernier, à exposer huit œuvres d’artistes dans l’espace public, a été une belle initiative. L’idée, c’est de faire deux expos par an dans ce format, avec des têtes d’affiche nationale et internationale. Et puis, il y a une réflexion plus globale autour de l’art urbain, que l’on mène avec le Musée des Beaux-Arts. C’est sur le feu, j’en dirais un peu plus début octobre.
Au fait, y aura-t-il oui ou non un festival de jazz à Orléans en 2022 et dans les années qui viennent ?
L’Été essentiel est, selon moi, un modèle qui a fonctionné et qui a permis, comme je vous l’ai dit, à plein de publics de se rencontrer. Je n’aime pas refaire ce qui a été fait. Je pense plutôt qu’il faut brasser que rester sur une esthétique purement jazz.
Ce n’est pas évident, pour vous, de parler d’une promesse de campagne qui ne sera donc pas tenue, si on comprend bien…
Peut-être qu’on nous dira ça, mais avec L’Été essentiel, Serge Grouard était heureux de voir le Campo Santo revivre. Du jazz, il y en aura au festival L’Été essentiel s’il est pérennisé, mais il n’y aura pas que du jazz. Notre devoir, c’est de présenter la plus grande diversité possible autour d’un beau festival, qualitatif, qui, je le répète, a fédéré tous les établissements culturels.
En même temps, toutes les communes font désormais du jazz…
La forme jazz est populaire mais, c’est vrai, relativement consensuelle. Et puis, c’est souvent moins gênant pour les riverains. À ce propos, je rappelle que nous avons été très rigoureux sur les horaires des concerts et des spectacles lors de L’Été essentiel. Il faut certes une forme de folie en ville mais, pour paraphraser Pompidou, il ne faut pas emmerder le peuple.
« il n’y aura pas de grand projet aux vinaigreries »
On vous avait posé la question il y a un an. Un an plus tard, on vous la repose : y a-t-il aujourd’hui un projet pour les Vinaigreries ?
C’est un projet, côté Ville, qui est en statu quo. Serge Grouard l’a dit en conseil municipal, par rapport au projet développé par la précédente mandature : il n’a pas senti le truc. Il ne faut pas oublier, non plus, que les Vinaigreries sont en très mauvais état. Juste pour sécuriser le bâtiment, cela nous coûterait plusieurs millions d’euros : en investissement, sûrement dix millions (archéologie, sécurisation, électricité, fluide, parking…), et derrière, il y a le fonctionnement. C’est un projet très lourd que la Ville d’Orléans ne peut pas porter toute seule. Par contre, s’il y a des gens qui nous apportent de beaux projets, nul n’est fermé à la discussion. Mais pour l’instant, rien ne presse non plus : le bâtiment ne va pas s’effondrer, et nous ferons ce qu’il faut pour le maintenir. Mais au moment où je vous parle, il n’y aura pas de grand projet aux Vinaigreries. C’est un choix politique assumé, compte tenu des autres grands projets que nous allons mettre en place dans cette mandature dans d’autres domaines, comme l’Hôpital Porte-Madeleine, la rénovation des Halles, etc. Sur le plan culturel, la priorité absolue, ce sera la rénovation du Conservatoire, qui est l’âme de cette ville. La salle de l’Institut est l’une des plus belles de France au niveau acoustique, c’est un bijou. Il nous faut travailler dessus.
Dans une interview à Orléans Mag, Serge Grouard a laissé entendre qu’il y avait un lieu d’identifié pour l’Astro 2. Où en est-on, là aussi ?
Il y a effectivement un lieu d’identifié, mais je ne peux pas vous le révéler pour le moment. D’ici à la fin d’année, je pense qu’on se sera arrêté sur l’endroit.
Vous confirmez donc qu’il y aura bien une nouvelle salle de musiques actuelles et que l’idée de rénover le complexe du Baron, où se trouve l’actuel Astrolabe, est bien abandonnée ?
Il nous semble en effet qu’il faut créer quelque chose à un autre endroit. Au Baron, l’accessibilité de l’Astrolabe pose problème, et les salles sont trop petites. Il va donc falloir acquérir un lieu, ce qui n’est jamais évident en termes de foncier, et c’est pour cette raison que je reste discret. Mais l’idée générale, c’est de faire quelque chose de simple, de brut, avec un vrai geste architectural. La construction sera, je l’espère, bouclée avant la fin du mandat. C’est en tout cas, avec le Conservatoire, l’une des commandes du maire.
Êtes-vous satisfait des débuts du MOBE, en termes d’accueil et de fréquentation ?
Je suis déjà admiratif des équipes qui ont ouvert dans des conditions dégradées. Les fréquentations sont plutôt bonnes, j’ai eu plusieurs retours élogieux. Dès que les restrictions seront levées, les Orléanais vont découvrir un musée hyper-vivant et qui leur appartient, notamment au quatrième étage du MOBE, qui sera un vrai lieu d’échanges. L’expérience MOBE ne sera complète que quand les gens pourront s’y poser. Mais en tout cas, les débuts sont hyper-encourageants…
Il n’a donc pas coûté trop cher, ce MOBE… ?
Je rappelle que le projet a évolué : au départ, on était plutôt sur une petite rénovation qui consistait à revoir la scénographie, et après, on est parti sur un vrai muséum, vivant, en lien avec son époque, avec des enjeux qui ont changé. Il y a également eu plein de contraintes, comme les curages ou la Covid. C’est donc un musée qui a un coût (18 M€, ce n’est pas rien), mais par rapport à d’autres projets du même acabit en France, il est tout à fait dans la moyenne.
Le MOBE est « revenu » de la Métropole vers la Ville d’Orléans en juillet. La culture dans l’agglo d’Orléans, c’est donc chacun pour soi ?
Certains transferts de compétence des Villes vers la Métropole ont été pertinents, d’autres ont sans doute été trop rapides. Et je remarque qu’il n’y a pas vraiment de souhait des Villes de rendre la culture métropolitaine. Après, cela n’empêche pas la coopération. Mais une métropolisation de la culture, ce n’est ni à l’ordre du jour, ni notre souhait.
Peut-être, mais on arrive quand même à des programmations culturelles qui se ressemblent toutes un peu, centrées autour du jazz et des spectacles jeunes publics, non… ?
C’est là que se pose la question des mobilités. Nous avons déjà du mal, chacun au sein de nos propres communes, à créer des mobilités entre les quartiers. Du coup, un système où chaque commune pourrait avoir sa spécificité – l’une le jazz, l’autre la musique classique, etc.- , sincèrement, je n’y crois pas beaucoup. Arrivons déjà à faire passer la porte des théâtres et des conservatoires à des publics qu’on dit « empêchés », ce serait bien.