|
|
L’engrillagement de la Sologne pourrait-il être bientôt stoppé ?

L’engrillagement de la Sologne pourrait-il être bientôt stoppé ?

Avec ses 4 000 km de grillages et de clôtures posés par des propriétaires, la Sologne vit une époque hautement inflammable, sur fond de chasse au gibier et de chasse aux riches qu’imaginent certains. Le député du Loir-et-Cher Guillaume Peltier veut croire qu’un texte qu’il a déposé la semaine dernière à l’Assemblée peut endiguer ce phénomène d’engrillagement et, accessoirement, calmer les esprits.
Benjamin Vasset
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur email
Partager sur whatsapp

Avis de gros temps sur la Sologne. Depuis quelques mois, la région, d’habitude si discrète, ne cesse de faire les gros titres des journaux. En local, bien sûr, mais aussi à l’extérieur des frontières, puisque le sujet de « l’engrillagement » de la Sologne, porté par quelques associations opiniâtres, a été évoqué à maintes reprises par plusieurs titres de presse nationale. Évidemment, le problème ne date pas d’hier, mais il a véritablement cristallisé les tensions depuis que le cinéaste Nicolas Vanier, avec l’association des Amis des Chemins de Sologne, en a fait son cheval de bataille.

En 2018, la Région Centre-Val de Loire a elle aussi commencé à mettre son nez dans ce dossier techniquement épais et socialement explosif. En est sortie une grande enquête qui a validé le fait que la Sologne compte aujourd’hui entre 3 et 5 000 km de grillages, posés là par des propriétaires « régnant » sur des propriétés de plusieurs dizaines d’hectares, parfois entièrement closes. Ces clôtures empêchent le gibier, qui foisonne en Sologne, de gambader en toute liberté. Des propriétaires, qui sont pour certains de grands capitaines d’industrie ou des figures du monde du show-biz, s’abritent derrière le droit de propriété, justifiant la pose de clôtures par l’intrusion de malfaiteurs et de cueilleurs de champignons : ils disent, en gros, qu’ils ne sont plus tranquilles dans leurs pénates. Face à eux, certains Solognots crient à la « privatisation » du territoire et pointent une catastrophe écologique qui serait en train de se nouer derrière ces enclos, d’autant que des bestioles seraient importées par camions entiers pour satisfaire aux joies de la chasse d’affaires entre grosses gâchettes. Les riches d’un côté, les gueux de l’autre : en Sologne, certains pensent qu’on n’est pas loin de rejouer le refrain de la lutte des classes. D’autant que, photos à l’appui, des associations ont commencé à donner, dans la presse, les noms de ceux qui « grillageraient » façon grosse Bertha, comme le célèbre coiffeur Franck Provost.

Le député demande d’interdire certaines nouvelles clôtures

Conscientes que la situation est en train de tourner au vinaigre, les autorités politiques locales ont donc (enfin) commencé à se saisir du problème, après plusieurs années d’inaction qui arrangeaient pas mal de monde. Ancien maire de Neung-sur-Beuvron en pleine (ré)ascension politique, le député du Loir-et-Cher Guillaume Peltier (LR) a pour sa part déposé, la semaine dernière, une proposition de loi « visant à lutter contre l’extension de l’engrillagement de parcelles privées » et – ceci est loin d’être un détail – à « renforcer le droit de propriété ». Soyons clairs : ce texte n’a pas pour vocation à rendre illégaux les milliers de kilomètres de grillages déjà posés en Sologne, mais simplement à empêcher la propagation de certaines d’entre elles, qu’aujourd’hui rien ou presque n’empêche, hormis un amendement voté par le Conseil régional du Centre-Val de Loire en 2018, entré en vigueur au 1er janvier, et qui interdit la pose de nouvelles clôtures au-dessus d’1,20 m.

Avec cette proposition de loi au niveau national, Guillaume Peltier veut instaurer « trois nouvelles règles précises : l’interdiction pure et simple de toute nouvelle clôture qui ne permettrait pas le libre passage du gibier, la création d’un délit d’intrusion de propriété passible de deux ans de prison et 75 000 € d’amende et la création d’un corps de garde-chasses qui serait pris en charge par l’Office Français de la Biodiversité. » Cette nouvelle force, qui pourrait compter une cinquantaine de membres en Sologne, pourrait, selon Guillaume Peltier, inciter des propriétaires à jouer le jeu : davantage protégés, ils n’auraient alors plus de raison de s’engrillager.

L’élu solognot affirme que ce texte a fait l’objet d’une large concertation et qu’il a reçu la bénédiction d’élus locaux, mais aussi du président des chasseurs français, Willy Schraen, et du Comité Central Agricole de la Sologne, une « institution » locale qui regroupe environ 500 propriétaires. « On pourra toujours dire qu’elle n’est pas assez dure, mais cette proposition de loi est le fruit d’un compromis, et elle comporte d’ailleurs d’immenses avancées, assène Guillaume Peltier. Il faut absolument réconcilier tout le monde. »

Ce texte sera-t-il voté ?

Reste désormais à savoir si ce texte porté par celui qui affirme être le champion des propositions de loi à l’Assemblée nationale obtiendra l’aval de ses collègues parlementaires. Car au-delà du fait qu’il siège aujourd’hui dans l’opposition, Guillaume Peltier n’est pas sans ignorer que, malgré son poids médiatique, les très grands propriétaires, qui sont ceux qui clôturent le plus, ont des réseaux arachnéens. Alors que l’un des plus grands grillageurs de Sologne, Olivier Dassault, est même… député de l’Oise, la ligne très popu défendue par Guillaume Peltier dans son propre parti n’est pas, non plus, toujours pour plaire à certains gros propriétaires.

Toutefois, le député solognot veut croire que son texte, qui n’est pas tout à fait révolutionnaire, pourra vivre sa vie législative jusqu’à un potentiel vote, peut-être « à l’horizon 2022 ». Il pense aussi que le succès de cette proposition de loi pourrait même infléchir le sens de l’histoire en Sologne. « Ce texte doit être la première étape d’un endiguement du phénomène, insiste Guillaume Peltier. J’ai déjà un certain nombre de propriétaires qui m’ont dit que s’il fonctionnait, ils seraient prêts à se désengrillager. Ce mouvement devra faire œuvre de pédagogie. De toute façon, il n’y a pas d’autres solutions car on ne peut pas, pour l’instant, imposer le désengrillagement par la loi… » 

Une réponse

  1. Bonjour,
    Je suis propriétaire de bois et terrain de chasse dans la Sarthe, je suis contre l’engrillagement, et pour la liberté totale du gibier et aussi de toute la faune sauvage à pouvoir circuler librement

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Autres ARTICLES a lire

Signaler un commentaire

Enable Notifications Oui Plus tard