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Les motards en roue libre ?

Les motards en roue libre ?

Suite à l’annonce – puis la suspension – du contrôle technique obligatoire pour les deux-roues, le coordinateur de la Fédération Française des Motards en Colère (FFMC) du Loiret et un membre du collectif Vélorution opposent leurs avis sur une mesure qui fait débat. Et reviennent, plus généralement, sur la place de la moto dans notre environnement urbain, à l’heure où le bruit qu’engendre ce mode de locomotion irrite de plus en plus d’oreilles
Hugo de tullio
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Les motards se font remarquer, en ce moment, dans les rues de la métropole

Certains étaient ravis de cette annonce, d’autres soulagés de sa suspension… Paru au Journal officiel le 11 août dernier, le décret proclamant le contrôle technique obligatoire pour tous les véhicules motorisés à deux, trois et quatre-roues, ainsi qu’aux scooters de 50 cm3 et aux voitures sans permis, a finalement été suspendu le lendemain par Emmanuel Macron. Appliquée dans de nombreux pays, la directive est exigée par l’Union européenne et devait entrer en vigueur en France en 2023. 

L’insécurité des motards

Membre orléanais du collectif Vélorution – créé en 2015 et militant pour la place des transports non-motorisés en ville, Nicolas Guilmain évoque « une mesure de bon sens. Les automobilistes sont soumis aux contrôles techniques depuis des années. Je ne vois pas pourquoi ces engins motorisés en seraient exclus, c’est une question d’équité ! » L’objectif, en instaurant cette mesure obligatoire, est en effet d’améliorer la sécurité routière et, de facto, de baisser le nombre d’accidents et de morts sur les routes. 

Des arguments que Franck Clouzet, coordinateur de la Fédération Française des Motards en Colère (FFMC45), jugent totalement hors-sujet : « dans les statistiques d’assurance, il y a seulement 0,3 % des accidents qui proviennent d’un problème mécanique », assène-t-il. Publié en 2005 par l’Association des constructeurs européens de motocycles, le rapport MAIDS (Motorcycle Accident in Depth Study), une étude sur les accidents de moto, confirme ces chiffres : moins de 0,5 % d’entre eux sont directement liés à une défaillance technique. François Clouzet enfonce le clou en rappelant que chaque conducteur, lors de son examen de passage pour être titulaire du permis moto, doit répondre à des questions mécaniques, avec, entre autres, une partie sur les vérifications et les contrôles à faire sur son véhicule avant de prendre la route. « Chaque titulaire du permis de conduire a cette maîtrise, soutient le représentant de la FFMC 45. D’où l’inutilité de ce contrôle technique, qui ne fera pas avancer la sécurité des motards. » 

Pour Nicolas Guilmain, ce raisonnement arguant que les motards peuvent s’occuper seuls de leurs engins s’apparente au « degré 0 de l’argumentation ». « Je suis intimement convaincu que les motards s’occupent bien de leurs engins, continue-t-il. Mais le problème, c’est que beaucoup ne jouent pas le jeu de la réglementation. » Ce membre de  la Vélorution cite notamment les plaques trop petites, mal orientées, ou encore les pots d’échappement non-homologués, qui pourraient être évités grâce à la mise en place du contrôle technique. Là encore, sur cette question, Franck Clouzet montre son désaccord : « on sait très bien que si demain, les deux-roues qui conduisent avec des pots d’échappement non-homologués et bruyants doivent passer un contrôle technique, ils remettront leur pot d’origine pour ne pas faire de bruit… » Malins, ces motards !

Silence, ça roule ! 

Peut-être davantage habitués aux rues calmes et silencieuses, certains trouvent d’ailleurs que la pollution sonore provoquée par les motards a augmenté depuis la fin des confinements. Nicolas Guilmain mentionne même le problème des livreurs à scooters, en nette augmentation depuis la Covid-19 : « dans le centre ancien piétonnisé d’Orléans, ce n’est pas possible de passer une heure en terrasse sans entendre un scooter en livraison ou un motard. » Il reprend l’exemple de la place de Loire, où « les motards en ont fait leur repère. Ils viennent pétarader, c’est tout à fait interdit et personne ne dit rien. On est face à une espèce de démission politique, il y a beaucoup d’hypocrisie des pouvoirs publics, et c’est dommageable pour l’ensemble de la population. » 

Sur ce point, le coordinateur de la FFMC45 semble comprendre que certains riverains puissent être excédés, et reconnaît que « le bruit est une nuisance non-négligeable. » Mais le problème ne viendrait que d’une « partie marginale des motards, qui pensent qu’être entendus, c’est un gage de sécurité. Alors que c’est complètement débile. » Néanmoins, selon Franck Clouzet, ce n’est pas grâce au contrôle technique que la situation s’arrangera, mais via les instances judiciaires. Pour lutter contre la pollution sonore, « la police a déjà l’arsenal législatif, assure-t-il. Il est ainsi écrit, dans la loi, qu’un engin ou qu’un moteur ne doit pas faire plus de tant de décibels pour le respect et la quiétude de tous. » Afin de faire baisser le volume sonore des deux-roues, Nicolas Guilmain, de la Vélorution, rappelle la création des radars anti-bruit nommés Méduse, qui permettent de quantifier le bruit des motos et qui seront testés à l’automne prochain dans huit villes françaises. « Il faut se doter de moyens qui contrôlent le plus largement possible les comportements problématiques, analyse-t-il. Car hélas, ce qui est dissuasif, c’est l’automaticité de la sanction. » 

La suspension du décret portant sur le contrôle technique obligatoire, seulement 24 heures après son annonce, a ainsi fait grincer des dents Nicolas Guilmain : « sa Majesté Jupiter intervient, c’est consternant… Le Président se mêle d’une mesure technique car il craint l’agitation des fameux « motards en colère ». » Pour ces derniers, rien n’est encore gagné, cependant : « vu la manne financière que ces contrôles techniques représentent, ils ne vont pas le lâcher comme ça… », pense Franck Clouzet, qui souhaiterait d’abord que les infrastructures routières soient plus sécures et que le partage de la chaussée soit accentué : « c’est à ce moment-là qu’on aura une vraie diminution de chiffres d’accidents et de morts, car en France, le réseau routier est déplorable et dangereux. »

Ce n’est « pas le moment d’embêter davantage les Français », avait concédé un conseiller de l’exécutif au moment d’annoncer la suspension de la mesure de contrôle technique obligatoire pour les motos. Une argumentation que Nicolas Guilmain juge « au ras des pâquerettes». Pour lui, il s’agit même d’un mauvais calcul en vue des élections présidentielles, car « la majorité silencieuse est largement opposée aux nuisances des deux-roues. » De nouvelles négociations sont prévues ces prochaines semaines pour savoir quelles suites donner à cette affaire, et éviter ainsi la sortie de route…

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