La loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets » a été promulguée et publiée au Journal Officiel le 24 août dernier. Dans le secteur du logement, elle aura un impact considérable sur l’offre locative disponible, en particulier dans le parc privé : à terme, si les propriétaires n’effectuent pas les travaux nécessaires, ce sont, en effet, près de 4 400 000 logements qui ne pourront plus être loués ou reloués d’ici à 2034 en France. La terminologie employée par les pouvoirs publics pour qualifier ces « passoires thermiques » n’est d’ailleurs pas neutre, pour ne pas dire culpabilisante. Ces logements seront désormais considérés comme « indécents » au regard de la loi, et les locataires qui seraient déjà en place pourront exiger de leurs propriétaires qu’ils effectuent des travaux, soutenus dans leur démarche par un renforcement de leurs droits.
Des incitations pas assez fortes ?
Des professionnels de l’immobilier considèrent l’échéance de 2034 comme beaucoup trop proche. Après l’étape de 2025 pour les 600 000 logements G et celle de 2028 pour les 1 200 000 logements F, ce sont ensuite les logements classés E, soit 2 600 000 biens, qui devront monter en gamme. Pour la Fédération Nationale des Agents Immobiliers (FNAIM), la filière de la rénovation n’est absolument pas prête à absorber une telle masse de travaux. En cause, une rupture d’approvisionnement des matériaux d’isolation qui se profile déjà et qui conduirait la filière vers un pic inflationniste exceptionnel.
Mais au-delà des problèmes de logistique se posent aussi des contingences d’ordre financier. Des professionnels posent cette question : combien de bailleurs n’auront-ils pas les moyens d’effectuer ces travaux de rénovation ? Les agents immobiliers exposent le fait qu’une bonne partie des propriétaires améliorent leur modeste retraite grâce aux revenus locatifs et sont donc loin de posséder les fonds nécessaires pour de lourdes rénovations. Les incitations fiscales mises en place sont, selon la FNAIM, destinées à effacer de l’impôt mais pas à créer du cash, d’autant que les logements énergivores sont principalement situés dans des zones rurales ou montagneuses, loin du pouvoir d’achat des grandes villes…
40 % de logements à revoir ?
En outre, dans moins de sept ans, 22 % des propriétaires pourraient donner congés à leurs locataires pour cause de « logement indécent », suivis par 26 % d’entre eux après 2028… Seront concernés aussi bien les maisons individuelles que les appartements en copropriété, en majorité constitués de petites surfaces. Du coup, prévoit la fédération d’agents immobiliers, les locataires jeunes ou célibataires pourraient être en première ligne.
Pour l’heure, les professionnels conseillent aux propriétaires de ne pas se précipiter sur le diagnostic de performance énergétique (DPE), qui est pourtant désormais invalide s’il a été effectué avant 2013. Le législateur a cependant introduit deux délais de validité pour les autres, qui n’excéderont toutefois pas 2024. Ainsi, avec ce nouveau DPE, de très nombreux logements, environ 40 %, pourraient changer de « case ». Et la surprise sera d’autant plus désagréable que la connaissance des ménages concernant la classe énergétique de leur logement est plutôt faible… Un quart des Français l’ignorent d’ailleurs, et quand ils croient la connaître, ils la surestiment.
Pour mémoire, rappelons que nos élus ont déjà interdit les chaudières à fuel et charbon à partir de mi-2022 dans les logements neufs, ainsi que l’impossibilité de remplacer les existantes par un modèle similaire dans les logements anciens. Exit donc les modes de chauffage « à la papa ». Toutefois, le revirement le plus spectaculaire concerne le gaz : autrefois énergie encouragée et considérée comme propre, elle est désormais vouée aux gémonies. Résultat : 900 000 logements vont dégringoler de classe en France, passant du vert au jaune, orange ou rouge. À l’inverse, la fée électricité est en train de revenir par la grande porte, parée de toute sa splendeur, après plusieurs années de placard…
Le grand retour de l’électrique
Les ingénieurs de la DHUP (Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Paysage) se seraient-ils autrefois trompés dans leur calcul ? Que nenni, affirment certains professionnels bien informés, qui ne voient derrière cette volte-face que le jeu des lobbys, tant le coup paraît énorme. Mais alors, par quel tour de passe-passe l’électricité redevient-elle du jour au lendemain une énergie extraordinaire ? Pour mieux comprendre, Jean-Yves Surateau, dirigeant du cabinet Exim, à Olivet, explique : « jusqu’alors, le législateur considérait que pour restituer 1 KW d’électricité en énergie finale, il fallait produire 2,58 KW. La centrale nucléaire qui produisait donc 2,58 KW perdait 1,58 KW avant d’arriver chez vous, c’était l’une des raisons qui faisait que l’électricité était très pénalisante. Aujourd’hui, le coefficient a été baissé à 2,30 KW, donc la déperdition n’est plus que de 1,30 KW. Comment ont-ils fait ? Aucune idée. Mais ce qui est sûr, c’est que la volonté du Gouvernement est d’aller au maximum sur l’électrique. Concrètement, dans une maison « pourrie », si vous installez une pompe à chaleur électrique, vous passerez votre DPE en D. L’électricité est, tout à coup, devenue fashion… »
Disputes en vue ?
Au niveau des propriétaires, la loi « Climat et résilience » risque en tout cas, selon la FNAIM, de provoquer des crispations. Par exemple, pour changer de classe un studio en rez-de-chaussée classé G ou F dans un immeuble qui comporte une majorité de lots en D dans ses étages, pas d’autres solutions que d’isoler les murs par l’intérieur. Ce qui, sur 20 m², peut représenter une perte de surface de 3 m². Donc non seulement, il faudra payer des travaux, mais en plus, le logement perdra de sa valeur. De surcroît, le DPE sera opposable, ce qui signifie que l’acquéreur ou le locataire pourront se retourner contre le propriétaire bailleur ou vendeur, si les informations fournies dans le rapport sont erronées…