Comme avec Anne De Keersmaeker précédemment, le CCNO a créé pour la saison 2022/2023 un portrait krump en collaboration avec la Scène Nationale, qui s’organise autour de projections de films et documentaires, d’expositions, d’échauffements publics, d’expositions et de la programmation de spectacles. La discipline du krump nous vient tout droit des États-Unis, des ghettos de Los Angeles plus précisément, où la communauté afro-américaine a commencé à exprimer toute sa colère dans un contexte très marqué par les émeutes raciales et les violences policières, par le biais du corps mais sans collision avec les autres corps. Appelé « clowning » au début des années 2000, le krump, maintenant codifié par des pas et une stylistique, est en pleine éclosion en France et devient un nouveau territoire d’exploration pour les chorégraphes.
Maud Le Pladec, à la demande du Festival d’Avignon, a créé Silent Legacy pour l’édition 2022, un deux-en-scène avec lequel elle fouille des thèmes qui lui sont chers : identité, héritage et culture de la danse. Elle investit plus précisément le terrain de la sororité, tandis qu’elle entreprend la deuxième partie de son mandat au CCNO avec lequel elle a impulsé un féminisme visible et revendiqué dans le rayonnement culturel orléanais. Pour porter ce spectacle, elle est allée chercher Adeline Kerry Cruz sur les réseaux sociaux. À 8 ans (9 aujourd’hui), cette jeune Montréalaise s’est fait remarquer par des vidéos de hip-hop postées par son père avant de se révéler pleinement par le krump. Avec son mentor Jr Maddripp, elle développe cette danse urbaine à travers des battles, des clips et des rencontres artistiques. « On se demande bien d’où vient cette colère en elle, cette douleur originelle, raconte Maud Le Pladec. Elle vient d’un milieu privilégié et pourtant, elle fait preuve d’une immense maturité et d’une hypersensibilité qui lui permettent peut-être d’absorber les émotions qu’elle perçoit du monde pour les
retranscrire et les transmettre via la danse. »
Phénomène médiatique, l’enfant a d’ailleurs dit elle-même avoir besoin de danser le krump parce que ça la rend « forte et belle ». La jeune danseuse évolue sur scène aux côtés d’Audrey Merilus, danseuse contemporaine professionnelle avec laquelle la chorégraphe du CCNO a déjà travaillé. Les deux interprètes partagent un espace commun ; elles y créent une discussion sans paroles où jaillit la vitalité des apprentissages et des héritages distinctifs. Pour la bande-son, Maud a rappelé la DJ et compositrice Chloé Thévenin, ovni de la scène électro minimale, et Christelle Kocher (Koché) pour les costumes. Éric Soyer est, lui, à la lumière et à la scénographie. Maud Le Pladec, qui confie être du genre à anticiper ses projets, est dans une émulation créatrice permanente. Très fière de cette création qui devrait donner une belle place au krump avec une tournée internationale qui suit la première à Orléans, la chorégraphe montre qu’elle a su adapter sa vision au monde de la danse post-pandémie avec brio.
C’est où, c’est quand ?
Silent Legacy, par Maud Le Pladec, produit par le CCNO, en collaboration avec la Scène Nationale.
Jeudi 17 novembre à 20h30 et vendredi 18 novembre à 19h. Au théâtre,
Salle Touchard.
Tarifs de 5 € à 25 €.