Le Zénith d’Orléans a accueilli la semaine dernière l’un des humoristes les plus courus du moment : Jérémy Ferrari, 37 ans, capable de remplir deux fois Bercy en 2024. On est encore loin de Bigard qui bourrait le Stade de France, mais on s’en rapproche tout doucement, en termes de popularité s’entend… Parce que si l’on parle de contenu, c’est autre chose. Certes, avec Jérémi Ferrari, les oreilles chastes saignent parfois au son des « enculé ! » et des « vieille pute ! » qui parsèment son spectacle et lui donne aussi son côté brutal, voire bestial, que l’humoriste parvient cependant à faire tenir seul, sur scène, durant plus de trois heures ! Une performance hallucinante et une débauche d’énergie irréelle, même si l’on comprend au long du show que le garçon a souffert – et souffre encore – de lourds problèmes psychiatriques (hyperactivité notamment…) dont l’inspection constitue le fil rouge de ce voyage de 180 minutes. Un diagnostic intime en temps réel qui ausculte également les travers du système de santé français, ceux qui l’ont construit, ceux qui le démolissent, ceux qui le tiennent à bout de bras et aussi ceux qui se servent de lui : avec leur théorie sur « la mémoire de l’eau », les homéopathes en prennent, d’ailleurs, sévèrement pour leur grade…
Démesure complète
Comme à son habitude quand il monte des spectacles, Jérémy Ferrari aura livré en amont un vrai travail de recherche et de documentation pour écrire ce spectacle ponctué de passages tordants à la limite du surréalisme, comme ce sketch qui évoque la matinée un peu spéciale d’un directeur d’hôpital… Ferrari joue aussi avec les émotions des spectateurs et aborde avec finesse la délicate question de la vaccination, en fin de compte celle des bonimenteurs fleurissant sur la place publique. C’est dans ce cas très fin, mais le propos est parfois étonnamment gâché par des diatribes limites sur les journalistes, dont la vigueur est pourtant chaleureusement applaudie par une partie de la salle… À force de vouloir parler de beaucoup trop de choses, Ferrari en vient malheureusement à user de raccourcis en même temps qu’il perd parfois le spectateur dans ses digressions. Ses improvisations, souvent géniales, finissent quelquefois par en devenir gênantes : la spectatrice qu’il aura mitraillée de blagues pas toutes bien senties s’en souviendra d’ailleurs longtemps. C’est dérangeant, souvent bluffant et paradoxal, mais finalement très humain. C’est ce qui a sûrement provoqué, à Orléans, la standing ovation des plus de 3 000 spectateurs présents.