Le chasse n’a jamais fait autant débat, et le foisonnement de micros et de caméras de médias nationaux présents lundi dernier, à Dry, dans le Loiret, pour la venue de la secrétaire d’État à l’Écologie, Bérangère Couillard, le prouvait encore. Un drôle de paradoxe, compte tenu de la baisse non négligeable (- 46 %) des accidents liés à la chasse depuis vingt ans, mais aussi du nombre de chasseurs en France.
Pour autant, les pouvoirs publics ne pouvaient rester insensibles à la montée de la grogne et du désarroi relayés par les associations, et en premier chef par le collectif Un jour un chasseur, qui est parvenu à déclencher un rapport d’information en déposant une pétition approuvée par près de 123 000 signataires sur le site du Sénat. Créé après la mort de Morgan Keane, 25 ans, tué le 2 décembre 2020 par un chasseur alors qu’il coupait du bois dans son jardin, le collectif demandait entre autres l’interdiction de la chasse le dimanche et le mercredi.
Entre boire et chasser…
S’appuyant sur le travail des sénateurs Carrière et Chaize, Bérangère Couillard a d’emblée évoqué, lors de sa venue dans le Loiret, un « projet très ambitieux » afin de tendre vers le zéro accident, rappelant que 90 accidents de chasse avaient été recensés sur la saison 2021/2022 (dont huit mortels), et soulignant que les victimes étaient, à chaque fois, majoritairement des chasseurs. Ces accidents mortels ont concerné deux fois sur dix des riverains, dont l’entourage se retrouve logiquement pétrifié d’être confronté à ce type de danger. Alors que ces affaires ont à chaque fois suscité un écho important dans l’opinion publique, Bérangère Couillard a aussi rappelé « qu’un million de Français pratiquaient ce sport chaque année et contribuaient à la régulation du grand gibier », avant d’évoquer en filigrane l’état d’esprit des décisions prises, selon elle, « loin des incantations des anti-chasse les plus radicaux et loin de l’immobilisme souhaité par certains chasseurs ». Bref, une énième version du « en même temps » modélisé autour d’un plan sécurité qui va donc se décliner en trois axes : la formation, un encadrement renforcé et une meilleure information des populations. La secrétaire d’État a donc présenté 14 mesures, à commencer par un ajustement de la formation décennale, créée en 2019 et déjà obligatoire tous les dix ans, qui sera renforcée par un volet de manipulation des armes. D’ici 2025, un chasseur sur deux sera formé, et 100 % d’ici 2029. Sans cette formation, il ne leur sera plus possible de chasser. Sera également instaurée une formation obligatoire pour tous les organisateurs de battue, rôle jugé essentiel, puisque ce sont eux qui positionnent les chasseurs et rappellent en amont les règles de sécurité. Deux cent mille organisateurs seront ainsi concernés d’ici 2025. C’était l’une des demandes les plus emblématiques de certains collectifs : limiter, voire supprimer, la consommation d’alcool lors de parties de chasse. Constatant que les accidents étaient tous liés à des négligences de sécurité, la consommation excessive d’alcool ou de stupéfiants sera désormais interdite pendant l’acte de chasse, selon la même réglementation que le Code de la route, avec possibilité de contrôle des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) ou des forces de police traditionnelles. Il est aussi prévu d’harmoniser les règles de sécurité, parfois différentes d’un département à un autre. Ainsi, plusieurs pratiques seront généralisées sur le territoire national, comme l’angle de tir à 30 degrés, le port du gilet fluo pour toutes les chasses, collectives ou individuelles, l’interdiction du tir non fichant, et l’obligation d’un rappel des règles de sécurité avant chaque battue.
Pour éviter l’accident lié à une arme chargée qui ne devait pas l’être, l’utilisation du « témoin de chambre vide » sera aussi obligatoire, permettant d’informer le chasseur et ceux qui l’entourent que l’arme est bien neutralisée. Après tout incident, des audits de sécurité seront réalisés par l’OFB et les fédérations, afin de sécuriser les lieux les plus accidentogènes. Le fichier unique de détenteurs d’armes sera également repensé, pour croiser les données entre les personnes interdites de port d’armes et les validations de permis de chasser, et pour un meilleur contrôle des armes. Le projet tendra aussi à favoriser certaines pratiques, comme par exemple le tir posté ou la traque-affût sur des miradors. En hauteur, les tirs sont en effet facilités et plus précis. Sur un plan judiciaire, en cas de condamnation, les peines complémentaires seront renforcées, avec retrait de permis et l’interdiction de le repasser avant plusieurs années.
Et une nouvelle appli, une !
Le troisième axe de ce plan s’appuie sur le partage des espaces naturels et l’information du public, pour répondre au sentiment d’insécurité. Une application d’État sera déployée pour recenser les zones non chassées et sera en open data avec les applis déjà utilisées par le grand public. Une déclaration des chasses collectives y sera obligatoire dès septembre 2023, et pour ceux qui ne sont pas équipés en numérique, les ACCA (Associations Communales de Chasse Agréées), devront publier annuellement leurs jours de chasse en mairie. Quant aux déclarations de chasses sur les territoires privés, une proposition de loi sera étudiée prochainement pour qu’elles rentrent dans le dispositif. Enfin, les panneaux de signalement « Chasse en cours » seront standardisés, et l’OFB publiera chaque année, « en toute transparence » et dans chaque département, un bilan annuel.