Le 14 octobre dernier se tenait le premier « apéro mortel » à Orléans. « 32 personnes sont venues ; on ne s’attendait pas à en voir autant », explique Nathalie Grenon, ancienne directrice du CERCIL - Musée mémorial des enfants du Vel d’Hiv’ et fondatrice de l’association Pour une alternative funéraire, qui compte une cinquantaine de membres et sympathisants. « Cela montre un véritable intérêt. La mort est une question mise de côté depuis des décennies. Pourtant, il y a un besoin de rites ». Une réalité qui n’a pas échappé aux anthropologues et aux historiens : « le deuil a toujours été une histoire collective », rappelle justement Nathalie Grenon. À Madagascar, en Bulgarie ou en Italie, le deuil partagé existe encore véritablement (et physiquement) dans l’espace public. « Une dame me confiait récemment avoir été ainsi invitée à Madagascar dans une maison, et les gens qui faisaient la queue devant ne connaissaient pas le défunt : ils venaient tous rendre un hommage, dans une logique de deuil partagé, raconte Nathalie Grenon. Ces pratiques existent encore dans des villages du sud de la France, mais elles ont tendance à se perdre. Dans certaines communes, il n’y a également plus de cafés pour se réunir. Pourtant, ce temps est important dans le deuil : c’est un moment de retrouvailles où l’on passe parfois des larmes au rire. Cela fait partie du cheminement ».
Des larmes au rire
Lors du premier « apéro mortel » qui s’est déroulé en octobre à Orléans, les participants étaient invités à s’exprimer sur le sujet tabou de la mort. Hélène Chaudeau, accompagnatrice funéraire, animait la discussion. La soirée a donné lieu à des réflexions diverses, notamment sur la récupération de sépultures, mais aussi sur le recensement des salles municipales pouvant accueillir des obsèques laïques. « Jusqu’à présent, c’est vers l’Église que les gens se tournaient pour organiser le rite de l’inhumation, mais la dernière enquête IFOP estime que 51 % des Français ne croient pas en Dieu, ajoute Nathalie Grenon. Aujourd’hui, on meurt de moins en moins chez soi, mais plutôt en EHPAD ou à l’hôpital ; il n’y a souvent plus de maison où se réunir, car celle-ci a été vendue pour payer l’EHPAD, justement, et les enfants vivent loin ». Une situation qui pousse d’ailleurs Nathalie Grenon à militer pour la création de « Maisons des adieux ».
Parmi les projets de l’association dont elle est la présidente, il y a, outre la mise en place d’une coopérative funéraire (voir encadré), la participation à un groupe de travail avec l’État autour de la question des obsèques en situation de précarité. L’association compte également reprendre ses « apéros mortels » à partir du mois de janvier et espère proposer un rendez-vous chaque trimestre à Orléans. « J’ai reçu aussi des demandes venant de Montargis et Châteauneuf-sur-Loire », assure Nathalie Grenon, qui souhaite également organiser des conférences ainsi que des formations à destination des professionnels autour d’un autre grand tabou : le deuil périnatal et néonatal, en lien avec l’association AGAPA. λ
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Pour contacter l’association : pourunealternativefuneraire@laposte.net