Dimanche dernier, Orléans a accueilli de façon plutôt calme – c’est un euphémisme – la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. Pas de concert de klaxons dans les rues, des salons de l’hôtel Groslot, à la mairie, désespérément vides… Seul un passage par la place Louis-Roguet faisait comprendre qu’on ne vivait pas tout à fait une soirée comme une autre : autour de la statue de la République, une centaine de personnes étaient réunies pour préparer le « troisième tour » qui se jouera selon eux dans les urnes lors des élections législatives des 12 et 19 juin prochains. Des militants du Nouveau Parti anticapitaliste, de La France insoumise, des Jeunes Communistes, quelques écologistes et des « citoyens » voulaient montrer l’unité (momentanée ?) du « bloc de gauche » à Orléans.
Comme de coutume dans la cité johannique, tout cela était feutré et très loin des heurts qui étaient recensés à Rennes, par exemple, où des manifestants anticapitalistes et antifascistes avaient battu le pavé. « C’est bien que Le Pen ne soit pas passée, mais il y a la rage que Macron ait un score aussi haut. On ne va pas le lâcher », prévenait ainsi Joëlle Lanteri, cheffe de file LFI et potentielle candidate de l’Union Populaire dans la deuxième circonscription du Loiret. « On va former une gauche encore plus unie, on va présenter des candidats unitaires, croyait-elle savoir. On a même des chances d’avoir des élus dans le Loiret ! »
Gauche unitaire ?
En début de semaine, l’existence d’accords nationaux entre Jean-Luc Mélenchon d’une part, Europe Écologie Les Verts, le Parti communiste et le Parti socialiste d’autre part paraissait cependant hypothétique. Quant à des alliances selon les territoires, elles restent possibles, mais en rappelant que ce n’est pas toujours l’amour fou entre les composantes de la gauche dans le Loiret. Exemple pratique dans la sixième circonscription du Loiret, où trois hommes ont déjà dévoilé leurs ambitions : Christophe Lavialle pour le PS, Olivier Hicter pour La France insoumise et Bruno Cœur, maire de Bou, qui n’a pas fait mention d’étiquette politique, bien qu’on le dise naviguer entre EELV et… LFI. Qui accepterait de se désister afin de faire de la place et de présenter une candidature « unitaire », ou unique, dans une circonscription où le député sortant de la majorité présidentielle, Richard Ramos (Modem), bénéficie d’un bon ancrage local ?
Si dimanche soir, une frange de la gauche était déjà tournée vers les échéances de juin prochain, chez les soutiens d’Emmanuel Macron, l’idée était tout d’abord de savourer l’instant présent. Avant 20h, les militants s’étaient retrouvés au bowling d’Olivet dans l’espoir de célébrer la réélection de leur champion. Quand le visage d’Emmanuel Macron s’est affiché sur les écrans de télévision, on s’est étreint avant de déboucher quelques bouteilles. « On a eu un peu peur, mais ce soir, on est soulagé et quelque part assez fier du boulot accompli, reconnaissait Nicolas Bertrand, référent départemental de La République en Marche dans le Loiret. Emmanuel Macron n’a pas été mal élu, comme je l’ai entendu ; il y a quand même eu un vote d’adhésion, même si certains électeurs ont voulu faire barrage à Marine Le Pen ». « Ravie » du résultat du Président sortant, la députée de la première circonscription du Loiret, Stéphanie Rist, pointait toutefois la « forte abstention » du jour. Plus de 25 % dans le Loiret d’ailleurs, auxquels se sont ajoutés les 9 % de bulletins blancs ou nuls décomptés parmi les votants. Et toujours, toujours, un fort vote lepéniste dans le nord et l’est du département. « Dans cette ruralité, il va falloir aller convaincre », répétait Nicolas Bertrand, convaincu qu’il faudrait trouver plus de relais dans ces communes « orientales » du Loiret où LREM souffre d’un déficit d’implantation.
Ce clivage visible entre villes et champs n’empêchait cependant pas certains militants loirétains de rêver à un « Grand Chelem » macroniste lors des prochaines législatives, quand bien même Nicolas Bertrand prévenait qu’il « il n’y aurait pas la même vague à l’Assemblée qu’en 2017 ». Encore faudra-t-il savoir avec quelles troupes la majorité présidentielle partira au combat. Les investitures ne devraient pas être officialisées avant une grosse semaine, mais les députés sortants dans le Loiret (Stéphanie Rist, Caroline Janvier et Richard Ramos) semblent candidats, plus ou moins officiels et à des degrés divers, à une prolongation de leur mission. Pour Nicolas Bertrand, « il ne devrait pas y avoir de surprises », mais entre candidatures dissidentes, manœuvres de déstabilisation, tractations avec les partis alliés et possibles parachutages, il ne faut à ce stade écarter aucune possibilité. Ainsi Jean-Michel Blanquer, de passage vendredi dernier à Montargis et Orléans dans le cadre de la campagne d’Emmanuel Macron, pourrait-il être tenté par une candidature dans une circonscription loirétaine après cinq ans passés à la tête du ministère de l’Éducation Nationale ? Pour la Macronie, ces élections législatives serviront d’abord à obtenir une majorité à l’Assemblée, mais aussi à s’enraciner dans les territoires et à préparer, déjà, les prochaines échéances, entre restructuration et « élargissement » de la majorité, que Stéphanie Rist appelle d’ailleurs de ses vœux. « Et pourquoi pas autant vers la droite que vers la gauche ? », interroge la députée sortante, qu’on dit pourtant tentée par la possibilité de rejoindre le parti Horizons d’Édouard Philippe.
Éclatement de la droite ?
La façon dont cette dernière force politique va être progressivement accueillie dans le département et dans la métropole d’Orléans sera d’ailleurs observée avec intérêt au cours des prochaines semaines. Plutôt discrets jusqu’alors, les premiers adhérents et cadres d’Horizons commencent à se dévoiler. Avant le second tour, des élus et référents avaient signé un communiqué appelant à soutenir Emmanuel Macron : parmi eux, plusieurs noms de maires de la métropole, comme Stéphane Chouin (Saint-Hilaire Saint-Mesmin), Clémentine Cailleteau-Crucy (Mardié), Marie-Philippe Lubet (Saint-Denis-en-Val) ou Vincent Michaut (Saint-Cyr-en-Val). Tous des proches de Matthieu Schlesinger, le maire d’Olivet qui, lui, n’a pas paraphé ce document. Mais est-on à la veille d’un véritable éclatement des Républicains dans le Loiret ? Adhérent LR et grognard de la Grouardie, Charles-Éric Lemaignen nous confiait, malicieux, lundi matin, après le second tour : « est-ce que je vais adhérer à Horizons ? C’est une bonne question ! Ce que je peux vous dire, c’est que je n’aime pas les gens qui trahissent en cours de route et que je vais soutenir aux législatives mes deux « potes » que sont François Lagarde et Chrystel de Filippi, dans les deuxième et sixième circonscriptions du Loiret. Je resterai aux LR jusqu’aux législatives ». Comme souvent en politique, les informations sont à lire entre les lignes.