Alors que, dans le Loiret, le navire zemmourien a sérieusement tangué durant les fêtes (voir par ailleurs), l’amiral en chef a visité vendredi dernier l’Eure-et-Loir au cours d’un déplacement d’une journée. Cette visite cochait plusieurs cases, dont celle d’aller au contact de la ruralité sur des terres où les Le Pen père et fille ont toujours réalisé des bons scores depuis une trentaine d’années. Il s’agissait aussi pour Éric Zemmour de polir quelque peu son image de polémiste parisien. Et puis, alors que les promesses de parrainages auraient tendance à patiner, cette escapade eurélienne devait aussi lui permettre de récolter éventuellement quelques signatures futures. D’ailleurs, le soutien public de Vincent Lhopiteau, maire de Villampuy, petit village de 330 habitants entre Ormes et Châteaudun, a été largement mis en lumière par les équipes du candidat.
Le message du « ruraux-logue »
Après avoir fait la tournée des popotes durant la journée, Éric Zemmour s’est surtout adressé, en soirée, à une salle de 1 500 personnes collées-serrées (le variant Omicron, où ça ?) et chauffées à blanc par Jean-Frédéric Poisson, ancien candidat aux primaires de la droite en 2017. Lançant à la cantonade un « l’emmerdant, c’est En Marche », le président du parti VIA-La Voix du Peuple n’a fait qu’imiter Thierry Le Luron qui, dans les années 80, avait lui-même parodié L’important, c’est la rose, de Bécaud. Après cette saillie, le candidat Zemmour a pris la parole pendant une heure, caressant son auditoire dans le sens du poil : « il faut faire de la campagne française un élément clé de la puissance nationale », déclarait-il en introduction, appuyant ensuite sur le sentiment de déclassement d’une partie de ces territoires ruraux et l’opposant frontalement aux banlieues, accusées de gober des milliards de fonds publics dont seraient privés les campagnes et leurs villages. Morceaux choisis de cette tirade eurélienne du Z : « Nos élus ont négligé ces territoires : vous n’étiez pas aussi sympathiques que les habitants des banlieues ! » ; « l’État dépense deux fois plus par habitant dans les banlieues que dans les campagnes françaises : quelle bêtise, alors que les premiers se plaignent et que les seconds souffrent en silence… » ; « évitons que la campagne ne connaisse les mêmes maux que les banlieues », etc. Déclinant dans le Dunois le message qu’il répète depuis des mois, Éric Zemmour a voulu flatter le « bon sens paysan » et « l’humilité » des ruraux, tandis qu’il pointait du doigt le mépris supposé des « élites » qui ne les comprendraient pas.
Pour combattre cette fracture territoriale, le candidat a mis sur la table quelques idées visant à redynamiser l’agriculture, autour de propositions ni toujours très neuves, ni vraiment détaillées. Il a ainsi proposé de « mettre fin au regroupement d’enseignes de grandes surfaces et de centrales d’achat » pour permettre aux agriculteurs de mieux monnayer leurs productions, d’instaurer un « Patriscore » sur les emballages sur le modèle du Nutriscore pour inciter le consommateur à consommer français, ou encore d’« imposer la priorité aux circuits courts dans la restauration collective publique et notamment dans les écoles », ce qui est déjà plus ou moins le cas dans les faits, et ce qu’incite déjà pour partie la loi Egalim. Après avoir appelé à développer le tissu industriel dans les territoires ruraux, Éric Zemmour a aussi affirmé vouloir « établir les mêmes infrastructures de service public que dans le reste du territoire » et « renouveler en urgence les fonds destinés à la politique de la ville vers les bourgades », soit ce que proposent déjà plus ou moins les dispositifs Cœur de Ville ou Petites Villes de demain.
Concernant la lutte contre les déserts médicaux, qui ne concernent certes pas que les campagnes, Éric Zemmour a également promis, s’il était élu, de recruter en urgence 1 000 médecins salariés par l’État et « d’imposer des gardes médicales ». Et parce qu’il est toujours bon de faire de l’œil aux élus locaux quand il s’agit de chasser des parrainages, le chantre de la Reconquête a promis de redonner « un rôle-clé » aux maires depuis « trop longtemps court-circuités », tout en assurant qu’il réhabiliterait « le statut de député-maire ». « Il faut en finir avec ces députés hors-sol et déconnectés des réalités du terrain ! », a tonné Éric Zemmour. Succès assuré dans la salle auprès d’une foule de sympathisants qui ont visiblement aimé entendre dire que personne ne les aimait, sauf leur champion.