Comment faire du neuf avec du vieux ? Tous les ans ou presque depuis 2001, les mêmes chiffres et les mêmes commentaires tombent dans le débat public lorsqu’est fait le bilan de l’année écoulée en matière de délinquance à Orléans. Et comme tous les ans ou presque, donc, ce sont des chiffres en baisse qui sont énoncés. La semaine dernière, en conseil municipal, Florent Montillot, maire-adjoint en charge de la tranquillité publique, a ainsi acté une diminution globale de 5,5 % de la délinquance de proximité entre 2020 et 2021, et même entre 2021 et 2019 (1 352 dépôts de plainte l’an dernier contre 2 028 deux ans plus tôt). Dans le détail, 346 « vols à la roulotte et accessoires » ont été dénombrés en 2021, contre 407 en 2020 (baisse la plus notable). Par contre, le nombre de cambriolages a légèrement augmenté, passant de 365 à 354 en un an, contre 562 en 2019. Du côté des « atteintes aux personnes », celles-ci sont relativement stables (1 768 cas l’an dernier contre 1 792 en 2020), tandis que les violences sexuelles ont, quant à elles, bondi de 18,47 %.
2001, année zéro ?
Si pour Serge Grouard, il faut bien se garder de « tout triomphalisme », la majorité municipale a quand même de nouveau fait de ce moment de présentation des chiffres de la délinquance une séquence de communication politique bien huilée, même si elle commence à être légèrement rébarbative. Car à chaque mois de mars est inlassablement pris comme point de comparaison initial l’année 2001, date à laquelle Serge Grouard a pris la succession de Jean-Pierre Sueur dans le fauteuil de maire d’Orléans. Certes, depuis cette « année 0 », les indicateurs présentés sont en chute spectaculaire, avec des baisses proches des 80 % dans plusieurs items. Mais faut-il toujours revenir à 20 ans en arrière pour jauger les résultats d’une politique, qu’elle soit nationale ou locale ? C’est, en substance, la question qu’a posée Baptiste Chapuis, leader de l’opposition de gauche au conseil municipal. « Toujours comparer à 2001, cela commence à faire sourire », a ainsi commenté l’élu socialiste. « Pourquoi en revient-on toujours à cette date ? Mais parce qu’il est important de voir qu’en une génération, il y a eu un vrai continuum », lui a répondu Florent Montillot. « Cela montre une tendance à long terme », a embrayé Serge Grouard qui ne s’est pas privé, pour la circonstance, de ressasser son couplet fétiche sur le bon sens supposé des collectivités locales face à l’incurie de l’appareil d’État. Dit autrement : « pendant que vous gobergez dans vos bureaux, nous agissons ». « L’arrogance technocratico-parisienne devrait sortir au-delà du périphérique pour voir ce qu’il se passe ailleurs », a ainsi tonné le maire d’Orléans, qui ne cesse de vendre l’exemple que constituerait sa ville en matière de politique sécuritaire : un mélange de « tolérance zéro » et de prévention « très forte » sur le plan de la réussite éducative. En 2016, on se souvient d’ailleurs que François Fillon, qui se préparait à candidater aux primaires de la droite, était venu faire un tour à l’Argonne pour découvrir le fonctionnement du dispositif Passerelle, que l’ancien Premier ministre avait alors loué face à la presse. « Faire sortir les enfants de l’école de la rue » est ainsi l’une des expressions favorites de Florent Montillot depuis 20 ans. Jeudi dernier, ce dernier ne s’est pas privé de rappeler que la part des mineurs dans le traitement des plaintes à Orléans était passé de 27,5 % en 2001 à 18,5 % en 2021, « soit une baisse de 9 points en 20 ans, contrairement à la hausse constatée en France ».
Quelle place pour l’opposition ?
À Orléans, les chiffres de la délinquance, leurs courbes et leurs commentaires semblent tellement gravés dans le marbre que même l’opposition ne paraît plus savoir par quel bout s’opposer sur ce terrain où, il est vrai, la majorité de droite est dans un fauteuil. Baptiste Chapuis a quand même tenté de percer quelques trous dans la cuirasse en demandant par exemple une plus grande proximité entre les agents de la police municipale et les jeunes, notamment dans les quartiers, ou en enquérant la mairie à plus de sensibilisation en matière de sécurité routière auprès de… toutes les tranches d’âge. L’élu socialiste a également noté qu’il y avait des « marges de manœuvre » pour travailler sur la question du harcèlement de rue et dans les transports en commun. « C’est tous les jours, à toute heure », a lancé Baptiste Chapuis, qui s’est enfin aventuré sur un terrain de prime abord plus favorable : celui de la bicyclette, un dossier sur lequel il sait pouvoir être soutenu par une communauté locale très active sur le sujet et particulièrement hostile à la majorité municipale en place : « il y a un travail à faire sur le marquage des vélos, car des gens ne vont même plus porter plainte tant les vols sont nombreux ! Je pense aussi qu’il y a des opérations de sensibilisation à mener auprès des automobilistes sur le partage de la voirie avec les vélos car parfois, on assiste à de vrais conflits d’usage ». Ni une, ni deux, Florent Montillot, sévèrement critiqué depuis des lustres par ces cyclistes engagés, a retourné le problème en demandant à « ce que tout le monde se respecte ». « Savez-vous le nombre de lettres que je reçois de la part de gens qui ont failli se faire renverser par des vélos ou des trottinettes ? », a questionné le maire-adjoint à la tranquillité publique. Bref, à peu de choses près, ce débat sur la sécurité à Orléans sera resté dans la droite ligne des années précédentes. « Et l’année prochaine, on fera sûrement les mêmes constats… », a conclu de son côté Serge Grouard pour signifier qu’en 2022, sa politique municipale en la matière devrait accoucher de résultats similaires à ceux de l’année précédente. À moins d’une catastrophe, on devrait pouvoir en effet reprendre les mêmes arguments et les mêmes éléments de langage dans la bouche des uns et des autres. C’est sans doute ça, la force de l’habitude…