Cela faisait sept ans que Florent Montillot, maire-adjoint à la tranquillité publique entre 2001 et 2014, n’avait pas présenté les chiffres de la sécurité à Orléans : sous l’ancienne mandature, il s’était en effet concentré sur la prévention et l’éducation. Visiblement, retrouver ce costume lui a fait un bien fou : la semaine dernière, c’est un homme en très grande forme qui a déroulé son bilan sécuritaire. Face aux journalistes, il a même avoué, pimpant, que L’existentialisme est un humanisme, de Sartre, était son « livre de chevet ».
Quel rapport avec les policiers municipaux et les arrêtés anti-bivouacs, nous direz-vous ? Pour Florent Montillot, il est clair comme de l’eau de roche : le maire-adjoint à la sécurité dit partager avec le philosophe de Saint-Germain la même croyance en la « responsabilité individuelle ». Sur le terrain de la sécurité, cela donne quelque chose comme : « ce n’est pas la société qui fait le délinquant. » Dans l’esprit du maire-adjoint, cela ne veut pas non plus dire qu’on naîtrait délinquant, mais plutôt qu’on le deviendrait, pour cause d’absences de repères parentaux : « Contrairement à de fausses légendes, la délinquance des mineurs n’est pas liée à des causes socio-économiques, mais socio-éducatives ».
Ce débat de fond sur l’origine de la violence, finalement, c’est un peu celui que la majorité orléanaise a voulu (im)poser la semaine dernière. Peut-être parce que cette année 2020, lourde de trois mois de confinements, n’est comparable à aucune autre en termes de chiffres ; peut-être aussi parce que Serge Grouard souhaite que « l’exemple » de sa ville serve de modèle (voir encadré) à la France. Toujours est-il que Florent Montillot est remonté à… 2001 et déroulé tous les aspects de la politique orléanaise en matière de prévention et de répression. Les chiffres, ainsi mis en perspective, sont spectaculaires : –86,4 % de dépôts de plainte dans le quartier Gare entre 2001 et 2020, –94,3 % à La Source… Avec son sens inné de l’emphase, Florent Montillot a d’ailleurs rappelé qu’au début des années 2000, « les trafics, à La Source, c’était dans toutes les cages d’escalier »; cages qu’il dit aussi avoir « faites une à une. »
Sur le volet prévention –« la deuxième jambe » de sa politique depuis vingt ans –, l’élu orléanais a aussi mis dans la balance ses « résultats », à savoir « plus d’un millier d’enfants suivis aujourd’hui par nos différents dispositifs individuels ». Selon lui, ceux-ci ont permis un « repérage précoce ». « C’est un écosystème dont on parle peu, un travail qui se fait dans l’ombre. » Ce développement des dispositifs préventifs, Florent Montillot compte en inventer d’autres dans les mois et les années à venir. Parmi eux, la création, cette année, d’un système de coaching parental mis en place par la Ville d’Orléans.
« Pas le Far West »
En conseil municipal, la semaine dernière, Baptiste Chapuis (PS) a tiqué devant cette propension à prendre le début des années Grouard comme point de référence absolu : « On en revient toujours à 2001 ; or, ça commence à faire plus de vingt ans… » Sur un temps plus ramassé, soit entre 2020 et 2019, la délinquance de proximité a, cependant, baissé de 32 % en un an à Orléans, passant de 2 117 à 1 497 faits* constatés. Évidemment, l’année de confinements trouble tout, mais si l’on remonte simplement aux deux bouts de la dernière mandature, soit entre 2014 et 2019, la délinquance de proximité (de 2 657 à 2 117 faits constatés) a également diminué.
Sauf qu’entre 2017 et 2018, une hausse avait été constatée, pour la première fois depuis 2001 : une donnée qu’avait alors repérée Serge Grouard, lequel, lors de la dernière campagne aux municipales, avait fait campagne sur un retour de la délinquance à Orléans, qu’il avait imputé à Olivier Carré. « Des problèmes de comportement général nous avaient aussi été rapportés, ajoute Florent Montillot. À la fin de l’année 2019, lors de la campagne, nous avions analysé 11 000 réponses d’une enquête que nous avions lancée. Nous avions été très surpris de voir que ce sujet revenait. Lors d’une réunion stratégique de 150 personnes, le même ressenti avait été exprimé. En résumé, il y avait une ambiance. ». « L’ambiance, c’est eux (la liste de Serge Grouard, ndlr) qui l’ont créée… répond aujourd’hui Olivier Geffroy, ancien maire-adjoint à la sécurité publique entre 2014 et 2020, et co-listier d’Olivier Carré. Ils ont pris quelques faits divers, les ont montés en épingle. Mais Orléans n’est pas le Far West. »
« l’ambiance, c’est eux qui l’ont créée »
Olivier Geffroy,
ancien adjoint à la sécurité publique
Pas le Far West, mais en manque de policiers municipaux ? C’est en tout cas ce qu’a répété la semaine dernière Florent Montillot, qui affirme avoir trouvé, en juillet 2020, une situation compliquée sur le plan humain. « Sur un tableau des effectifs de 107 policiers, 94 étaient opérationnels », a asséné l’actuel maire-adjoint, réitérant la critique entrevue lors de la campagne électorale, selon laquelle les effectifs de la police municipale auraient fondu sous l’ancienne mandature. « Parler d’agents opérationnels, c’est une astuce de langage, rétorque Olivier Geffroy. Depuis toujours, il y a des agents qui sont soit malades (ponctuellement ou de longue durée), soit sortis de la voie publique. De plus, depuis 2015, le turn-over dans la police municipale a été accéléré dans toute la France. Orléans étant considérée comme une bonne police, ses hommes ont été demandés. Des gens sont venus faire leur marché chez nous, il y a eu une sorte de mercato national et même une surenchère qui était parfois aux limites de la légalité. On a buté sur des problèmes d’attractivité financière. »
Cette recherche des causes évacuée, Florent Montillot a annoncé que, pour l’avenir cette fois-ci, il voulait que les effectifs de la police municipale soient « à 100% ». Sur ce dossier des « municipaux », il ajoute en aparté qu’il a fait repasser la Loire aux deux agents de la brigade équestre, qui avaient été un temps rapatriés dans le centre-ville « pour faire joli », selon l’actuel maire-adjoint : depuis, les deux équidés et leurs cavaliers sont en train de gambader à La Source. En outre, d’ici à 2022, la mairie compte « mettre à niveau » ses équipements technologiques : une vingtaine de caméras de surveillance supplémentaires vont ainsi être déployées. Parmi elles, une expérimentation va être tentée par le biais de caméra dites « intelligentes », destinées à capter certains bruits, comme ceux émis par une arme à feu ou une vitrine cassée.
* Sont nommés ainsi, par la Ville d’Orléans, les vols à main armée, vols avec violence, cambriolages et tentatives, vols à la tire, vols d’automobiles et de fret, vols de deux-roues motorisés, vols à la roulotte et d’accessoires, dégradations / destructions.