On le sait, la mort peut faire rire, si on la considère à travers le prisme de l’humour, même noir et la comédie ne se trouve jamais bien loin de la tragédie. Le chorégraphe, scénographe et metteur en scène Martin Zimmermann l’a bien compris : « Mon humour correspond au versant risible du tragique. L’amplifier jusqu’au comique permet de le dépasser. Pour moi, il y a dans le tragi-comique une violence et un pouvoir féroce : il est radical et tranchant mais aussi moqueur, précis et mystérieux. » C’est dans cette complexité que l’artiste puise l’inspiration de son travail, elle en est la source. Depuis plus de vingt ans, son travail aborde l’absurde, la magie, l’humour noir et la vie de tous les jours. Le public reconnaît sa signature unique, déjantée et grinçante. Après le succès de Eins Zwei Drei en 2021, qui mettait en place une triangulation poétique et violente entre trois personnages et abordait la complexité des relations humaines et des luttes de pouvoir, il crée Danse macabre, une nouvelle occasion de bousculer le public et de l’inciter à amorcer d’autres réflexions. Ça commence dès le lever de rideau : Zimmermann transforme les planches de la salle Touchard en un immense dépôt d’ordures. Pour ses personnages, l’objectif demeure le même que lors du spectacle précédent : comment survivre ? Et pour cause, Danse macabre s’inscrit dans la continuité de l’œuvre plurielle qu’il peaufine depuis ces vingt dernières années.
La mort tire les ficelles
« La figure du clown se doit d’être un révélateur », estime Martin. La décharge encombrée qui occupe la scène illustre une société qui met au rebut objets périmés et humains inadaptés. Au milieu d’un foutoir étonnant, trois individus en détresse (parce qu’ils n’entrent plus dans le cadre de la norme sociale) se retrouvent là, « au mauvais endroit, au mauvais moment ? » et tentent d’organiser leur survie avec intelligence, grâce à l’humour et à l’imagination. Une autre figure plane au-dessus de cette petite communauté fragile : la mort. Incarnée par Martin Zimmermann, cette mort narquoise tire les ficelles et intervient dans le déroulement de la scène, mais sans que les interprètes puissent la voir. Ses trois victimes se relèvent toujours et trouvent des issues inattendues. Le chorégraphe explore un territoire qui lui tient à cœur : « L’être en marge de la société : les individus ainsi considérés sont révélateurs du centre de la société. C’est en fonction de ce centre qu’est défini l’emplacement exact des marges, tandis que la notion de “marginal” exprime communément qu’une chose n’est plus jugée nécessaire, qu’elle ne fait plus vraiment partie du tout, qu’elle peut à tout moment se détacher du reste… » Les trois personnages en proie à l’extinction (ou exclusion ?) sociale sont interprétés par les artistes favoris de Zimmermann : Tarek Halaby, Dimitri Jourde et Methinee Wongtrakoon. Leur danse est donnée comme une survie existentielle.