Aux Mares de Villenouan, à Lailly-en-Val, sur un territoire de 79 hectares composé de plaines cultivées et de friches appartenant au Conservatoire d’espaces naturels du Centre-Val de Loire, une expérience est menée pour protéger et percer les mystères du crapaud fouisseur. Présent dans le centre de l’Europe et jusqu’en Alsace-Lorraine, autrefois répertorié notamment en Indre-et-Loire et dans le secteur de Sandillon, le pélobate brun – c’est son nom –a disparu pour réapparaître dans ce périmètre. Une situation qui intrigue les associations de défense de l’environnement, bien décidées à comprendre ce qui lui plaît tant à Lailly, d’autant qu’il s’agit pour l’heure de la plus grande population de France, découverte par Loiret Nature Environnement en 2017.
Les observateurs disposent tout de même de quelques pistes, sachant que ce petit trapu vit plutôt dans des mares temporaires, donc sans poisson prédateur, et qu’environ 60 % d’entre elles ont disparu en un siècle. L’animal déteste aussi les champs de culture et affectionne les milieux sableux, son occupation favorite consistant à s’enterrer très profondément pendant des semaines, voire des mois. Les chercheurs aimeraient d’ailleurs savoir ce qu’il fabrique durant tout ce temps d’enfouissement… Autre gageure : l’espèce, qui ne dépasse pas adulte les 5 à 8 cm, a plutôt des mœurs nocturnes. À Villenouan, les spécialistes entendent parfois le mâle chanteur, retrouvent même des pontes ou des traces ADN dans l’eau, mais ne le voient pas.
Un enjeu de conservation
Alors, pourquoi le pélobate brun a-t-il précisément trouvé refuge ici ? D’abord parce qu’il existe dans cette commune de Sologne du Loiret un important réseau de mares très anciennes, au nombre de 25, répertoriées jusque dans la célèbre carte de Cassini, soit l’époque de Louis XIV. Dans ce secteur, la zone est dite humide et les sols y sont complexes, alternant du sableux, de l’argileux et du calcaire, mixte très particulier qui plaît par exemple aux orchidées. Dès lors, les enjeux de conservation sont vastes, d’autant qu’il existe sur le site – fait exceptionnel – un fabuleux cortège d’amphibiens riche de 13 espèces. Ici poussent aussi de nombreuses plantes protégées, dont une rarissime fougère primitive.
Depuis cinq ans, associations, entreprises et agriculteurs œuvrent ainsi main dans la main pour protéger ce biotope, qui fait office de vitrine pour susciter des vocations chez les lycéens. Culture biologique, réfection et entretien des mares avec du matériel adapté et désinfecté pour éviter l’implantation d’espèces envahissantes ou d’organismes pathogènes, utilisation de chevaux de trait pour le débardage (on évite ainsi les émissions carbone)… Tout est mis en œuvre pour sensibiliser et mettre en avant les bonnes pratiques de maintien et, surtout, du retour de la
biodiversité.