Il est 22h45 le 24 mai 2020 lorsque la gendarmerie de Beaugency est appelée sur un accident mortel de circulation qui est survenu à Tavers. Arrivés sur les lieux, les militaires constatent alors que le conducteur d’une 206 a été éjecté de l’habitacle après avoir heurté un fossé et effectué cinq tonneaux. Raphaël, le conducteur, décède d’un choc hémorragique. Selon un témoin de l’accident, sa voiture roulait à au moins 140 km/h. Les analyses révèlent cependant que ce livreur de pizza de 19 ans, alors embauché depuis deux week-ends mais non déclaré par son patron, ne roulait pas sous l’emprise de l’alcool et ne se trouvait pas au téléphone lors de l’accident. Détenteur du permis de conduire depuis six mois, il n’avait, par contre, pas attaché sa ceinture de sécurité.
Défaut d’entretien
L’état du véhicule a toutefois conduit le Parquet à poursuivre le patron du jeune livreur pour « homicide involontaire par personne morale dans le cadre du travail et circulation d’un véhicule à moteur muni d’un pneumatique interdit et de pneumatiques lisses ». En effet, trois des pneus de la 206 mise à disposition par le gérant présentaient, selon le rapport de l’expert, une usure de 120 %. La dernière roue était, elle, usée à 80 %, tandis que l’un des pneumatiques utilisés n’était autre que… la roue de secours. À l’intérieur de la voiture se trouvaient également cinq fûts d’huile usagée et non attachés, qui ont été retrouvés renversés dans la voiture et dans le champ. Lors de l’audience qui s’est tenue jeudi dernier au Tribunal judiciaire d’Orléans, le gérant de la pizzeria, qui maîtrise mal le français, a eu bien du mal à expliquer pourquoi son livreur s’était retrouvé dans cette voiture « qu’il devait emmener chez Midas ». « Mais alors, pourquoi n’avez-vous pas donné comme consigne de ne pas toucher à cette 206 ? » interrogea la présidente du Tribunal. « Je n’ai jamais eu de problème avant, personne n’y touchait ! » tenta de justifier cet homme qui a, depuis ce drame, abandonné le milieu de la restauration pour celui des travaux publics. Ce patron expliqua également qu’avec les différents confinements, il avait eu des difficultés à trouver des rendez-vous dans un garage. Et pour ce qui est des fûts d’huile usagée, il affirma les avoir stockés dans la voiture avant de les emmener à la déchetterie. La mère de Raphaël aura été la dernière à l’avoir vu vivant, puisque son fils lui a livré ses dernières pizzas à 22h30. « La veille, à la pizzeria, on lui avait dit de prendre cette voiture », assura-t-elle la semaine dernière à la barre. Le père de la victime déclara quant à lui qu’il voyait mal son fils conduire à toute vitesse et sans ceinture : « Qui me dit qu’on ne lui a pas mis la pression ? » interrogea-t-il.
Un lien de causalité ?
Pour l’avocat de la défense, qui s’appuya sur le rapport de l’expert, la gestion catastrophique de l’entreprise ne devait pas faire oublier que c’était la vitesse du conducteur qui était en cause dans ce drame. « Il n’y avait pas de lien de causalité entre l’état du véhicule et l’accident », insista ainsi la défense, qui plaida la relaxe. La Procureure requit pour sa part 12 mois de prison avec sursis et près de 1 700 € d’amende. Le délibéré sera rendu le 7 juillet prochain.