Si le rythme universitaire est revenu à la « normale » après deux années compliquées de pandémie, certains soucis persistent. D’autres sont sans doute là depuis plusieurs années. L’enquête réalisée par ÔCampus, association étudiante orléanaise, qui est allée interroger pour la troisième année consécutive les étudiants sur leurs conditions de vie, vient de dévoiler des résultats significatifs à prendre en considération d’urgence. « 1 116 personnes se sont exprimées, contre 980 la première année, introduit Nicolas Autissier, président d’ÔCampus. Cette enquête n’a que peu d’égales en France et ne concerne que le campus d’Orléans-La Source et la ville d’Orléans, même si les chiffres qui en ressortent semblent coïncider avec les tendances nationales. »
Déjà mise en lumière pendant la crise, la situation alimentaire des étudiants fait froid dans le dos. 45 % des étudiants ayant répondu à l’enquête estiment ne pas être en capacité de s’alimenter suffisamment, contre 27 % pour la même question diffusée lors des précédentes enquêtes. « La priorité, ça devrait être manger avant de réussir ses études, observe Nicolas Autissier. Là, on se retrouve avec beaucoup d’étudiants qui vont en cours alors qu’ils n’ont rien dans le ventre. L’inflation joue un rôle dans cette augmentation, elle se répercute très logiquement sur les ressources financières des étudiants. »
Un système de bourses obsolète ?
La précarité financière talonne le sujet de la situation alimentaire en pointant du doigt un potentiel déséquilibre sur l’attribution des bourses. « Le campus d’Orléans suit la tendance nationale : nous avons environ 40 % d’étudiants boursiers contre 60 % de non-boursiers, poursuit Nicolas Autissier. Malgré ce ratio, de manière générale, 70 % des étudiants vivent avec moins de 500 euros par mois, et 92 % avec moins de 1 000 euros par mois. Quand on sait que le seuil de pauvreté est à 1 102 euros, on se rend vraiment compte de l’impossibilité de joindre les deux bouts. » Le président d’ÔCampus se pose la question : « La bourse sur critères sociaux est-elle le bon système ? Le fait qu’elle soit calculée sur les revenus des parents n’est plus un système qui fait ses preuves aujourd’hui. »
La rubrique « Sécurité » de l’enquête a fait son arrivée en 2023, elle ne faisait pas partie du tableau dans les enquêtes précédentes. Elle révèle qu’un étudiant sur dix a déjà été victime de violences sexistes et sexuelles et plusieurs répondants avouent avoir été la cible du phénomène de drogue en soirée à leur insu. « C’est cohérent avec les tendances nationales mais ça veut quand même dire que les étudiants ne se sentent pas forcément en confiance en événements festifs étudiants, poursuit Nicolas Autissier. Ce qui donne matière à réfléchir aux associations étudiantes pour améliorer ce point. »
« C’est la vie qui est chère et non l’université »
L’université d’Orléans observe les résultats de l’enquête avec la plus grande des attentions en prenant la mesure de l’urgence des diverses situations relevées. « Ce mal-être ne concerne pas qu’Orléans mais tous les étudiants en France, fait remarquer Sébastien Ringuédé, vice-président à l’université d’Orléans en charge de la Formation et de la Vie Universitaire. Nous avons de grosses difficultés aussi sur les campus délocalisés : nous cherchons des solutions de restauration à Issoudun, d’hébergement à Châteauroux… » Le vice-président rappelle également : « C’est la vie qui est chère et non l’université. »
Concernant la précarité financière des étudiants, une partie des cartes à jouer se trouvent entre les mains du Crous, une autre partie entre les mains de l’État, une autre encore entre les mains de la Région Centre-Val de Loire. « La Région ne peut pas payer les étudiants mais des actions peuvent être mises en place, souligne Anne Besnier, vice-présidente à la Région Centre-Val de Loire en charge de la formation et de la vie étudiante. Cette enquête, faite par les étudiants auprès des étudiants, est précieuse pour nous car nous sommes en train de rédiger notre schéma régional Recherche et innovation. Il sortira en octobre et comprendra plusieurs mesures concernant la vie étudiante. » Parmi ces mesures, par exemple, la généralisation d’une expérimentation mise en place sur le campus de Tours : l’installation de cabines de téléconsultation médicale en libre accès
Des mesures à venir
L’enquête d’ÔCampus « Santé mentale » met aussi en évidence la santé mentale, c’est-à-dire le moral général des troupes étudiantes en cette année universitaire 2022/2023. Et le résultat est sans appel : un étudiant sur deux ne va pas bien. C’est moins toutefois que les années précédentes, car les enquêtes attestaient qu’une grande majorité des étudiants allaient mal. « On pourrait mettre en place des psychologues mais ce n’est pas ce que l’on souhaite, explique Anne Besnier. On voudrait prendre le problème à la racine et tenter de donner plus d’attractivité à leur vie étudiante. » Cela passe par rénover les logements insalubres, élargir l’offre de jobs étudiants, rendre accessibles les sorties ou la pratique sportive. « Il faut qu’il y ait une meilleure communication sur les bons plans de Yep’s ou sur les prises en charge régionales pour le sport, par exemple », selon l’élue régionale. Dans son cadre de compétences, la Région proposera aussi une gratuité des transports pour les jeunes de moins de 25 ans, dès la rentrée prochaine, les samedis et les dimanches.
L’université d’Orléans, quant à elle, se penche actuellement sur une révision drastique de sa communication. « Les étudiants s’expriment aussi, à travers cette enquête, sur les modalités d’examen qui ont été plus que compliquées en temps de Covid, observe Nicolas Autissier. 43,2 % des étudiants ayant répondu ne trouvent pas claires les modalités de l’université, c’est quand même moitié moins que l’an dernier. » Sébastien Ringuédé l’assure, à la rentrée 2024, les « tableaux imbuvables détaillant les diverses modalités d’examen » seront remplacés.