Il faut dépasser le triste spectacle affiché mardi 6 septembre pour tenter de comprendre ce qui était en jeu lors de ce psychodrame qui n’en fut pas un pour tout le monde… Le temps de la co-construction, de cette gouvernance partagée entre toutes les tendances politiques représentées sur l’ensemble des 22 communes de la Métropole et qui avait prévalu depuis la création de la communauté d’agglomération au tournant du 21e siècle, a donc vécu. En deux épisodes : le 11 juillet lors de l’élection du président Frédéric Augis en remplacement de Wilfried Schwartz élu en juin 2020 mais démissionnaire suite à des ennuis judiciaires (lire page suivante) ; puis le 6 septembre dernier donc lors d’un nouveau vote pour compléter l’exécutif duquel ont finalement été exclus les représentants de la majorité de la gauche écologiste de Tours. On pourrait faire une thèse sur cette situation inédite de la ville-centre exclue de la gouvernance de la Métropole qui porte son nom et refaire le match à l’infini de cette soirée à laquelle pourrait être accolés une multitude d’adjectifs, de pathétique à ubuesque, en passant par affligeante voire funeste. Point de pathos ici, analysons une situation politique donnée avec ses enjeux de pouvoirs inhérents à tout combat politique.
Après tout, les élections (municipales en l’occurrence) sont faites pour cela : prendre le pouvoir pour diriger une ville. Et c’est ce qui s’est produit en juin 2020 : la gauche écologique a pris le pouvoir à Tours comme le droite l’a pris à Saint-Pierre et conservé à Joué-lès-Tours, Saint-Cyr et Saint-Avertin. De ce rapport de force était née une première gouvernance sous la présidence de Wilfried Schwartz, maire de La Riche issu du PS, qui faisait consensus entre les différentes sensibilités, et qui était adoubé par Philippe Briand, son prédécesseur et grand patron de la droite tourangelle. Ce dernier avait d’ailleurs admis que la victoire de la gauche écologiste à Tours donnait le droit à la gauche de gouverner la Métropole en respectant un équilibre des sensibilités au sein de l’exécutif.
Choc des générations
Que s’est-il donc passé le 11 juillet pour que ce mode de gouvernance équilibrée vole en éclats et que la droite LR décide de s’accaparer tous les leviers de pouvoirs à la Métropole ?
Tout d’abord, il faut le dire et le répéter : à partir du moment où il y avait une majorité pour Frédéric Augis (élus avec 45 voix contre 38 pour le maire de Tours Emmanuel Denis), il est tout à fait dans son droit de faire élire l’exécutif de son choix. C’est la démocratie, la droite est majoritaire au niveau des différentes communes, elle prend le pouvoir ! Mais pourquoi ce qui était possible sous Jean Germain puis Philippe Briand de 2014 à 2020, à savoir une répartition équilibrée des postes au sein de l’exécutif, ne l’est plus aujourd’hui en 2021 ?
Sans doute que les nouveaux élus arrivés de Tours en juin 2020 n’étaient pas des compagnons de bureau très appréciables. On prend les choses par le petit bout de la lorgnette ? Peut-être mais il ne faut négliger les facteurs humains en politique et le fait de travailler entre « gens de bonne compagnie » compte ? Tours avait envoyé à la Métropole des jeunes élus, à parité hommes et femmes, souvent inexpérimentées qui n’ont pas forcément été bien accueillis par les maires en place, souvent plus âgés…
La droite est de retour !
Choc des générations et des cultures entre des citoyens nouvellement élus et des élus qui ont fait carrière en politique. Ce n’est pas un facteur à balayer d’un revers de manche pour expliquer ce qui s’est passé. « Ça n’a pas été facile quand nous sommes arrivés, le moins que l’on puisse dire c’est que nous n’avons pas été accueillis à bras ouverts, on avait l’impression de déranger », confiait une élue de Tours, ancienne vice-présidente non reconduite. Bouleverser un ordre établi n’est pas toujours bien vécu… Et un an de cohabitation entre Verts et droite a peut-être refroidi aussi les ardeurs des uns et des autres, car travailler ensemble quand on est si différents n’est pas évident… Même si on fait preuve de bonne volonté… Et on ne parle pas de la parité, un vrai sujet de débat quand on voit la nouvelle composition de l’exécutif (5 vice-présidentes sur 20 postes).
Ensuite il y a bien sûr des raisons strictement politiques qui expliquent cette nouvelle situation : la droite (avec le renfort de deux maires ex-PS de Chambray et de La Riche donc) a la majorité au sein des 22 communes de la Métropole et prend le pouvoir tout simplement. Démocratiquement et légitimement. Ses supporters applaudissent. Ses adversaires parlent d’une droite revancharde qui a de nouveau subi une défaite aux Régionales de juin dernier, la Région Centre-Val de Loire restant aux mains de l’alliance PS-Verts. Pas question donc pour la droite LR de Philippe Briand de co-gérer la Métropole avec ces adversaires naturels et de cautionner l’action de cette gauche « écolo-
bobo ». Car, il ne vous aura pas échappé non plus – depuis cette rentrée, nous y sommes plongés – qu’il y a bientôt une élection présidentielle et que la droite doit s’affirmer dans cette course à l’Élysée sous peine d’assister du banc de touche au match Macron – Le Pen. Et elle aura aussi face à elle dans cette présidentielle un candidat écologiste. Elle entend montrer ses muscles et cela passe donc par le contrôle de la Métropole. « On n’a pas gagné la Région mais on prend la Métropole » pourrait être le message envoyé par la droite. Son électorat bourgeois ou conservateur des communes périphériques apprécie, l’honneur est sauf, les bobos tourangeaux sont matés… On pourrait aussi résumer la situation ainsi : Philippe Briand, grand patron de la droite tourangelle, a repris le pouvoir qu’il avait accepté de laisser un an auparavant…
Le 30 septembre, et après ?
Car il est un autre facteur qui rentre en compte dans cette nouvelle situation : le 30 septembre la justice rendra son verdict dans l’affaire Bygmalion. Le maire de Saint-Cyr-sur-Loire, 2e vice-président de la Métropole aux relations institutionnelles et internationales, saura alors s’il est condamné ou non – le procureur a requis trois ans de prison avec sursis et cinq ans d’inéligibilité et de privation des droits civiques contre celui qui était le mandataire financier de Nicolas Sarkozy dans la campagne présidentielle en 2017.
Quel que soit le verdict, il sait aujourd’hui que, s’il doit s’absenter quelque temps (ou définitivement en cas de démission ?), la maison sera bien gardée par son fidèle bras droit Frédéric Augis. Même en cas de nouvelle élection d’un vice-président pour lui succéder en cas de condamnation… C’est aussi cela la politique, l’application de l’adage : « Gouverner, c’est prévoir »…