Il n’a pas la majesté de certains de ses voisins royaux comme Chenonceau, Amboise ou Azay-le-Rideau. Mais, de son promontoir qui domine la vallée de l’Indre, à quelques encablures du CEA du Ripault à Monts, le château de Candé, situé au cœur d’un domaine de 230 ha, en raconte aussi des histoires à différentes époques dont l’une - la dernière dans les années 1930 - marquée par une extrême modernité.
Un orgue venu d’Amérique
Si l’on résume sa longue histoire en trois époques majeures, on retient la construction d’un premier pavillon de loisirs de style Renaissance au tout début du 16e siècle par François Briçonnet, maire de Tours. Grand saut dans le temps pour se retrouver au 19e siècle : le domaine est acquis par Santiago Drake del Castillo, héritier d’une riche famille anglo-cubaine. Au pavillon Renaissance d’origine, il rajoute une aile marquée par le style Empire de son temps et transforme Candé en domaine auto-suffisant avec cultures, élevages, vignes, chais, briqueterie pour construire les dépendances actuelles… La modernité et le côté pionnier déjà comme marqueurs forts de l’histoire du domaine. Nouveau petit saut dans l’Histoire, jusqu’à l’année 1927 cette fois. Le domaine est acquis par le Français Charles Bedaux qui a fait fortune aux États-Unis en vendant aux grandes entreprises sa méthode d’organisation du travail et de rationalisation de la production qui lui assure de confortables revenus. Il installe à Candé sa femme d’origine américaine, Kern, pendant que lui continue à parcourir le monde pour ses affaires. Ces châtelains des années folles font du château un nouveau lieu d’extrême modernité en réalisant des travaux alliant confort, luxe et esthétisme. Le chauffage central est installé et, avec lui, on peut doter le château de salles de bains dans le style Art déco, entièrement recouvertes de mosaïques de pâtes de verre avec un équipements (baignoires, lavabos, robinetteries, chauffe-serviettes, système permettant de remplir et vider la baignoire en 30 secondes, etc.) importés du Canada par la société Crane. Huit salles de bains sont installées à cette époque.
L’imposant orgue qui équipe aussi le château est importé d’Amérique puisqu’il est fabriqué par la compagnie Skinner à Boston, dans le Massachusetts. Il traverse l’Atlantique avec des ouvriers qui viennent sur place le monter huit jours… Une performance quand on voit l’instrument, peut-être le seul de ce modèle exporté vers l’Europe…
Et comme les Bedaux veulent ce qu’il y a de plus beau, ils font aussi équiper leur salle de sport avec deux vélos d’intérieur, un cheval électrique qui dispose de plusieurs vitesses pour vous emmener au galop ou encore d’une machine à masser mécanique… Un confort proprement unique pour l’époque et que l’on doit à société Rossel Schwarz & Co qui a aussi aménagé les gymnases du Titanic et des grands transatlantiques… Évidemment, le domaine avait son court de tennis et son golf mais ils ne sont plus visibles depuis longtemps…
Toujours au registre des technologies de pointe, le château fut équipé dans les années 30 du premier standard téléphonique privé en France, avec deux lignes pour appeler à l’étranger et aux États-Unis en particulier où Madame avait toujours sa famille et Monsieur son business. C’est par cette connexion américaine que s’explique aussi la tenue à Candé en juin 1937 du mariage du duc du Windsor, qui ne voulut pas être roi d’Angleterre, avec la roturière américaine Wallis Simpson. Leur signature, gravées dans le bois, sont toujours visibles sur le mur du salon où s’est déroulée la cérémonie au son de l’orgue…
Remeublé avec l’aide du mobiliser national
Que dire de plus ? Sinon que la visite de cet écrin de modernité du siècle passé est un pur délice. Et qu’il faut donc profiter de la réouverture du lieu au public pour cette saison 2023 – le domaine de Candé a rouvert le 1er avril – pour visiter ce château atypique parmi tous les châteaux de la Loire et admirer son évolution au fil des époques, de la Renaissance de François Briçonnet à la majestueuse période des Drake Del Castillo au 19e siècle. Sans oublier ce 20e siècle et ses innovations que Charles et Kern Bedaux ont implantées dans ces murs.
C’est d’ailleurs elle qui léguera le château à la France à la mort de son mari en 1949. Elle en aura l’usufruit jusqu’à sa mort en 1972. Deux ans plus tard, en 1974, l’État le cède à son tour au Conseil départemental, non sans l’avoir vidé de son mobilier auparavant. Heureusement les services du Département ont pu nouer un partenariat avec le Mobilier national qui gère le mobilier de tous les monuments français et qui a pu restituer une partie du mobilier ou prêter des éléments d’époque pour remeubler le château de Candé et lui donner des airs d’autrefois quand la vie y battait son plein…
Pratique
Domaine de Candé, route du Ripault à Monts ; horaires d’ouverture et billetterie sur domainecande.fr/infos-pratiques/ ; l’accès au domaine est libre et gratuit ; la visite du château est payante, tarif : 7 € (plein tarif)