Il y a même des programmes qui ne rentrent pas en chantier alors que le permis de construire a été délivré car le coût de la construction affiché dans les devis des entreprises ne permet pas la rentabilité de l’opération, et ça n’a aucun sens de produire à perte car c’est mettre l’entreprise en danger… » Olivier Henry, le président d’Ocelor, l’observatoire du logement neuf région Centre-Val de Loire, dresse un bilan très mitigé de la promotion immobilière en ce début d’année car les nuages qui s’amoncèlent sur la construction depuis la reprise post-Covid en 2020 commencent à doucher les professionnels. L’année 2022 a marqué un coup d’arrêt avec un bilan affiché de - 19 % de ventes sur le bassin de Tours. 1 013 appartements neufs ont été vendus l’an passé contre 1 239 en 2021. Mais ce qui est plus inquiétant, c’est que ce ralentissement s’est accentué en fin d’année. « Ces dernières années, il se vendait entre 1 200 et 1 300 logements par an, soit autour de 300 par trimestre, analyse Olivier Henry. Or, au 4e trimestre, le nombre de transactions est tombé à 115 ! » Trois fois moins que la norme… Et le nombre de logements mis sur le marché est encore plus inquiétant, avec seulement 23 mises sur le marché au 4e trimestre ! Cela signifie que les programmes ne sortent pas de terre et que le marché a perdu sa dynamique, les prix continuent d’augmenter mais les acquéreurs sont de moins en moins nombreux… Gare à l’effet ciseau – des prix en hausse et des acheteurs en baisse – qui serait délétère pour le marché du neuf sur le bassin de Tours, traditionnellement très dynamique…
« La pierre », un rendement moins intéressant
Cette chute s’explique par plusieurs facteurs. Le marché du neuf tourangeau a cette particularité qu’il est réalisé à 90 % par des investisseurs qui acquièrent un bien pour le louer. Or, avec le renchérissement du crédit – les taux d’emprunts se situent aujourd’hui autour de 3 % – et la hausse du prix d’achat, investir dans un logement neuf est devenu moins rentable. « Les opérations sortaient à 4 000 € / m2 en moyenne l’an passé, précise Olivier Henry. On table sur un hausse de 10 % encore cette année… » Avec un prix au mètre carré à 4 400 € dans le neuf, l’investissement devient en effet moins intéressant si la fiscalité ne suit pas. À cet égard, le dispositif Pinel qui propose des allégements fiscaux est aussi moins intéressant et devrait être revu. Mais en attendant, si le propriétaire veut avoir un locataire pour amortir son logement, il doit faire attention au loyer pratiqué, il ne peut donc pas l’augmenter inconsidérément pour améliorer le rendement de son investissement. Un investissement immobilier qui devient d’autant moins rentable que le coût du crédit est plus élevé en 2023, avec un taux d’intérêt de 3 % environ contre 1 à 1,5 % il y a encore deux ans. La hausse du prix d’achat s’explique aussi par de nombreux facteurs conjoncturels, comme la hausse des prix des matériaux et de l’énergie qui impactent le coût de la construction, les professionnels étant obligés de répercuter tout ou partie de cette inflation sur leur devis. Elle s’explique aussi par la hausse du prix du foncier dans les métropoles ainsi que par la hausse des salaires dans le secteur. Pour compenser le coût de la vie et conserver leurs salariés dans un secteur qui manque de bras, les employeurs ont augmenté les salaires, ce qui se répercute aussi sur le prix de revient du mètre carré pour le promoteur et donc sur le prix de vente final. Cette hausse du coût de la construction cumulée avec celle du crédit rend donc l’investissement moins rentable. Et ce d’autant plus que les placements financiers – en bourse notamment, mais aussi les livrets d’épargne dont les taux sont revalorisés pour faire face à l’inflation – sont plus attractifs et concurrencent sérieusement les investissements dans la pierre. Tous ces facteurs cumulés expliquent qu’il y ait moins d’acheteurs.Même si cela ne se constate pas dans les désistements. « Sur Tours il y a eu 84 désistements sur l’année contre 159 sur toute l’année 2021… » explique Olivier Henry. La situation pour 2023 s’annonce donc très tendue pour les promoteurs qui réclament des mesures gouvernementales. « Il faut bien comprendre que la construction de logements en France est déjà déficitaire par rapport aux besoins. Si cela s’accentue, il y aura encore plus de difficultés à se loger, aussi bien pour les propriétaires que pour les locataires car il y aura toujours moins de logements disponibles, ce qui impactera aussi les prix des loyers… » poursuit-il. Les prix à l’achat comme à la location pourraient alors continuer de grimper, ce qui ne serait pas bon pour le porte-monnaie des Français qui consacrent déjà une grande part de leurs revenus au logement… Pour anticiper ce ralentissement annoncé et éviter l’effondrement du marché, la FIP (Fédération des promoteurs immobiliers) demande au Gouvernement d’étudier une TVA réduite (elle est aujourd’hui à 20 %). Un dispositif pour atténuer le coût du foncier serait aussi le bienvenu pour permettre aux promoteurs de proposer des programmes les plus abordables possibles. Car un immobilier trop cher n’est bon pour personne !