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Il recherche vos héritiers !

Il recherche vos héritiers !

Si la généalogie est connue, le métier de « généalogiste successoral » l'est beaucoup moins. À Orléans, Christian du Manoir, directeur de l'étude généalogique du Manoir, passe ses journées à faire les lumières sur les successions et à retrouver, parfois, des héritiers aux quatre coins du monde…
Gaëla Messerli
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Depuis plus de vingt ans, Christian du Manoir est généalogiste successoral à Orléans. Il a « commencé avec la généalogie familiale avant de découvrir la généalogie successorale ». Un petit milieu, dit-il, où l’on trouve « quelques grosses études historiques » comme Andriveau, la plus ancienne étude de généalogie successorale au monde, créée en 1830. « C’est à la fois un métier neuf par rapport au métier d’avocat ou de commissaire-priseur, mais aussi ancien : il est né parce qu’un notaire ne trouvait pas, à la mort d’un de ses clients, tous les héritiers. Il est ensuite parti à travers la France afin de les retrouver et établir la dévolution successorale. »

Un an minimum par recherche

Côté formation, au-delà du goût pour la généalogie, et si le prérequis est une bonne connaissance du droit des successions, c’est l’expérience au sein d’une étude qui forme surtout les généalogistes successoraux. Pour Christian du Manoir, une succession, c’est en effet la fin d’une histoire et le début d’une autre. C’est en tout cas ce qui amène des notaires en recherche d’héritiers à le contacter. « Le notaire doit rassembler la totalité des héritiers pour régler une succession, détaille-t-il. Notre intervention est une garantie absolue qu’il y ait vraiment tous les héritiers. Nous pouvons vérifier leur nombre, c’est la confirmation de dévolution. Et lorsqu’ils ne sont pas connus, nous effectuons la recherche. Nous avons aussi une spécialiste en généalogie foncière, qui travaille avec les grands lotisseurs pour identifier les propriétaires de certaines parcelles. »

Pour les héritiers, la relation avec le généalogiste successoral commence par la signature d’une convention. Un contrat de révélation est en effet passé entre le généalogiste et les héritiers que ce dernier retrouve. Ce document prévoit que les recherches effectuées permettent de révéler à l’héritier des droits à faire valoir dans une succession qu’il reconnaît ignorer. « Nous avons aussi une mission d’accompagnement, car nous pouvons représenter des héritiers devant le notaire et pouvons négocier pour eux avec les impôts pour le règlement des frais de succession, explique Christian du Manoir. En moyenne, il faut compter un an pour un dossier rapide… »

Une héritière en Angleterre…

Mais tous les dossiers sont loin d’être simples, il suffit de regarder, sur le bureau de notre interlocuteur, l’énorme dossier d’une succession commencée en 2015 pour s’en rendre compte ! « Ça, c’est pour une maison qui n’était pas vendue, développe Christian du Manoir. Un héritier est mort depuis ; nous sommes aujourd’hui en contact avec l’une de ses héritières… qui se trouve aux États-Unis. » 

Même si l’étude est installée à Orléans, il n’y a, en effet, pas de restriction géographique si les héritiers se (re)trouvent à l’autre bout du monde. Pour ce qui est des dossiers, les notaires contactent l’étude généalogique, mais les généalogistes successoraux regardent également les annonces légales du service du Domaine. « Les Domaines gèrent les successions vacantes et séquestrent les fonds pendant trente ans », précise Christian du Manoir.

Comment se construit une recherche ? « Le principe de base est de ne pas raisonner ! Un dossier, c’est parfois comme des poupées russes », répond le généalogiste orléanais. Chaque dossier est en effet une véritable enquête : « Nous avons eu le cas d’une succession à 5 M€, avec un premier mariage et deux enfants, puis un deuxième mariage avec un ou deux enfants… Et l’on a finalement découvert que ce monsieur décédé était divorcé en troisièmes noces ! Avec beaucoup de difficultés, nous avons retrouvé son ex-épouse au sud de l’Angleterre. C’était une histoire d’amour qui n’avait duré que peu de temps, il l’avait rencontrée sur un bateau et n’avait pas eu d’enfant. Les enfants du monsieur ne connaissaient même pas l’existence de ce mariage ! »

Cet exemple montre que le travail du généalogiste successoral est l’occasion de lever certains secrets de famille. D’ailleurs, ce sont toujours « un peu les mêmes. Lorsque l’on regarde l’etat-civil parisien, on observe de nombreux enfants naturels et des filles-mères qui montaient à la capitale recommencer une nouvelle vie… Sinon, il y a aussi le mari qui va à droite et à gauche, et des femmes qui ont des aventures… » Existent aussi les cas de personnes qui meurent seuls. « Ce type de décès, seul ou sans héritier connu, représente 5 à 8 % des décès par an. »

« certains coffres sont vides, d’autres contiennent des pantoufles ou des lingots » 

Des louis d’or dans des tubes d’aspirine !

Même si Christian du Manoir ne révèle rien de ses clients, il ne manque pas d’histoires, car son métier l’amène à rechercher des héritiers de successions de 2 000 € ou 3 000 €, jusqu’à des millions d’euros. « Mais parfois, on travaille pendant six mois pour rien, soupire-t-il. C’est le jeu, car nos recherches sont à nos risques et périls… » Pour ce qui est de ses clients, ce n’est pas toujours dans des immeubles hausmanniens que tout se joue… « J’ai eu à travailler sur la succession d’une prostituée rue Saint-Denis, qui habitait un immeuble bourgeois et n’avait pas d’enfant, raconte le généalogiste. Elle avait un appartement de fonction qu’elle louait à une collègue. Celle-ci a voulu d’ailleurs le racheter, et elle est venue avec un sac à main plein de billets chez le notaire ! Sinon, actuellement, nous avons une succession à laquelle est liée un SDF sur Montargis, mais nous avons perdu sa trace. Il y a aussi des gens en prison. Nous voyons la société dans son ensemble. »

La découverte d’un testament en dernière minute est toujours un risque, et la visite des coffres de banque réserve parfois des surprises. « Je me souviens être descendu pour l’ouverture d’un coffre dans une grande banque parisienne, se rappelle Christian du Manoir. Nous n’avions pas les clefs, et un technicien a dû intervenir pour le percer. En lisant les documents, nous nous sommes rendu compte que ce n’etait pas le bon coffre ! Il a fallu repercer le bon coffre qui ne contenait… qu’un portefeuille vide. Mais cela ne m’a pas étonné. Certains coffres sont vides, d’autres contiennent… des pantoufles ou des lingots. J’ai même vu des louis d’or dans des tubes d’aspirine en acier ! Le commissaire-priseur avait mis une éternité pour les compter… » En raison de la distorsion des liens familiaux, le métier de chercheur d’héritiers a quand même, selon Christian du Manoir, de beaux jours devant lui… 

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