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L’ami Pierrot

L’ami Pierrot

Mardi soir, la mairie d’Orléans a annoncé le décès de Pierre Moreau, président de la Société des Amis des Musées d’Orléans. En août 2015, L’Hebdo lui avait consacré un long portrait dans ses pages, que nous vous proposons de redécouvrir…
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Article publié dans L’HebdO n°113, août 2015

Il est à croire que les présidents des Amis des Musées d’Orléans partagent deux qualités communes : la bienveillance et la bonhomie, lesquelles se matérialisent par un sourire perpétuellement accroché aux lèvres. Pierre Moreau, qui a succédé dans ce rôle au galeriste Michel Dubois, possède la même facilité de contact que son prédécesseur. Celle-ci est profonde et entière, sans intérêt ni hypocrisie dissimulée. D’ailleurs, pour appuyer ses dires, Pierre Moreau n’hésite pas à se montrer gentiment tactile : cela fait partie du personnage, sans esbroufe et naturel ; accessible et sans calcul. « Le contact et le partage, je les ai toujours eus en moi, dit-il. C’est tellement enrichissant ».

Aujourd’hui retraité, ce passionné d’art et de peintures n’aime rien tant, au détour d’une expo ou d’une galerie, qu’échanger avec un inconnu sur les impressions nées de l’observation d’une toile. Parce que les sentiments, ça ne se garde pas pour soi, pas plus que le temps, d’ailleurs. Ancien adjoint à Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, où il habite toujours, Pierre Moreau a ainsi retenu la leçon qu’un ancien maire lui avait apprise, à savoir « qu’il fallait savoir écouter tout le monde, quelle que soit la qualité de l’expression employée. » Quel que soit le langage, aussi. L’anglais, par exemple, ce fils de comptable industriel et de commerçante le parle désormais couramment. Un choix autant qu’une nécessité : sa fille unique habite aujourd’hui Seattle, aux Etats-Unis. La langue de Shakespeare, Pierre Moreau la découvrit à l’adolescence, dans le cadre d’un programme… d’échanges, déjà. « Jusqu’en 3e, j’étais nul en anglais, s’amuse notre interlocuteur. Et puis, je suis tombé sur un prof qui m’a proposé ce voyage. J’ai passé trois semaines à Birmingham, dans une famille qui tenait un pub. Cela a été tel que l’anglais, depuis, m’a suivi. »

Une compétence bien utile quand on a parcouru, comme lui, l’Europe et le Moyen-Orient dans tous les sens pour le compte de deux géants mondiaux de l’agroalimentaire. Deux groupes pour lesquels Pierre Moreau travailla en tant que responsable qualité et spécialiste des questions de réglementation, dans le domaine précis de la nourriture pour chiens et chats ! « J’ai été amené, au travers de ces expériences, à sillonner l’Europe de Moscou à Lisbonne en passant par Oslo, Athènes ou Zagreb, explique-t-il. Berlin-est, j’y ai été six mois après la chute du Mur ; les gens étaient bouche bée devant les bananes, les oranges et les pamplemousses qu’ils trouvaient dans les magasins… Dans quels pays je n’ai pas été ? Hum… Pas beaucoup. Peut-être la Bosnie, la Macédoine et l’Albanie. » Mais si ces destinations ramènent leurs flots d’images, les souvenirs sur lesquels Pierre Moreau se montre le moins disert restent ces journées dans les pays du Golfe et de la Méditerranée à négocier avec les locaux. « Ils sont très forts en commerce, raconte-t-il. Mais avant d’aller y travailler, je m’étais documenté sur la région. Là-bas, un impair peut tuer une discussion. Alors il faut être très patient, car dans ces pays, le temps ne compte pas… » Preuve de sa capacité à s’adapter et à s’immerger, Pierre Moreau profita de ces voyages pour lire le Coran en français… et en anglais. La curiosité n’est pas toujours un vilain défaut, surtout quand il s’agit de comprendre l’autre…

« Je crois beaucoup en l’échange et dans le partage »

Des anecdotes, la besace de Pierre Moreau en est emplie. Son heureux propriétaire les détricote progressivement, comme une pelote de laine, avec une douceur qui les rend forcément captivantes. Mais les souvenirs ne sont pas toujours liés aux contrées lointaines. D’Orléans, où il est arrivé en 1975, pour travailler chez Unisabi, Pierre Moreau se rappelle par exemple de ses premiers pas dans la ville. « Ça faisait deux semaines que nous étions là, et un soir, nous partons boire un pot sur la place du Martroi. À 21h pile, on nous a foutus dehors sans ménagement ! » C’est peu de dire qu’il constate que la ville a aujourd’hui changé, et plutôt en bien… Grâce aux actions successives des municipalités en place, sans doute, mais aussi par le biais des associations actives et impliquées, comme celle des Amis des Musées d’Orléans, dont il a pris la présidence au printemps dernier, en voulant pérenniser le travail déjà mené en amont, comme le cycle de conférences réguliers un mercredi par mois, ou les voyages à l’étranger organisés une fois par an. L’an dernier, c’était à New York ; cette année, ce sera à Nuremberg, pour le marché de Noël. « Il faut aussi réfléchir à la façon dont on peut enrichir notre offre, ajoute Pierre Moreau. On peut aussi voir comment avoir une vision plus large avec les amis des musées de Chartres et de Tours. Pourquoi pas accueillir, aussi, à Orléans le congrès des Amis des Musées de France ? » Et par rapport aux musées orléanais, que l’association a la charge de soutenir : « pourquoi ne pas réfléchir, également, à un maillage entre ceux-ci et nos voisins en région ? » Il est vrai que l’heure est déjà à la mutualisation au niveau des collectivités territoriales…

Membre depuis trois ans du conseil d’administration de cette association qui regroupe plus d’un millier d’adhérents, Pierre Moreau explique que cette présidence s’est présentée à lui tout « naturellement », et qu’il ne s’est pas forcé beaucoup pour plonger tout habillé dans un bain dans lequel il barbote depuis pas mal de temps. « Ma mère était une vraie bibliophile, raconte-t-il. Elle nous a initiés à la lecture et à la reliure. Plus tard, je me suis intéressé à la verrerie et à la peinture. » Celle d’Europe du Nord, et des maîtres anglais, flamands et hollandais. « Mais ma palette est large, précise-t-il. J’adore aussi les primitifs italiens. » S’il dit « n’avoir jamais accroché avec la sculpture », il pourrait en revanche parler pendant des heures d’huiles, de couleurs, de lumières et de clairs-obscurs. Avec ses mots à lui, qui s’imprègnent davantage de « perceptions » que de technique. « Ce que j’aime chez les peintres flamands, évoque-t-il ainsi, c’est qu’on peut rentrer avec eux dans leur tableau. C’est ça qui me touche. Quand on regarde un de leurs portraits, on en serait presque à discuter avec cette personne. Pareil quand j’observe une toile de Hooper : on se sent assis avec ces gens, au bar… »

Que serait Pierre Moreau sans les autres ? Sans doute lui-même préfère ne pas y penser. Pour combler davantage son envie d’apporter, de donner et de recevoir, il s’est investi dans une « petite ONG » locale, baptisée « Cléry-Haïti ». « Nous soutenons là-bas une école de 500 élèves environ, précise-t-il. Nous collectons chaque année près de 20 000 € : cela permet d’apporter un repas journalier aux enfants, d’acheter du tissu pour les uniformes et de payer les instituteurs. » Pierre Moreau n’est pas l’abbé Pierre, c’est évident, et encore moins Saint-Paul sur le chemin de Damas, encore qu’en matière de course à pied sous le soleil, il fut un temps où il se posait là… « J’ai fait pas mal de Marathons, que j’ai tous finis, indique-t-il. Quand on prend goût à ça, on en devient intoxiqué ! » Le sport, l’art et les Hommes : trois drogues dures à consommer sans modération…

CV

15/08/1945 : naissance à Paris

1975 : arrivée à Orléans

1989 : entre au conseil municipal de Saint-Hilaire-Saint-Mesmin

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