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Quand le sexe n’a pas d’âge…

Quand le sexe n’a pas d’âge…

Malgré les discours induits par certains médias, la sexualité ne s'arrête pas à 60, 70 ou même 80 ans ! Dans les maisons de retraite, certains personnels soignants et accompagnants ne sont, cependant, pas toujours à l’aise face au désir des personnes âgées. Réflexions sur un tabou.
Fanny Couture
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Aujourd’hui, des établissements spécialisés dans l’hébergement des seniors garantissent la dispense de soins quotidiens aux personnes partiellement ou totalement dépendantes, ainsi que le respect de leur intégrité. Néanmoins, lorsque le corps vieillissant manifeste un désir intime, il n’est pas rare de voir le corps social se murer dans la gêne et le silence.

Même pour le personnel soignant, formé à accompagner les patients dans tous leurs besoins quotidiens, faire face à la question du désir est loin d’être une banalité. Pourquoi est-il aussi délicat d’envisager la vie affective et sexuelle de personnes âgées que nous chérissons par ailleurs ? Les peaux plissées, les silhouettes frêles, les postures ratatinées et les maladies sont-elles incompatibles avec les notions de désir et de plaisir ? Tour d’horizon de la situation aujourd’hui en France…

Vieillesse et sexualité : le poids des croyances

Pourquoi la société contemporaine véhicule-t-elle l’idée que les personnes âgées sont asexuées, qu’elles ne ressentent pas de désir ou ne sont pas désirables ? Les représentations médiatiques, publicitaires et culturelles nous invitent à rester jeunes, beaux, souriants et performants en toutes circonstances, et tout au long de notre vie. Ce « culte du corps », dans lequel nous vivons au quotidien, est en grande partie responsable du déni de l’intimité chez nos aînés. Là est certainement le paradoxe le plus flagrant de notre époque. Dans une société hypersexualisée, qui pratique l’injonction permanente à la jouissance, le sex-appeal semble limité dans le temps. Après 60 ans, plus personne ne vous invitera à « développer votre curiosité », à « tout savoir sur le sexe opposé » ou à « réaliser vos fantasmes ». Pourtant, le plaisir charnel n’est pas le privilège de la jeunesse !

L’ensemble des interdits et des non-dits qui entourent la vie sexuelle des seniors s’impose comme une négation totale de la sexualité comme source de bien-être physique et psychique à tous les âges de la vie. Alors qu’une intimité comblée semble profitable à des personnes souvent fragiles et diminuées, il n’est pas rare d’observer chez certains individus des attitudes intolérantes à l’égard de l’expression du désir sexuel de leurs aînés. Ces réactions, sans aucun fondement éthique, sont par ailleurs en contradiction avec la réalité, puisqu’une enquête révèle que 86 % des hommes et 64 % des femmes âgés de 50 à 69 ans ont eu une relation charnelle datant de moins d’un mois.

Pulsion de vie, pulsion de mort…

On peut imaginer qu’il est difficile d’aborder cette question dans un établissement où l’intimité corporelle des patients est tributaire d’une aide médicalisée. Si cette pulsion de vie qu’est le désir de l’autre peut être compliquée à gérer pour le personnel médical, c’est, entre autres, parce que certains résidents sont atteints de syndrome démentiel, qui se manifeste par différents troubles du comportement. Les désordres cognitifs peuvent créer des comportements sexuels inappropriés qui nécessitent d’être canalisés par le personnel soignant, chargé de veiller à la quiétude de la vie en communauté. Il n’est donc pas toujours facile de distinguer la désinhibition liée à la démence, de ce qui est de l’ordre de la sexualité d’un senior autonome et lucide.

Et parce que les soins que l’on prodigue au corps de l’autre nous ramènent irrémédiablement à notre propre rapport au corps, le désir de vivre de manière sensuelle apparaît parfois dérangeant dans un univers qui côtoie la maladie et la mort. Le personnel soignant (médecins, infirmières, aides-soignants) et les accompagnants (famille, proches) peuvent facilement se sentir embarrassés, voire débordés, lorsqu’ils sont confrontés à la question du désir des seniors. « Il y a 30 ans, on n’en parlait pas du tout, ça n’existait pas, aujourd’hui on commence à chercher des solutions… », confie Corinne, ergothérapeute en gériatrie. Pour respecter et préserver l’intimité des couples de résidents, certains établissements travaillent à mettre en place des chambres doubles. Les personnes dépendantes peuvent également manifester le souhait d’avoir accès à une intimité. Des assistants sexuels peuvent alors être rémunérés par la structure, ou par une association spécialisée dans ce type d’interventions. Mais si ces services sont plus développés à l’international, la France n’en reste pour l’instant qu’aux prémices…

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