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Qui veut prendre sa place ?

Qui veut prendre sa place ?

Douze candidates et candidats seront dimanche sur la ligne de départ du premier tour de l’élection présidentielle. Si le Président sortant paraît bien parti pour se qualifier, l’identité de celui ou celle qui l’accompagnera reste bien énigmatique, tant l’électorat semble de plus en plus volatil et le contexte propice à des coups de théâtre de dernière minute.
Benjamin Vasset
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Il y a un gros mois, à l’heure où Vladimir Poutine faisait donner le canon en Ukraine, l’affaire paraissait entendue : chef des armées et garant des institutions, Emmanuel Macron bondissait en tête des intentions de vote. Face au danger d’une guerre généralisée en Europe, les Français, dans un réflexe de conservation, paraissaient penser qu’il ne fallait mieux pas changer de général dans la tempête. Depuis, sans que la menace d’un conflit continental ne se soit vraiment évaporée, le bruit et la fureur des armes se sont pour l’instant circonscrits à l’intérieur des frontières ukrainiennes. Cela fait un mois et demi seulement que la guerre a commencé, mais dans l’esprit de beaucoup, cela fait un siècle. Les Français commencent à voir aujourd’hui une partie des conséquences de ce conflit non sur leur existence, mais sur leur porte-monnaie ce qui, pour beaucoup, reste aussi important. La hausse du prix du litre d’essence à la pompe n’est pas liée qu’à la seule guerre en Ukraine, Emmanuel Macron n’y est à vrai dire pas pour grand-chose, mais il peut avoir une bonne tête de coupable : lui, ses amis patrons présumés, le lobby pharmaceutique et les tenants d’un hypothétique « Nouvel Ordre mondial »… Tous à mettre dans le même sac pour quelques esprits un peu énervés qui croient qu’on veut les écraser et leur supprimer leurs libertés, dont la première d’entre elles : consommer. 

Une France de droite ?

Dans une élection, tout est souvent question de moment : Emmanuel Macron pourra encore asséner en cette fin de semaine qu’il a inversé la courbe du chômage ou réussi à maintenir à flots le tissu entrepreneurial pendant la crise sanitaire, tous ces arguments n’auront que peu de poids si le soufflet McKinsey, connu depuis plusieurs mois mais réattisé ces derniers jours, continue de distiller son venin sans que le Président et son entourage n’arrivent à l’endiguer. L’effet peut être dévastateur : alors que les Français se serrent la ceinture pour pouvoir mettre du gasoil dans leurs voitures, l’État dépenserait sans compter pour recevoir des conseils d’une boîte privée sur ses politiques publiques ; politiques que cette même boîte ne financerait pas puisqu’elle ne payerait pas ses impôts en France. La charge symbolique est puissante pour un Homme qui a bien du mal à se défaire, durant son quinquennat, de son image de « Président des riches », laquelle lui aura collé aux basques comme le sparadrap du capitaine Haddock. En outre, les quelques mesures-chocs qu’Emmanuel Macron a égrenées lors de son entrée en campagne n’ont pas spécialement contribué à le faire passer pour un socialiste : âge de la retraite à 65 ans, « activité » demandée pour les bénéficiaires du RSA… « C’est un programme de droite et en même temps de droite », s’est engouffrée la gauche, tandis que Valérie Pécresse, la candidate des Républicains, criait au plagiat. Car il faut bien le dire : cette campagne présidentielle, qui n’a pas été secouée comme cinq ans plus tôt par une histoire de cornecul – cf. Fillon 2017 – aura été remportée, au niveau des idées, par la droite. La « faute » surtout à Éric Zemmour qui, en rabâchant ses thèses identitaristes et anti-immigrationnistes, a clairement radicalisé le débat, au point, parfois, de le caricaturer. Partie des plateaux de télé, quel niveau d’adhésion sa candidature atteindra-t-elle ? En meeting, ses salles sont pleines, ses électeurs convaincus et il a réussi à joindre à lui quelques personnalités de droite appâtées par le fumet de la soupe servie. Les sondages ont du mal à le voir dépasser la barre des 10-11 %, mais ils ne peuvent corriger leurs estimations en fonction des résultats antérieurs du parti et/ou du bonhomme. Reste que ses marottes autour de la question du « grand remplacement » ne répondent pas tout à fait au sujet du moment : celui du pouvoir d’achat. Un sujet que Marine Le Pen, au Rassemblement National, a rapidement voulu porter, laissant à Éric Zemmour le soin de pérorer sur ce qui faisait l’identité du Front National d’autrefois. Marine dans les Antilles, Marine à Mayotte, Marine au comptoir du dernier bistrot du village… : par nécessité financière autant que par stratégie, la candidate du RN a bien voulu montrer lors de cette campagne qu’elle se tenait à côté de ceux qui galéraient, quelles que fussent leurs origines. Qualifiée de « socialiste » par les amis d’Éric Zemmour, Marine Le Pen a passé son temps, depuis un an, à adoucir son image, se donnant l’image d’une grande sœur rassurante, qui promet, un chat sur les genoux, qu’elle défendra le Français qui trime contre le monde entier. C’est oublier un peu vite que son programme sur l’immigration reste particulièrement raide et dans la lignée du Front National de son paternel, et que l’arrière-boutique du RN rassemble encore quelques énergumènes aux muscles bandés et aux idées courtes. 

Dernières figures de cette droite morcelée : l’inénarrable Nicolas Dupont-Aignan, devenu inaudible à force de caresser les complotistes dans le sens du poil, et surtout Valérie Pécresse, dont un meeting raté sur la forme a fracassé la campagne. Cruelle société du spectacle qui ne laisse pas de seconde chance et se montre plus prompte à délégitimer une femme qu’un homme. Personne d’ailleurs ne peut nier que cette campagne a été placée sous le signe d’une forme de Pécresse-bashing, que la candidate LR  n’a cependant pas réussie à endiguer. Coincée entre le marteau et l’enclume, incapable de choisir entre la droite modérée à la Juppé et la droite-képi à la Pasqua, Valérie Pécresse aura été accusée par les amis de Zemmour d’être le clone d’Emmanuel Macron. 

À gauche, le renouveau ?

Tous ces braves gens, à la droite de l’échiquier politique, auront réussi à faire passer l’enjeu environnemental au dernier rang de leurs préoccupations, restreignant le débat à des choix binaires bien simplistes : pour ou contre le nucléaire, pour ou contre les éoliennes… Voilà où nous en avons été rendus dans cette campagne présidentielle qui aurait dû faire de cette question écologique la mère de toutes les autres, tant l’urgence est là, devant nos yeux et désormais dans nos narines. La planète commence à bouillir, la cocotte-minute n’est pas loin d’exploser, mais nous en sommes toujours à raisonner en termes de nations, d’intérêts et de frontières. Ce combat, la gauche aurait dû le porter et le mettre sur la place publique à chaque intervention, à chaque prise de parole et dans chaque débat. Lasse, elle s’est enlisée dans des questions de rassemblement et de candidature commune qui ont brouillé le message qu’elle aurait dû porter. Au PS, Anne Hidalgo s’est déclarée trop tôt ; chez les Verts, Yannick Jadot se sera montré offensif, mais pas toujours à bon escient : il y avait pourtant un sillon à creuser en insistant sur la sobriété énergétique et le besoin de construire pour l’avenir un modèle social qui ne laisse personne sur le bord du chemin. Or, il est à parier que les Gilets jaunes n’ont pas, depuis 2018, verdi leurs préoccupations…  Peut-être le communiste Fabien Roussel ou plus sûrement Jean-Luc Mélenchon auront-ils réussi à en attirer quelques-uns à leurs casaques : le Lider Maximo des Insoumis tente ainsi, dans cette dernière ligne droite, de cacher sa personnalité derrière son programme, ce qui n’est pas habituel dans un scrutin de ce type. Réussira-t-il à rallier à lui seul ces électeurs de gauche qui hésitent à faire le grand saut et à voter pour un homme qui leur promet de changer de monde ? À trois jours du scrutin, Jean-Luc Mélenchon est persuadé qu’il peut créer la surprise et créer autour de lui les conditions d’un « vote efficace », à défaut d’être utile. Ce qui, à ce stade de l’exposé, nous permet de rappeler qu’aucun vote ne l’est, et qu’est surtout inutile celui qui choisit de rester dans son canapé en étant persuadé que « tout ça ne changera rien ». Ceux-là, en effet, n’ont pas à se lever : ils vivent déjà couchés. 

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