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Au cœur de la nappe de Beauce

Au cœur de la nappe de Beauce

La Beauce possède la plus vaste nappe d’eau phréatique de France, qui alimente à elle seule en eau potable un immense territoire, dont celui de la métropole d’Orléans. C’est au cœur de ses roches calcaires qu’un observatoire a été créé à Villamblain (Loiret) sous forme d’un puits géant de 20 mètres de profondeur et de 4 mètres de large. Les scientifiques vont y recueillir des milliers de données pour protéger cette ressource vitale qu'est l'eau.
Laurence Boléat
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Le complexe aquifère des Calcaires de Beauce s’étend sur 9 000 km², et c’est à Villamblain, dans le Loiret, qu’un ouvrage unique en son genre vient d’être inauguré. L’idée des scientifiques, portée par Mohamed Azaroual, directeur adjoint de l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans (ITSO), est de suivre l’eau qui tombe du ciel, s’infiltre dans la terre et trace un parcours jusqu’au sommet de la nappe phréatique, définie comme « l’endroit où tous les interstices du sous-sol sont totalement occupés par l’eau ». Les nappes phréatiques sont en réalité peu profondes, raison pour laquelle elles sont largement exploitées par l’Homme pour sa consommation quotidienne, et donc fortement sensibles à toutes activité humaine. 

Passé les premiers mètres de terre ou d’argile, facilement observables pour les scientifiques, il existe en effet une zone dite non saturée, au-dessus des nappes, qui est en réalité peu connue. Il est extrêmement difficile de savoir ce qu’il s’y passe avec précision : les flux sont-ils rapides ou lents, vont-ils emprunter des chemins latéraux, se bloquer dans des niches… ? Dans l’absolu, cela peut paraître étrange de vouloir connaître le parcours de l’eau qui de toute façon finira… dans la nappe. Mais dans cette région agricole longtemps saturée de contaminants tels que les nitrates et les pesticides pour engraisser les terrains et traiter les parasites, l’eau charrie avec elle tous les polluants jusqu’à la nappe. L’enjeu est donc de suivre son parcours, et par conséquent les polluants, à toutes les étapes
du processus. 

Une nappe… très polluée

Le site des calcaires de Beauce n’est bien évidemment pas choisi par hasard : de par l’intense pratique agricole qui a lieu au-dessus d’elle, la nappe de Beauce est en effet l’une des plus polluées de France. Les agriculteurs ont certes fait des efforts considérables pour limiter l’emploi de substances, mais plusieurs d’entre elles, bien qu’arrêtées depuis des années, persistent encore dans les nappes, tandis que d’autres, comme les perturbateurs endocriniens, émergent… 

Outre la transformation de ces substances qui se modifient en fonction des gaz et des minéraux, des racines et des microorganismes rencontrés, l’enjeu est aussi, pour les scientifiques, de connaître les temps de parcours de l’eau, qui varient de façon très complexe. Certains flux sont très lents, quand d’autres sont beaucoup plus rapides, variant de quelques heures, notamment en cas de forts orages, à quelques mois. Le puits d’observation de 20 mètres de profondeur creusé à Villamblain s’arrête juste au niveau de la surface de la nappe. Différents capteurs sont mis en place tout le long, pour mesurer plusieurs données. D’abord des fibres optiques, installées dans des forages inclinés creusés à partir du puits, qui transpercent la roche entre horizontalité et verticalité. Ensuite un gravimètre, qui va mesurer l’accélération de la pesanteur grâce aux variations des masses entre chaque profondeur. Par exemple : 500 tonnes d’eau au point A, puis 250 tonnes au point B. Où est passé la différence, où a-t-elle migré, quel chemin a-t-elle emprunté ? Enfin, des radars vont suivre ses mouvements. Autres analyses attendues : mieux connaître l’effet de chaque espèce de plantes sur le comportement de l’eau, afin de s’adapter au changement climatique et aux futures sécheresses, car entre septembre et mars, la nappe se recharge, mais ensuite l’eau est absorbée par les cultures, plus ou moins avides selon les plantations. 

Optimiser la transition

Pour les ingénieurs, il s’agira ensuite de compiler un maximum de données afin de les modéliser et de produire des « jumeaux numériques », afin de prévenir dans des configurations identiques les polluants qui devront disparaître du circuit, ceux qui sont susceptibles de s’auto-détruire et, pour les nouveaux venus sur le marché, surveiller leur comportement et leur résistance. À terme, l’objectif est de soulager la nappe phréatique, réussir la transition écologique et proposer une agriculture durable.

Sur l’ouvrage en lui-même, une attention extrême a été portée pour que sa construction n’impacte pas l’environnement. Pas de béton, et quasiment pas de ciment. L’armature du puits est conçue en pierre maçonnée de comblanchien (pierre calcaire très proche des sols actuels) pour ne pas interférer avec le milieu. Les matériaux annexes, rambardes et niveaux, ne comportent pas de plastique et presque pas de métal, afin ne pas brouiller les appareils de mesure. Un véritable défi technique pour tous les ingénieurs et chercheurs qui ont conçu l’ouvrage, construit par le groupe Bouygues. Ce projet a mobilisé des géochimistes, des biologistes, des géophysiciens et des géologues, tous convaincus du bien-fondé de leurs actions.

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