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« J’assume ma part de responsabilité »

« J’assume ma part de responsabilité »

Après avoir entériné l’annulation du projet de téléphérique, Christophe Chaillou doit désormais écoper sur les dépassements de CO’Met. Expliquant, comme d’autres anciens vice-présidents, n’avoir « pas été assez curieux » pour renifler les failles de ce dossier, le nouveau président de la Métropole ne jette la pierre à personne. Pondéré, il tente aussi de contextualiser le mécontentement qui gronde au sujet des transports urbains…
Propos recueillis par Benjamin Vasset
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La Métropole est-elle en si mauvaise situation financière que le dernier conseil métropolitain a semblé le dire ?

La situation actuelle est pleine d’incertitudes. Nos ressources ont été fragilisées par la Covid, il y a moins d’usagers dans les transports urbains, nos recettes fiscales ont diminué. Nous pensions que l’État compenserait à 100 % ; il le fera finalement à hauteur de 60%. La Métropole n’est pas dans une mauvaise situation financière ; elle est dans une situation très tendue, qui nous oblige dès maintenant à procéder à des arbitrages. Le budget 2021 sera un budget de transition. Le premier « vrai » budget de ce mandat sera pour 2022. 

Comprenez-vous que le monde économique ait perçu les premières annonces de ce mandat comme un mauvais signal ?

Ne soyons pas seulement dans le temps de l’émotion. Pendant le confinement, la Métropole a été là, et elle le sera encore. Nous sommes déjà engagés sur des chantiers ; nous allons confirmer notre soutien à l’Université et aux grandes écoles. Mais c’est vrai qu’un certain nombre de dossiers vont être réexaminés. 

Sur Interives, notamment…

En termes de fonctionnement, le téléphérique aurait été très coûteux pour la Métropole : autour de 800 000 € par an. C’était une charge très lourde. Deux partenaires s’étaient déjà désengagés du dossier, et cela n’avait aucun lien avec cet équipement. D’autre part, il y avait beaucoup d’interrogations sur ce projet, qui ne faisait pas consensus. Maintenant, il faut le repenser. 

« Sur co’met, nous n’avons pas été assez curieux, et la responsabilité est collective »

Qu’est-ce qui va remplacer le téléphérique prévu ?

Il n’y aura pas de passerelle : c’est impossible techniquement et financièrement. Donc, nous allons contourner, en utilisant les voies qui existent aujourd’hui. Il y aura sans doute un dispositif transitoire avant d’autres, plus pérennes, qui se mettront en place. De toute façon, nous devons restructurer le réseau de transports urbains de la Métropole. À plus long terme, la prolongation de certaines lignes structurantes – voire de tram – vers le nord, c’est-à-dire Fleury, Saran et Oréliance, va être envisagée. 

Beaucoup de gens se disent : si la Métropole est dans une situation si chaotique, pourquoi n’ont-ils rien dit, rien fait avant, alors que la majorité des vice-présidents actuels était déjà en place ?

Sous la mandature précédente, jamais nous n’avions imaginé qu’une épidémie mondiale nous amènerait à mettre 10 M€ en plus sur les transports urbains ou que le manque à gagner de la Cotisation Foncière des Entreprises se chiffrerait à 6-7 M€. 17 M€ sur un budget de fonctionnement, c’est énorme ! Et puis, sur un certain nombre de projets, comme CO’Met, nous n’avions pas l’ensemble des éléments financiers. J’assume ma part de responsabilité : sans doute, à un certain moment, n’avons-nous pas posé assez de questions. Il y a quelques mois, le surcoût de CO’Met n’était pas une donnée évidente pour beaucoup d’élus. Nous n’en mesurions pas l’ampleur. Et c’est d’ailleurs pour cela que nous avons fait faire un audit interne.

Que dit cet audit ?

Que nous serons au-dessus des 140 M€. Il y a l’équipement en lui-même – en gros, les travaux –, mais CO’Met ne peut fonctionner que s’il y a un parking, des voiries, un parvis. Or les chiffres de ces éléments-là – en tout cas les crédits – n’étaient pas budgétés. 

Comment est-ce possible ?

Sans doute ceux qui portaient le projet se sont concentrés sur la structure elle-même, sans peut-être accorder d’urgence immédiate à l’aspect des parkings, notamment. Aujourd’hui, notre responsabilité, à la Métropole, c’est donc de dire : nous prenons en compte l’ensemble des coûts liés au projet. Il avait également été acté que la grande salle allait passer de 8 000 à 10 000 places, mais uniquement pour des activités sportives. Nous souhaitons désormais aller vers la polyvalence, pour créer un équipement qui accueille de grandes manifestations qui ne soient pas seulement sportives. Cela va entraîner des contraintes supplémentaires d’aménagement, de sécurité, etc. et donc un surcoût. 

Est-ce que CO’Met sera mal né ?

CO’Met, c’est un pari. Nous affirmons notre ambition d’être une métropole qui va se positionner pour accueillir de très grands événements. Alors dire ça aujourd’hui, dans un contexte où on ne peut pas réunir des gens, ça peut paraître un peu surréaliste, mais nous allons sortir de cette période.  

Si, comme vous le dites, les vice-présidents de l’ancienne mandature n’ont pas été mis au courant de la situation autour de CO’Met, à qui en revient la faute ? À Olivier Carré, l’ancien président de la Métropole ? À Philippe Pezet, l’élu qui avait en charge le projet ? Qui donc aurait dissimulé des éléments d’information ? 

Je ne pense pas qu’il y ait eu une volonté de dissimuler. Je le redis : à un moment donné, ceux qui portaient le projet étaient concentrés sur la structure elle-même. Et puis, nous sommes aussi rentrés dans une période électorale, et ce sont rarement des moments où l’on est objectif… 

Là, vous faites preuve de diplomatie…

Non, mais à un moment donné, il faut qu’on puisse avancer. Je le redis : nous ne disposions pas de tous les chiffres. Et moi, en tant que vice-président, je n’ai sans doute pas été assez curieux. 

Michel Martin, lui, n’était donc pas au courant de cette situation ? Il était vice-président aux Finances, il était là au début du projet… Et il n’aurait jamais alerté qui que ce soit, Olivier Carré ou d’autres maires ?

Demandez-lui, je ne suis pas son porte-parole. 

Mais vous-même, vous n’avez jamais eu de discussion avec lui ?

À quel titre aurais-je évoqué CO’Met avec Michel Martin ? Entre lui et moi, les sujets de nos discussions n’étaient pas, avant tout, sur ce dossier. Et collectivement, ce n’était pas un sujet qui est venu en débat. Oui, il y a eu des avenants qui ont été validés, notamment celui qui permettait d’aller d’une salle de 8 000 à 10 000 places. Le principe avait été acté, mais sans doute n’avons-nous pas été suffisamment curieux pour connaître les conséquences de cet arbitrage, qui consistait en gros, pour que ça rentre dans l’enveloppe initiale, de retirer à l’époque certaines prestations qui, de toute façon, étaient des prestations indispensables, comme le parvis.

Donc, CO’Met sera une salle polyvalente…

Oui, la grande salle de 10 000 places pourra accueillir des grands concerts, des stars nationales ou internationales, et de très grands événements. Pour que CO’Met soit le plus rentable – ou en tout cas le moins déficitaire possible – il fallait aller dans cette voie-là. Une salle uniquement sportive n’offre pas ces éléments de valorisation. Par exemple un naming, même si la question n’est pas tranchée, est plus facile à obtenir si CO’Met est une salle polyvalente. Attention, cependant : ce ne sera pas une salle des fêtes, car 140 millions pour une salle des fêtes, ce serait un peu cher… Nous restons sur une salle de manifestations de grande qualité. J’insiste enfin sur un point : CO’Met, ce n’est pas que la grande salle. Le Zénith s’inscrit par exemple dans cet ensemble, et devra continuer à accueillir des événements sur la jauge qui est la sienne. 

Il ne va donc pas faire doublon ?

Non, il n’y aura pas de concurrence. Cela permettra juste de répartir différemment en fonction des prestations. 

Quelle est votre vision pour le territoire métropolitain, sur les six ans à venir ?

Je veux qu’on puisse bâtir une métropole à dimension humaine. J’entends qu’on puisse penser que l’on doive absolument faire des projets énormes, mais la Métropole, dans le contexte qui est le nôtre, doit d’abord permettre de fonctionner au service des habitants en termes de qualité de vie, de qualité du service public, d’aménagement du territoire et de transition. Évidemment, il faut développer notre attractivité économique, mais mon premier objectif, c’est de bâtir une Métropole inclusive dans laquelle les uns et les autres se retrouvent. 

Sur les transports, qu’allez-vous décider ? Les socialistes orléanais ont défendu une gratuité pour les moins de 26 ans, Serge Grouard était lui favorable à une tarification qui évolue en fonction du quotient familial…

Déjà, je n’ai, pour ma part, jamais été favorable à une gratuité totale, qui aurait un coût : un peu plus de 20 M€. Dans le contexte qui est le nôtre, la mettre en place ne serait pas responsable. Je pense pour ma part que les systèmes où l’on prend en compte les revenus sont les plus justes. Je ne vois pas pourquoi une collectivité paierait pour des gens qui ont largement la capacité de payer leur abonnement ou leur ticket de bus. Ce débat, nous l’aurons quand s’approchera la fin de la Délégation de Service Public qui nous lie à Keolis. 

Lors du dernier conseil métropolitain, Dominique Tripet (PC) a fait part de sa colère sur le service rendu par Keolis. Elle a demandé un audit. Allez-vous la suivre ?

Il y a eu effectivement un certain nombre d’incidents anormaux ces derniers temps. Maintenant, sur la semaine dernière, en comparaison des 16 000 courses que doit contractuellement Keolis, 230 ont été supprimées, soit 1,4% de défaillance. Et dans ces faits évoqués, la moitié des courses annulées sont liées à un incident exceptionnel isolé. Néanmoins, il y a des soucis. Keolis dit qu’elle a du mal à se remettre de la Covid et à recruter. 

Peut-être que ces métiers ne sont pas assez attractifs, notamment au niveau du salaire…

Il y a les contraintes du métier, et peut-être, aussi, les questions salariales. Le matériel est également vieillissant. Cependant, je l’ai dit au directeur de Keolis : cette situation n’est pas acceptable sur le long terme. Il faut réagir. Mais vous savez, l’audit est permanent. Si Keolis ne respecte pas ses engagements contractuels, elle est pénalisée. Avec tous les retards de cette année, nous recevrons déjà plus de 800 000 € de pénalités. 

Êtes-vous favorable, comme Matthieu Schlesinger l’a exprimé, à une régie publique des Transports ?

(Surpris)… Lorsque nous avons renégocié la délégation avec Keolis, je ne l’ai pas entendu faire cette proposition… Moi, je me méfie des grandes idées qui sont lancées sans que derrière, on ait vu ce que ça représente. Ce qui compte, ce n’est pas le statut, mais l’efficacité. J’ai le sentiment que la délégation est un système qu’il faut sans doute garder. Mais là aussi, il faudra qu’il y ait un débat.

Dans les années à venir, la Métropole se dotera-t-elle de bus à hydrogène ?

Trente premiers bus électriques vont arriver avant l’été, mais les autres ne sont pas financés. Je pense qu’on peut travailler sur une solution un peu mixte, en maintenant encore des bus thermiques, en faisant un effort sur l’électrique et en imaginant d’autres solutions type hydrogène. 

Donc, on aura des bus électriques d’ici l’été et après, on arrête ?

Ce n’est pas ce que je dis : aujourd’hui, nous réfléchissons sur la façon dont nous faisons évoluer nos bus, car nous en avons 130 à changer d’ici la fin du mandat car nous avons fait, lors des anciens mandats, un effort plus important sur le tram. Nous allons continuer à acheter des bus électriques, mais nous ne passerons pas l’ensemble du parc en électrique.

Allez-vous étudier une troisième ligne de tram, comme Serge Grouard l’a évoqué durant sa campagne ?

Ce n’est pas lié à Serge Grouard : le principe d’une étude de prolongement vers le nord est acté dans le projet métropolitain et dans l’ensemble des documents d’urbanisme.

Serge Grouard a expliqué que tout se passait bien, pour le moment, dans l’exécutif métropolitain. Vous confirmez ?

Oui. C’est une configuration nouvelle, qui peut certes surprendre, mais lui et moi, on se connaît bien. Je ne vais pas rappeler ce qui a pu nous opposer par le passé, mais je pense que nous avons passé un stade – peut-être avec l’âge – où l’on n’est pas dans une compétition d’ego. Nous souhaitons tous les deux que ça fonctionne. Il faut avancer, essayer de dépassionner au maximum les sujets en trouvant des consensus, des compromis.

Un président délégué, comme l’est Serge Grouard, c’est quoi ?

C’est un moyen de reconnaître que le maire d’Orléans a sans doute un rôle particulier dans la Métropole. Parce que je vous rappelle que, pour la première fois dans l’histoire, la ville centre n’a pas la présidence de l’intercommunalité orléanaise.

Mais si vous êtes en désaccord sur un point, qui tranche ? Vous ?

Sur des sujets qui pourraient nous différencier, il faudra d’abord rechercher les moyens de trouver des convergences et des compromis. Mais ce ne sera pas une décision à deux ; elle sera partagée avec l’exécutif.

Donc, Serge Grouard n’est pas une sorte de « co-président » de la Métropole ?

Non. De la même façon, je ne déciderai pas de tout. Nous sommes passés dans une phase différente, et en disant cela, je ne critique pas les fonctionnements antérieurs.

Et ce fonctionnement va, selon vous, pouvoir tenir sans heurts jusqu’en 2026 ?

C’est mon vœu, car c’est dans l’intérêt de la Métropole et des communes. Nous souhaitons, les uns et les autres, que ça avance.

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