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Macron et les retraités : pourquoi ça matche

Macron et les retraités : pourquoi ça matche

D’après le sondage Jour de vote Elabe réalisé le 10 avril 2022, 39 % des retraités et 40 % des plus de 65 ans ont voté Emmanuel Macron lors du premier tour de l’élection présidentielle. Mais pourquoi les seniors ont-ils misé sur celui qui demeure le plus jeune chef d’État jamais élu depuis la création de la République, et qui était encore, cette année, le benjamin des candidats ?
Laurence Boléat
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Étrange et double paradoxe : les seniors ont adopté un Président qui, sans lui faire offense, demeure par nature celui qui possède le moins d’expérience liée à l’âge. En outre, Emmanuel Macron, puisque c’est de lui dont il s’agit, n’avait jamais connu de parcours électif avant 2017 : il n’a donc jamais su ce que l’était la vie d’un élu local et de terrain, où chaque voix s’arrache à grand renfort de coups de sonnette et de tractage sur les marchés, à entendre les doléances de ces « petits vieux » venus faire leurs emplettes. 

Le facteur guerre

Mais voilà : en avril dernier, le Président sortant a fait un « carton » chez les seniors. Pourquoi ces derniers se sont-ils massivement tournés vers le chef de l’État ? La réponse se trouve peut-être dans la sidération de l’Europe face au désir d’impérialisme de Vladimir Poutine violemment exprimée depuis le 24 février dernier. Alors certes, le pouvoir d’achat a été le principal sujet du choix des électeurs dans leur ensemble, loin devant la sécurité, la santé, les retraites et l’immigration. Mais si l’électorat d’Emmanuel Macron s’est également déterminé sur ce thème, c’est ensuite la guerre en Ukraine et la place de la France dans le monde qui ont prédominé dans leur choix. Ce qui explique probablement la réflexion de Jacques*, 87 ans, électeur de Macron dans le Loiret : « Ce n’est que rarement le programme qui oriente mon vote, mais ce que j’estime de la capacité à gouverner dans le calme et la tempête, assène cet ancien capitaine de vaisseau et ex-commandant de sous-marins nucléaires. Bref, je vote pour un bon commandant ! » La stratégie du Président de ne pas faire campagne pour cause d’emploi du temps surchargé et de conflit en Ukraine a sans doute bien fonctionné : il a en tout cas convaincu environ 11 % de seniors de plus que par rapport à 2017. Emmanuel Macron a ainsi su donner l’image d’un responsable sérieux et préoccupé, mais il y a sans doute une autre dimension, plus psychologique et forcément corrélée à l’âge, dans le choix des anciens : la peur du changement en général, et en particulier dans des moments de crise intense qui rappellent forcément les déchirements de la Seconde Guerre mondiale aux plus âgés l’ayant vécu dans leur chair ou dans celle de leurs parents. Il est d’ailleurs intéressant de constater que Jean-Luc Mélenchon, 70 ans, le candidat à la fois le plus expérimenté de cette campagne, mais celui qui a aussi promis la fin de la Ve République, a attiré massivement les 18-24 ans (36 %), les 25-34 ans (33 %), et seulement… 12 % des plus de 65 ans, soit le chiffre le plus bas des principaux candidats. 

Les Gilets jaunes, le Covid…

Dans cette adhésion des seniors au renouvellement d’un Président qui a soigneusement travaillé son image de gendre idéal rentre également en compte sa gestion de la crise des Gilets jaunes. Alors que beaucoup considèrent qu’Emmanuel Macron a provoqué ou fait gonfler le mouvement par des méthodes jupitériennes et l’absence de dialogue avec les corps intermédiaires, d’autres n’ont également toujours pas digéré, ni compris – en particulier les commerçants des grands centre-villes – le « laxisme » de l’État face aux casseurs lors des manifestations. Pour autant, du côté des retraités, on juge majoritairement que le Président a fait le boulot lors de cette grave crise. C’est le cas de Patrice, 65 ans, tout juste retiré de l’horticulture depuis janvier 2022 : « Macron a su gérer la crise des Gilets jaunes, dit-il. Je pense qu’il a pris la bonne hauteur à ce moment-là, en menant à bien la sortie du conflit. » Là encore, les cahiers de doléance mis à disposition dans les mairies – et majoritairement noircis par les aînés – puis les réunions médiatisées du Président parlant directement aux gens du peuple de France, pourtant sélectionnés pour leur discipline, ont marqué les esprits. 

Puis est arrivée la crise du Covid-19. Face à la stupeur angoissée des populations et la confusion des dirigeants, Emmanuel Macron a choisi de protéger en priorité les personnes âgées et les populations à risques. En échelonnant le calendrier des vaccinations qui donnait la priorité au troisième âge, le Président pourrait bien avoir touché à ce moment-là, sans le vouloir, son cœur de cible. « Il a été beaucoup critiqué, mais est-ce de sa faute s’il n’y avait pas de masque au début de la pandémie ? s’énerve d’ailleurs Michel*, 74 ans, retraité loirétain des assurances. Et s’il n’avait pas appliqué cette politique de vaccination, combien y aurait-il eu de morts ? Même si certains pensent qu’il n’a rien dans le froc (sic), il a quand même des qualités et, de toute façon, qui d’autre pour le remplacer ? » 

À la boomer !

En 2017, Emmanuel Macron incarnait le renouveau. Son personnage lisse semblait garantir une certaine virginité morale, et son mariage avec une femme de 25 ans son aînée rassurait. L’image tranchait nettement avec les us et coutumes et faisait – déjà – le bonheur des boomeuses et des boomers. Cinq ans plus tard, le Président a gagné ses galons de guerrier et conquis un peu plus d’admirateurs au bal de la politique. Pourtant, ce n’est pas le choix qui manquait, une fois de plus, dans cette élection présidentielle déboussolée, où 33 % des électeurs se sont décidés dans les tout derniers jours…

* Toutes les personnes citées ont voté Emmanuel Macron aux deux tours de la présidentielle. Les prénoms ont été modifiés.

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