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Non-droit

Non-droit

Benjamin Vasset
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C’est un bistrot de village près d’Orléans, comme il en existe tant. C’est ici qu’ils se sont toujours retrouvés, les uns à l’heure du café, avant d’embaucher, les autres pour l’apéro du soir, avant de rentrer. Au fond du bastringue, une cible pour planter des fléchettes. En grand, au milieu, un écran de télé allumé du matin au soir. Ici, on y a toujours causé des dernières nouvelles du coin, ça rigole fort, ça fait du bien de s’y retrouver. C’est à peine si le patron, derrière le bar, demande ce que vous voulez boire : depuis quinze ans que vous venez, il a eu le temps de savoir.

En décembre dernier, Jean Castex a ordonné un nouveau tour de vis pour les troquets comme celui-là. Prière de ne pas consommer debout, contrôle du pass sanitaire, port du masque s’il vous plaît quand vous vous rendez aux toilettes. Mais il faut croire que ce bistrot-là vit sous le régime d’exception, car absolument rien de tout cela n’y est respecté. Le dimanche matin, jour de grande affluence, les gars continuent de s’entasser, debout, au zinc, pour y écluser leur gorgeon. Le masque, lui, est au fond de la poche, entre les mouchoirs et le paquet de clopes. Ici, rien ou presque n’a changé depuis mai 2020. Chaque week-end, d’ailleurs, un pauvre gars vient s’y exploser la tête en y descendant sa vingtaine de bières quotidienne sans qu’on lui demande son reste. Tout le monde le voit se tuer à petit feu, mais ça fait partie de la vie, il fait bien ce qu’il veut, pourvu qu’il ne nous emmerde pas. Qu’ils ne nous emmerdent pas : ce pourrait bien être la devise de ce bar-là, qui vit à l’écart des règles de la République comme il se fout des conséquences de servir et de resservir des types qui reprennent leur volant en ne marchant pas droit. D’ailleurs, à sa manière, ce bistrot est une petite zone de non-droit : alors oui, on n’y deale pas de shit et on n’y caillasse pas de flics comme dans ces banlieues pointées du doigt, mais chut, silence, mettons le couvercle sur ce joli coin de France. Patron, remets-nous ça ! 

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