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Les « voyageurs » mieux traités ?

Les « voyageurs » mieux traités ?

Au printemps prochain, Orléans Métropole ouvrira une aire de grand passage pour les gens du voyage. Mais alors que les aires d’accueil classiques ont tendance à se vider, les collectivités accompagnent désormais à la sédentarisation de cette population dans des logements adaptés.
Gaëla Messerli
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Au printemps prochain, une aire de « grands passages modulables » ouvrira normalement à Saint-Cyr-en-Val. « Elle pourra accueillir jusqu’à 200 caravanes et sera conçue en trois parties : deux de 50 et une de 100 places », annonce Philippe Beaumont, maire de Marigny-les-Usages et conseiller métropolitain délégué à la gestion des aires d’accueil. Cette aire ne devrait cependant pas être ouverte toute l’année, car le terrain est peu praticable l’hiver. Mais sur un territoire proche de la Sologne, elle sera surtout fermée pendant la période de chasse.

Cohabitation compliquée

L’accueil des gens du voyage est un sujet qui ne laisse pas insensible les maires de la métropole orléanaise, comme ceux du reste de la France. Il y a ceux qui veulent être dans les clous de la loi mais ne veulent pas froisser leurs administrés, ceux qui ont choisi de pacifier la situation et ceux qui ont opté pour la bataille juridique face à des installations sauvages ou légales. En effet, dans la Métropole et dans le Loiret, faute de budget plus important, les voyageurs ont parfois acheté des terrains agricoles non-constructibles pour y installer leurs caravanes et passer l’hiver. Pour Tony, un voyageur installé dans l’est du Loiret, acquérir un bout de terrain n’est jamais simple : « ceux que l’on achète sont souvent des terres agricoles éloignées, car sinon, elles sont trop chères. Après, si le maire n’est pas d’accord, impossible d’installer un compteur EDF… » Pour l’eau et l’électricité, « il faut batailler parfois dix ans, souligne Tony. Tout dépend du maire ! » Pour de jeunes voyageurs de l’aire de La Source, « dans certaines communes, la mairie préempte pour empêcher les voyageurs d’acheter. C’est du racisme ! » Ces installations créent parfois des frictions avec les édiles et le voisinage. « ‘ »Ils » tirent même sur les cygnes ! », explique en off un élu, qui dit constater des « enfants dans la rue à 23h » et d’autres « conduisant la voiture des parents à 16 ans ! » Le diacre Jean-Marie Froissard, délégué diocésain à la pastorale des gens du voyage (80 % des communautés des gens du voyage sont évangélistes, ndlr), s’énerve de ces remarques : « en France, on est le seul pays à appeler ces personnes « gens du voyage »… Mais des « salopards », il y en a dans toutes les communautés, chez les sédentaires aussi ! Personnellement, j’ai découvert chez ces personnes un sens très fort de la solidarité et de la famille. Dans les difficultés, tout le monde se cotise. Ils bossent, sont qualifiés dans des métiers comme les espaces verts, le bâtiment ou sont commerçants. Certains travaillent sur les marchés et, avec la fermeture des commerces non-essentiels, sont privés de ce revenu, même s’ils vivent avec très peu. Avec le contexte actuel, ils connaissent de vraies difficultés. »

Retard et évolution

Passée cette remise en place, Tony, notre voyageur de l’est du département, rappelle que l’emplacement des aires d’accueil classiques est loin d’être idéal dans de nombreux cas : « pour beaucoup, il s’agit d’un terrain dont personne ne veut, à côté d’une usine ou de la décharge, loin des écoles et des bourgs. » Dans un livre publié mi-avril, le juriste William Acker, estimait d’ailleurs que sur les 1 358 aires d’accueil répertoriées en France destinées aux personnes vivant dans une habitation mobile, 51 % étaient polluées et exposaient leurs résidents à de lourdes nuisances environnementales et industrielles. Dans l’Orléanais, même si la situation n’est pas similaire ou catastrophique, la Métropole a encore du pain sur la planche pour être aux normes en termes d’accueil des gens du voyage, ce que reconnaît Philippe Beaumont. « Le schéma départemental doit être revu, annonce-t-il. Avant de se lancer, on attend donc de voir exactement ce qui est demandé au niveau des normes. Si l’on veut rénover l’aire d’accueil de Chécy, qui est prioritaire aujourd’hui, cela implique de la diminuer de moitié. Il faut donc trouver des terrains… Tout est lié. » Parmi les travaux à prévoir, la Métropole « envisage d’inscrire deux fois 500 000 € pour la réfection des aires d’accueil de Chécy et faire un bout de celle de La Source. Nous allons regarder ce qui rentre dans le cadre du Plan de relance. »

Accompagner la sédentarisation

Les élus métropolitains doivent également composer avec une évolution du mode de vie des gens du voyage : « nous avons 113 emplacements dans la Métropole, dont 60 à La Source, qui sont aujourd’hui occupés à 70 %. En 2020, nous sommes même tombés à 50 %, constate Jean-Pierre Peron, qui gère le service d’accueil des gens du voyage de la Métropole. Les aires se vident : c’est une tendance depuis plus de sept ans. Il y a un aspect financier, car les emplacements génèrent des frais à payer, dans un contexte où les voyageurs ont moins de revenus. » Il existe également une « liste noire » des familles interdites d’aires, celles qui ont des dettes. « Avec l’association des gens du voyage, nous avons réussi à faire revenir ceux qui avaient des dettes de moins de 100 € », explique toutefois Jean-Pierre Peron.

La tendance est donc à la sédentarisation ,et d’ici fin 2021, cinq familles devraient ainsi s’installer, route d’Ardon, dans quatre T4 et un T3 à Olivet, financés par des prêts locatifs aidés d’intégration. Ce programme, bâti par La Ruche Habitat et géré par le bailleur France Loire, est destiné à des voyageurs souhaitant se sédentariser, sur condition de ressources. Derrière l’étiquette « logement adapté », il y a « une construction réfléchie avec les personnes qui vont l’habiter, expliquent Anne-Laure Clément-Ruda, directrice relation clients à France Loire et Alain Montagu, directeur général de La Ruche Habitat. Il y aura des auvents permettant d’accueillir deux caravanes, car l’on sait que les personnes ne deviennent pas forcément totalement sédentaires. Cela leur permettra aussi d’accueillir leur famille de passage. » Pour Mathieu Schlesinger, maire d’Olivet, dont la commune a cédé le terrain pour un euro symbolique au bailleur, « il ne s’agit pas de gens du voyage, mais de familles olivetaines qui ont leurs enfants scolarisés dans la commune. À l’origine, six familles étaient installées sur une zone naturelle agricole. Cinq ont accepté le projet de les accompagner dans leur sédentarisation. Nous avons racheté leur terrain et abandonné les charges contre elles. Il s’agit donc d’un lotissement olivetain comme les autres. » Cette solution de logements adaptés intéresse en tout cas les élus, car elle leur permet d’avoir une proposition d’accueil sur leur commune, et leur évite la création d’une aire. « Mais ce n’est pas la panacée », estime Thierry Cousin, maire de Saint-Prvyé, l’une des premières communes à avoir accueilli des logements de ce type. « Ce ne sont pas des logements transitoires, car ce sont les mêmes familles qui y habitent depuis le début, et il y a régulièrement des caravanes, alors qu’il ne devrait pas y en avoir… », indique l’élu pryvatain, qui constate régulièrement des troubles et estime que l’accès au logement devrait être soumis à plus de conditions. 

Parmi les autres solutions préconisées au niveau de la Métropole, il y a aussi la réalisation de terrains familiaux. « C’est ce que nous envisageons d’expérimenter au niveau d’Ingré, dont l’aire est fermée, explique Philippe Beaumont, conseiller métropolitain en charge du dossier. Il y a des familles qui « tournent » autour de la métropole et pourraient être intéressées. Avec les autres maires, il faut également réfléchir à l’identification de terrains de moyens passages », qui sont des zones de tolérance pour des passages limitées dans le temps. À Ingré, le maire, Christian Dumas, n’est pas contre, mais dit souhaiter « être en conformité avec la loi. Il faut que le projet corresponde aux aspirations des voyageurs et qu’il soit porté par un bailleur social. » 

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