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Le boom des chantiers participatifs

Le boom des chantiers participatifs

Construire soi-même sa maison est l’idée immobilière qui progresse. Confrontés à la hausse du foncier et de l’énergie, dotés d’une solide conscience écologique, les jeunes générations sont de plus en plus nombreuses à accéder à la propriété autrement. Les chantiers participatifs fleurissent partout en France, à l’instar du projet de Léa et Aymeric, sereins propriétaires à Châteauneuf-sur-Loire.
Laurence Boléat
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Le temps de l’auto-construction, où il ne fallait compter que sur son courage et la bonne volonté de son entourage, s’éloigne. Il existe en effet aujourd’hui d’autres moyens de bâtir la maison de ses rêves, sans se planter sur les fondamentaux, ni s’épuiser toute une vie. Et ce n’est pas l’imagination qui manque pour concrétiser des projets qui défient le dieu béton… 

Aymeric Prigent, 35 ans, a découvert cette tendance chez Approche Paille, une association orléanaise qui œuvre pour la promotion de l’auto-construction de bâtiments en paille. D’abord sympathisant et adhérent, il y devint ensuite accompagnateur et formateur salarié pendant six ans. Puis en 2016, il s’intéressa au réseau Twiza, dont l’ADN est de sensibiliser le maximum de personnes à l’entraide et au partage sur des chantiers participatifs où l’écologie est à l’honneur. L’idée est belle et galope aujourd’hui sur tous les terrains : Il s’agit de mettre en relation des accueillants (ceux qui se lancent) avec des participants (ceux qui veulent aider, apprendre et partager) et des professionnels (au nombre grandissant), qui conseillent et accompagnent. Les adhérents sont couverts par l’assurance de l’association en cas d’accident, et sont juridiquement protégés pour éviter la menace de « travail dissimulé ». 

Construire soi-même, avec les autres…

Le principe des chantiers participatifs est simple. Les participants se rendent chez les accueillants, sans qu’aucune notion de subordination, de profit, ni de rémunération n’intervienne. L’accueillant organise seulement les repas et le couchage quand il le peut. « La motivation des participants est multiple », explique Aymeric, ingénieur industriel de formation, reconverti à son compte dans l’assistanat à maîtrise d’ouvrages : « Certains ont envie de filer un coup de main où aiment travailler de leurs mains comme ils iraient à la pêche, indique-t-il. Beaucoup ont un projet et veulent voir comment ça se passe. » 

De fait, les participants viennent apprendre des techniques telles que couler du mortier, découper du bois ou monter des ballots de paille, mais se renseignent aussi sur l’aspect organisationnel : par quel bout prendre les opérations, comment effectuer les démarches administratives, comment se financer, comment la famille peut aider… « Des trucs très concrets, en fait », ajoute le jeune entrepreneur. Ce qui n’empêche nullement de passer par des formations pour les aspects les plus complexes ou de faire appel à un pro du réseau, rémunéré pour son accompagnement. À Orléans, trouver des participants est chose aisée. Tout simplement parce qu’en région parisienne, il y a peu de chantiers participatifs, et que beaucoup viennent donc s’instruire dans le Loiret. Quelles sont d’ailleurs les motivations des candidats à l’autoconstruction ? La première d’entre elles est d’ordre financier, bien sûr. « Depuis qu’il existe des statistiques, soit depuis Napoléon, le pouvoir d’achat immobilier qui a cours aujourd’hui est le plus faible de l’histoire, affirme Aymeric. Le ratio entre les salaires et prix de l’immobilier n’a jamais été aussi élevé, alors que nous avons vécu deux guerres mondiales et traversé bien des crises… » En conséquence, beaucoup d’adhérents ne voient que cette possibilité pour devenir propriétaire d’une maison de qualité, respectueuse de l’environnement et peu consommatrice en énergie. Face aux terrains qui ne cessent d’augmenter, la seule variable d’ajustement se situe dans la main-d’œuvre des travaux, même s’il n’est pas toujours possible d’échapper à tous les corps de métier : ainsi, pour sa maison de Châteauneuf, le couple a fait appel à un terrassier pour creuser la cave et a déboursé une journée de maçonnerie pour la chape. Pour les enduits intérieurs en terre, dont Aymeric ne maîtrisait pas parfaitement la technique, une spécialiste itinérante est venue 15 jours en accompagnement. Léa, qui était graphiste, a quant à elle suivi une formation pour devenir installatrice thermique et sanitaire. Du coup, elle règne aujourd’hui sur les tuyaux, les câbles et les robinets… 

Maison passive et phytoépuration

Démarré en février 2019, le chantier touche aujourd’hui à sa fin, seulement ralenti par la crise du Covid et l’arrivée imprévue d’un bébé ! Sans avoir quitté leurs emplois et grâce à l’aide de nombreux bénévoles, Aymeric et Léa ont vécu dans leur maison deux ans après le début des travaux, en ayant consacré leurs week-end et leurs vacances à cette aventure. Il reste aujourd’hui à terminer les extérieurs : au programme, bardage bois sur la façade nord et enduits à la chaux au sud, descente de garage et jardin. Le problème est en ce moment de trouver du pin Douglas, indisponible pour l’instant dans toutes les scieries, comme beaucoup d’autres essences. Pour l’encadrement des fenêtres, Aymeric s’est, faute de frêne, rabattu sur du padouk, un bois exotique. Pour la toiture, le choix s’est porté sur de la tôle façon chalet de montagne pour trois raisons pragmatiques : avoir un toit presque plat pour diminuer la surface de perte de chaleur, récupérer un maximum d’eau dans la cuve installée à la cave, et compresser le prix et la vitesse de pose – « 1 400 € et une demi-journée de travail », précise l’ingénieur. Sur le mur extérieur côté sud et pignons, un mortier allégé à la sciure de bois recouvre la paille, la protège et fait office de stabilité mécanique pour l’ensemble. 

Dans cette maison passive qui accueillera bientôt une casquette ornée de panneaux solaires, l’assainissement est aussi à la pointe : pas de tout-à-l’égout dans la rue ni de fosse septique, mais un système de phytoépuration, étudié par Aquatiris et autoconstruit. Seule contrainte : couper les bambous une fois par an sur 6 m²… Pas de quoi affoler ces pionniers de la révolution « immobilo-écolo » !

Plus d’infos
Site du réseau TWIZA : fr.twiza.org

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