Vous nous direz qu’en ces temps d’inquiétude prolongée, on a d’autres chats à fouetter que de tailler des sapins de Noël en quatre. Pourtant, l’affaire du conifère de Bordeaux a déchaîné les passions et fait sortir de leurs cartons une guirlande de commentaires plus ou moins lumineux. Pour rappel, la pomme de la discorde est venue du projet du nouveau maire écolo de la cité girondine de ne pas établir de sapin de Noël dans sa bonne ville, au motif qu’il ne veut pas afficher un arbre mort aux yeux de ses administrés. Que n’avait-il pas dit ? Jordan Bardella, le nouveau sniper du Rassemblement national, a immédiatement traité les écologistes d’EELV de « talibans verts » à l’idéologie « libertaire ». Histoire de lui apprendre à tourner sept fois sa langue dans sa bouche, on aimerait proposer à Jordan Bardella de choisir entre un séjour à Kaboul ou à Bordeaux pour passer ses week-ends. Même si l’on sait que ce genre d’assertions n’a pour but que d’exister sur le plan politico-médiatique, il n’empêche que des fadaises de cet acabit participent à faire monter le rouge aux joues à ceux qui s’habillent de jaune en vomissant le vert. Attention aux mélanges (des couleurs), cela donne toujours mal à la tête.
Alors oui, on ne peut pas dire que le maire de Bordeaux ait été très habile dans sa communication, mais on peut lui savoir gré de poser les pieds dans le débat et de réfléchir à ce que nous voulons faire de nos traditions. Certes, celles-ci font appel à notre moi collectif, et il est toujours risqué de les chatouiller. Mais les traditions sont là pour être interrogées, sinon nous en serions toujours à jeter des gens dans la fosse aux lions ou à brûler les impies sous couvert de combat contre l’hérésie.
Car l’hérésie, c’est justement de ne pouvoir se moquer d’aucun veau d’or, de ne pouvoir déraciner aucune croyance. L’hérétique, c’est celui qui le dit qu’il l’est ; c’est le munster qui se moque du camembert en lui disant : « tu pues de la gueule ». Tout cela ne respire pas vraiment l’intelligence et à vrai dire, cela sent même un peu le sapin.