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Future loi sur la fin de vie : les personnes vulnérables sont-elles les oubliées du débat ?

Future loi sur la fin de vie : les personnes vulnérables sont-elles les oubliées du débat ?

Alors que la convention citoyenne sur la fin de vie a rendu son rapport final le 3 avril dernier, des professionnels du Centre-Val de Loire ont souhaité aborder la question sous l'angle des personnes vulnérables, lors d'une conférence organisée à la faculté de droit d'Orléans, dont les arguments ont semblé aller contre la position majoritaire de la Convention citoyenne.
Gaela Messerli
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DES ANGLES MORTS SUR LA FIN DE VIE

Selon le Code de santé publique, la fin de vie correspond à la phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, mais « cette définition ne reflète pas toutes les typologies de situation », a-t-on pu entendre, jeudi dernier, lors d’une conférence sur le sujet organisée à l’université d’Orléans et qui réunissait plusieurs professionnels du Centre-Val de Loire : des professeurs de droit privé ou de science de gestion, ainsi le président du réseau des soins palliatifs de la région. Une soirée qui a permis de mettre en lumière plusieurs angles morts, comme la question des « personnes vulnérables, qui ne sont pas toujours considérées dans le débat actuel. Car il y a la vulnérabilité ressentie et celle qualifiée juridiquement, les mineurs mais aussi les majeurs vulnérables… », a par exemple expliqué Aline Chesnaie de Beaupré, professeure de droit privé à l’université d’Orléans.

La vulnérabilité en questions

Évoquant cette question de la vulnérabilité, les professionnels ont détaillé la situation des mineurs de moins de 15 ans, des personnes en situation de handicap mental ou souffrant de pathologies de type Alzheimer… « La loi va chercher à recueillir leur sentiment et déterminer leur aptitude à répondre si on leur propose un accès aux soins palliatifs », a poursuivi l’universitaire. L’entourage et les représentants légaux sont concernés par ces choix à travers également les directives anticipées (l’acte qui permet de faire connaître ses volontés, ndlr). Cependant, en août 2022, la cour administrative de Bordeaux a tranché dans le sens des soignants, pour qui certaines directives étaient inappropriées. « Pour une personne vulnérable, la demande de la personne doit-elle primer ou celle de la procédure collégiale ? », a soulevé la professeure de droit, qui a rappelé que, selon elle, la loi de 2016 allait déjà « très loin. Elle permet la sédation profonde et continue pour les personnes dont le pronostic vital est engagé ». Sur le plan juridique, l’accès à une aide active à mourir irait enfin à l’encontre de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. « La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement », a indiqué Aline Chesnaie de Beaupré.

Pas assez de moyens pour les soins palliatifs ?

Depuis 1999, une loi garantit l’accès aux soins palliatifs, qui sont donnés lorsqu’il n’est plus possible de guérir la personne. « Cependant, un département sur cinq n’est pas doté d’une unité de soins palliatifs », a ajouté Aline Chesnaie de Beaupré. 300 000 personnes par an sont concernées aujourd’hui en France par les soins palliatifs (dont 6 000 en Centre-Val de Loire), mais on estime que « 100 000 n’y accèdent pas ». Un chiffre qui a d’autant plus d’importance à l’heure d’une possible ouverture à l’aide active à mourir, lorsque l’on sait que « 99 % des personnes qui souhaitent mourir abandonnent cette idée en accédant aux soins palliatifs ». Tony-Marc Camus, directeur général adjoint de l’association Soins et service à domicile - hospitalisation à domicile et président du réseau régional de soins palliatifs en Centre-Val de Loire, a estimé pour sa part que « la loi Claeys- Leonetti était déjà bien complète, mais qu’elle n’était pas encore complètement maîtrisée ». 19 équipes de soins existent dans la région et trois unités sont consacrées aux patients souffrant de douleurs réfractaires. Dans le contexte de déficit médical du Centre-Val de Loire, le représentant des soins palliatifs a alerté : « Une évolution de la loi peut conduire à des surinterprétations et à des usages inadaptés. Dans les deux ans qui viennent, deux tiers des médecins de soins palliatifs partent en effet à la retraite. Or, c’est une spécialité qui n’est quasiment pas présente dans les universités. Il y a peu de postes universitaires et insuffisamment d’internes. » En région, une quatrième unité de soins palliatifs pour les douleurs réfractaires devait ouvrir à Bourges, mais « elle n’a pas de médecin pour fonctionner… ». 370 lits attribués aux soins palliatifs existent également dans différents hôpitaux du Centre-Val de Loire, mais « les moyens sont affectés à autre chose dans certains établissements », a déploré Tony-Marc Camus.

« Qu’est-ce qu’une bonne vie ? »

Nathalie Dubost, professeure de sciences de gestion à l’université d’Orléans, a expliqué quant à elle que « la question du coût, jamais évoquée », devait être mise parallèle avec la situation du handicap vécu. « Qu’est-ce qu’une bonne vie ? », a simplement interrogé cette universitaire. Selon elle, dans une société où les outils performatifs sont présents partout, le glissement peut être rapide. « Aujourd’hui, 7 000 adultes et 1 500 enfants français en situation de handicap sont accueillis en Belgique, car nous n’avons pas assez de places. Alors, quelle est la valeur de la personne en situation de handicap ? »

Tous ces arguments sont aujourd’hui à mettre en perspective avec les conclusions de la convention citoyenne sur la fin de vie, qui souhaite ouvrir l’accès à l’aide active à mourir (lire encadré), mais aussi avec les positions actuelles du Conseil de l’ordre des médecins, totalement défavorable à l’idée que des médecins puissent donner la mort. « Mais il y a aussi des évolutions de mœurs », a observé Pierre Allorant, doyen de la faculté de droit d’Orléans et historien du droit, qui souhaite déjà « la création de la spécialité soins palliatifs dans la faculté de médecine d’Orléans ».

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