Dans un mois et quatorze jours, les habitants du Centre-Val de Loire seront invités aux urnes pour élire leurs élus régionaux et, subséquemment, celui qui présidera le conseil régional. Depuis 14 ans, le poste est aux mains du socialiste François Bonneau, qui en connaît désormais tous les rouages. Avec une campagne réduite à peau de chagrin, qui pourrait favoriser la continuité, le sortant fait aujourd’hui figure de favori. Ses adversaires ont déjà appuyé sur la longueur de son magistère (conseiller régional depuis 1998, président depuis 2007, ndlr), qu’il voudrait étendre pour six années supplémentaires. « À la tête de la Région, on a une équipe qui est en place depuis quasiment une génération ! », insiste ainsi Marc Fesneau, candidat LaREM-Modem.
Bataille à gauche
En vieux routier de la politique, François Bonneau s’attendait à ce type de flèches décochées à son encontre. Cependant, il a pour lui un bilan global sans taches majeures, et l’an dernier, au début de la crise sanitaire, sa majorité s’est montrée relativement réactive pour accompagner les entreprises, quand bien même elle a semblé quelque peu à la traîne sur le dossier de la précarité étudiante. Pour les prochaines années, il a déjà promis la gratuité sur les transports REMI pour les moins de 26 ans, le salariat de 300 nouveaux médecins d’ici 2026, et du « 100 % local dans l’alimentation des collèges et lycées » de la région. Dans le Loiret, sa cheffe de file sera la maire de Fleury, Carole Canette. François Bonneau, s’il a conclu un accord avec le PC, n’a pas réussi à rallier à sa cause la liste menée par son futur ex-vice-président, l’écologiste Charles Fournier, qui a décidé de faire cavalier seul pour le premier tour. « Les électeurs préfèrent toujours l’original que la copie », plastronne ce dernier, persuadé que la vague écolo formée aux dernières municipales va continuer à déferler. La prise de Tours, plus grande ville du Centre-Val de Loire en termes d’habitants, remportée l’an dernier par le Vert Emmanuel Denis à la tête d’une liste de gauche unifiée, serait-elle un préliminaire à un basculement de la Région ? Toujours est-il qu’en concluant un accord avec La France Insoumise, qui a certes fait grincer quelques dents, Charles Fournier peut davantage témoigner de l’« engagement écologique et solidaire » de sa liste, qui annonce « une gratuité plus une tarification sociale dans les transports scolaires, un schéma cycliste régional » et promet « une nouvelle façon de gouverner » en donnant plus de responsabilités aux citoyens. Dans le Loiret, c’est ainsi l’Insoumise Karin Fischer qui mènera la danse, tandis que Bruno Cœur, le maire de Bou qui s’était fait connaître lors de l’installation mouvementée du conseil métropolitain à Orléans, pointe aussi le bout de sa barbiche. Charles Fournier met en avant la « diversité » des candidats qui se présenteront face aux électeurs et insiste sur l’équilibre citadins/ruraux qui la caractériserait. « En 2015, nous étions très urbano-centrés… », glisse-t-il en référence à la dernière élection régionale, qu’il avait gagnée avec… François Bonneau. Dans le camp de ce dernier, on n’hésite pas à dire, en privé, que « les écolos ont pris la grosse tête ». Les pro-Bonneau la dégonfleraient volontiers au soir du premier tour ; d’ailleurs, la liste de gauche qui arrivera en tête pourra dicter le jeu pour la fusion annoncée en vue du second tour.
LaREM/LR : pas d’alliance en vue
Plus à droite de l’échiquier politique, on se regarde en chiens de faïence. Marc Fesneau (Modem), actuel ministre des Relations avec le Parlement et candidat de la majorité présidentielle, revendique un positionnement centriste… tout comme Nicolas Forissier, LR soutenu par l’UDI, et autoproclamé « candidat de la droite et du centre ». Avant même qu’ils ne se déclarent officiellement, l’hypothèse de voir fusionner leurs deux listes a longtemps causer dans le Landerneau. Hypothèse alimentée par le constat qu’en 2015, aux dernières élections régionales, Marc Fesneau et Nicolas Forissier étaient de la même liste, celle conduite par Philippe Vigier… En l’état actuel, il semble cependant qu’une alliance ne soit pas à l’ordre du jour : chez Les Républicains, plusieurs chefs à plume, et pas des moindres, sont totalement opposés à un rapprochement avec La République en Marche, persuadés qu’ils signeraient là leur arrêt de mort. Le cas récent de la région PACA, où le président sortant LR Renaud Muselier s’est vu soutenir par LaREM, a créé un psychodrame chez Les Républicains, qui ont décidé finalement d’accorder leur blanc-seing à leur candidat, en répétant pourtant que tout accord avec la majorité présidentielle était… proscrit ! Nicolas Forissier, malgré l’image modérée qu’il renvoie, ne devrait pas prendre le risque de briser cette nouvelle ligne, surtout vu d’où il part. En attendant, celui qui fut secrétaire d’État sous Jacques Chirac laboure le territoire régional en répétant que « tout doit partir du terrain ». Dans le Loiret, après de rudes discussions en interne (pour ne pas dire plus), sa liste sera menée par Constance de Pélichy, la maire de La Ferté Saint-Aubin, et par Florent Montillot (UDI), premier maire-adjoint d’Orléans.
Cependant, la droite seule aura du mal à décrocher la queue du Mickey, de même qu’on peut aujourd’hui douter des chances de Marc Fesneau d’arriver, à la tête de son agrégat centriste tirant vers le bleu, à inverser le cours de l’histoire régionale. Parti le dernier dans la course, il n’a pas encore dévoilé son programme. « Dans cette région, on a trop longtemps mis sous la table les sujets de la sous-traitance industrielle ou celle du mix énergétique », a-t-il cependant déjà fait remarquer. Dans le Loiret, même si rien n’a encore été officialisé, il ne fait plus guère de doutes que le maire d’Olivet, Matthieu Schlesinger, mènera la bataille dans le département après, là aussi, de multiples rebondissements et/ou déclassements en interne.
La menace RN
Enfin, impossible de terminer ce tour de l’échiquier régional en campagne sans évoquer le cas du RN. En 2015, le Front National, comme il était encore baptisé à l’époque, avait rassemblé plus de 30 % des voix, au premier comme au second tour. Pas assez pour décrocher la timbale, mais le parti des Le Pen père et fille avait posé là des jalons pour la suite, maintenant son enracinement dans les zones rurales. Le contexte actuel, qui renforce la crainte de l’avenir chez certains électeurs revendicatifs, pourrait favoriser le vote frontiste, d’autant que les idées du RN sont de moins en moins « diabolisées », y compris dans les médias. Mené par Aleksandar Nikolic, sosie local de Jordan Bardella, le Rassemblement National, qui se frotte les mains de la division à droite, aura pour leader dans le Loiret le secrétaire départemental du parti, Cyril Hermadinquer. Malgré tout, pour le RN comme pour les autres, les pronostics se heurtent à une incertitude majeure : celle de la participation, que certains voient seulement atteindre les 20 à 30 %. Ce qui serait non seulement une catastrophe pour la démocratie, mais incite aussi, à l’heure où nous écrivons ces lignes, à la plus grande des prudences.