|
|
|
Le SITI, c’est bientôt fini !

Le SITI, c’est bientôt fini !

Si tout va bien, d’ici un an, les propriétaires ou locataires du SITI, à La Source, bâtiment emblématique d’EDF menacé un temps de disparition et finalement classé Monument historique, vont « habiter une œuvre d’art ». Récit d’une métamorphose.
Laurence boléat
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur email
Partager sur whatsapp

Le chantier du SITI, à La Source, doit s’achever à l’été 2022. Les consolidations de plancher sont terminées, les nettoyages de béton, les cloisonnements et les façades sont en cours, de front avec l’électricité, la plomberie et le chauffage, parties les plus complexes à travailler au vu de la nature du monument. Architectes et promoteurs ont ainsi planché sur la création de 63 logements comportant une majorité de T1 et T2, avec l’objectif de vendre ces appartements sous un régime fiscal attractif pour les investisseurs. Pari réussi, puisqu’aux dernières nouvelles, tous se sont vendus très rapidement. 

Esprit loft et ateliers d’artistes

À l’arrivée, dans un peu plus d’un an, les futurs habitants vont découvrir des menuiseries en alu bleues (couleur d’origine) et partiellement dissimulées derrière des casiers de béton, des intérieurs atypiques, des duplex, des toits-terrasses et de grandes parties communes baignées de lumière, le tout dans un esprit loft ou atelier d’artistes. Un chantier hautement technique et, selon Grégoire Oudin, architecte du patrimoine qui a participé au projet, une œuvre extraordinaire : « Nous sommes heureux d’avoir d’abord participé à la protection du SITI en le faisant classer, évitant ainsi sa destruction, confie-t-il. C’est un lieu exceptionnel, qui ne peut laisser insensible, de par sa plasticité, son histoire et l’enjeu de sa transformation. Travailler sur une telle œuvre est une chance… » 

Le SITI est en effet un bâtiment classé aux Monuments historiques, admis dans un cercle très restreint de bâtiments dits « brutalistes », style apparu à partir de la seconde moitié du XXe siècle. Il fut porté à la fin des années 50 par EDF. Dès la fin des années 50, l’entreprise publique fut effectivement l’une des premières, en France, à être séduite par la révolution informatique qui s’amorçait. Mais à l’époque, les ordinateurs fabriqués par IBM et destinés à l’administration, la comptabilité et le traitement de données étaient volumineux, très lourds et difficilement manipulables. Après la livraison du premier Service de Traitement informatique à Issy-les-Moulineaux, en 1965, EDF confia à nouveau aux architectes de L’Atelier de Montrouge le soin de réaliser un bâtiment à Orléans-La Source, capable d’accueillir un SITI (Service Interrégionaux de Traitements Informatiques) pour la région Centre. Un terrain boisé de 15 000 m² à Orléans-La Source fut retenu, dans cette ville nouvelle qui se présentait alors comme une cité pilote du XXIe siècle. 

Une « machine à émouvoir »

Au programme, dans cet édifice, de généreuses et solides surfaces renforcées pour les ordinateurs, des ateliers, des magasins et réserves, des bureaux, une salle de conférence et quatre logements de fonction : 9 000 m² dédiés aux salariés, aux salles informatiques, à l’impression de 25 tonnes de papier par mois, au circuit postal de tri et d’expédition et au stockage de bandes magnétiques.

L’Atelier de Montrouge proposa un projet ambitieux, fondé sur des principes modernes qui lui étaient chers, avec dans l’esprit de créer « une machine à émouvoir », comme disait Le Corbusier. À l’honneur, des matériaux nobles laissés bruts, savant mélange de béton, d’acier, de bois et de verre. Dans le cahier des charges, il s’agissait aussi de conserver de vastes espaces libres pour suivre l’évolution de l’entreprise dans le temps. Une flexibilité qui devait permettre de répondre aux changements des équipements informatiques, aux usages et aux législations successives. Dispositifs techniques et système de cloison furent d’ailleurs maintes fois démontés, remontés, améliorés et reconfigurés. Des œuvres d’art vinrent aussi agrémenter les lieux, telles les sculptures flottantes de Piotr Kowalski, qui voguaient au gré du vent sur le bassin de refroidissement des machines.

Tagueurs, squatteurs et vandales

Le SITI fut construit en un temps record, à peine un an, et livré en mars 1968. On dut ce délai à sa conception rationnelle et à l’utilisation des composants industrialisés et préfabriquées. Le bâtiment fut remarqué par la critique, autant pour ses innovations techniques que pour sa dimension plastique. Mais malgré sa modularité, l’ouvrage ne résista pas à la dématérialisation du traitement des données et des factures : en 2008, les derniers salariés quittèrent les lieux, et le site, abandonné par EDF, tomba en déshérence. Dès lors, il allait faire le bonheur des tagueurs, des squatteurs et des vandales. 

Les acteurs locaux du patrimoine tentèrent bien de lui donner une seconde vie, en étudiant la possibilité d’un centre d’art ou d’enseignement, mais ce fut finalement un promoteur privé, Histoire et Patrimoine, qui permit sa sauvegarde. À la manœuvre, Catherine Blain, architecte, docteur en aménagement et urbanisme, Grégoire Oudin, architecte du patrimoine, et Jean-Philippe Nuel, architecte et designer. Ces trois spécialistes s’aperçurent rapidement que l’aspect a priori « simple » du bâtiment cachait en réalité une conception technique très élaborée. La bête possédait en effet plusieurs peaux, faites de brise-soleil en béton, de verres rythmés par des ondulations et de menuiseries, et semblait flotter tel un vaisseau dans l’espace, porté par de fins poteaux d’acier façon pilotis. À l’intérieur, ils découvrirent des superpositions de niveau qui n’étaient pas perceptibles immédiatement, des plans en ellipse et la présence de l’eau, indissociable de l’essence du lieu. Lourde tâche que de transformer une telle œuvre tout en conservant l’esprit des créateurs de L’Atelier de Montrouge… Visiblement, le pari est en passe d’être réussi.

2 réponses

  1. Bonjour,
    je viens de lire votre article et je me demande si il vous est possible de me donner les coordonnées du promoteur. En effet j’ai travaillé pendant 37 ans dans ce bâtiment et j’aimerai faire une visite une fois la rénovation terminée. cordialement MFR

  2. Bravo pour ce chantier
    J’ai commencé à travailler au SITI en 1976.
    Je pense que le bâtiment n’est pas prêt de se fissurer

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Autres ARTICLES a lire
Orléans : la police municipale dotée de nouveaux pouvoirs pour lutter contre l’ivresse publique manifeste
Aux beaux jours, les forces de l’ordre traitent en moyenne...
Maman de Lucas, victime de harcèlement à 13 ans, tient une conférence de presse émouvante dans les Vosges
Lundi, la maman du petit Lucas, un enfant qui s’est...
Charlélie Couture en concert à La Ferté-Saint-Aubin : Découvrez les « Quelques Essentielles » le 10 février
L’espace Madeleine Sologne de La Ferté-Saint-Aubin se prépare à accueillir...

Signaler un commentaire