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Comment la proposition de loi de Stéphanie Rist impacte l’accès aux soins dans le Loiret : analyse des enjeux

Comment la proposition de loi de Stéphanie Rist impacte l’accès aux soins dans le Loiret : analyse des enjeux

Des syndicats et collectifs de médecins généralistes ont défilé mardi pour une revalorisation de la consultation, mais aussi contre une proposition de loi qui leur ajouterait, selon eux, des « contraintes » supplémentaires. Députée Renaissance du Loiret, Stéphanie Rist est l’architecte de ce texte dont le but est pourtant d’« améliorer l’accès aux soins » des patients. Mais alors, pourquoi y a-t-il autant de friture sur la ligne ?
B.V
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De quoi parle-t-on ?

D’une proposition de loi « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé », plus communément appelée loi « Rist 2 », du nom de Stéphanie Rist, députée Renaissance de la première circonscription du Loiret, Stéphanie Rist. Le 19 janvier, ce texte a été voté en première lecture à l’Assemblée nationale ; il est depuis examiné par le Sénat. Après la traditionnelle navette parlementaire, cette loi pourrait être applicable d’ici à la fin de l’année 2023. 

Un accès « direct » à certains professionnels de santé

Les Français meurent aujourd’hui de ne plus être (assez) soignés. « Je vois venir le mur du vieillissement d’ici à 2027, prévient déjà Stéphanie Rist. Et l’on n’est pas prêts, pas organisés. » Si l’une des solutions, à moyen terme, est de « former plus de médecins », la députée, par ailleurs rhumatologue de formation, pense que la loi qu’elle porte actuellement peut permettre de répondre à « l’urgence » de la situation. Comment ? En « simplifiant et en fluidifiant le parcours de soins » des patients et en « libérant du temps médical » pour les généralistes, qui doivent prendre en charge une patientèle plus importante (par manque de médecins) et vieillissante… Avec pour conséquence de surcharger le système hospitalier, qui souffre déjà de problèmes structurels. Ainsi, Stéphanie Rist estime que certaines tâches dévolues aux médecins généralistes – par exemple le suivi de certaines pathologies chroniques stabilisées – peuvent être réalisées par des Infirmières en Pratiques Avancées (IPA). Si ce dispositif n’est pas nouveau (voir par ailleurs), il est prévu, dans la loi Rist-2, que les patients puissent aller consulter une IPA directement, c’est-à-dire sans passer par la case généraliste. Une ouverture dont bénéficieraient aussi les kinés ou les orthophonistes. Une condition est cependant requise : pour se soustraire à l’obligation d’être envoyés par un médecin généraliste, ces professionnels devront « travailler dans le cadre d’une structure d’exercice coordonné, équipes de soins primaires, centres de santé, Communautés Professionnelles Territoriales de Santé… ». Pour schématiser : un kiné exerçant « dans son coin » n’aura pas la possibilité de recevoir des patients sans ordonnance. Reste à définir concrètement ce qu’est une « structure d’exercice coordonné » et, sur ce point, il y a encore du travail pour y voir clair . 

La révolution IPA

Le métier d’Infirmière en Pratiques Avancées (IPA) existe depuis 2018. Il y en aurait aujourd’hui 1 700 en France, et 700 professionnelles seraient formées par an dans le pays. « Mais aujourd’hui, les médecins ne leur envoient pas assez de patients, parce que beaucoup pensent qu’ils y seront mal soignés, estime Stéphanie Rist. Cette proposition de loi veut lever cette barrière. » Avec cette mesure, et bien qu’elle explique « défendre profondément la médecine libérale », c’est la figure tutélaire du médecin que l’élue loirétaine déboulonne en partie : « On ne peut plus faire comme il y a cinquante ans », appuie-t-elle. « Tout ne doit pas passer par le médecin », convient Pierre Bidaut, président de l’Union Régionale des Médecins du Centre-Val de Loire, qui admet également, pour le moment, un « manque de communication dans le monde libéral sur le métier d’IPA ». Mais ce médecin basé à Gien s’inquiète toutefois, avec cette loi, de la potentielle « sortie de l’exercice protocolisé entre un médecin et une Infirmière en Pratique Avancée ». D’autre part, si les généralistes se méfient également d’un recours accru aux IPA, c’est parce qu’ils craignent aussi de ne devoir s’occuper, à terme, que des consultations « lourdes », donc de recevoir moins de patients dans une journée et, in fine, de perdre en revenus. C’est là que se superposent d’autres problématiques, comme celle de la revalorisation de la consultation. 

Le prix de la consultation revient sur la table

Depuis la fin de l’année 2022, de nombreux médecins libéraux se sont mis en grève pour demander une revalorisation de la consultation à 50 €. Rebelote ce mardi, avec un mouvement important dans les cabinets, et une manifestation organisée à Paris. La récente proposition du directeur de la CNAM de faire grimper la consultation de base à… 26,50 € a (re)mis un peu d’essence sur le feu, dans un contexte hautement stratégique de renégociation de la convention entre les médecins libéraux et l’Assurance-Maladie. Même si la loi Rist-2 ne légifère pas sur le tarif de la consultation, la députée du Loiret assure aux médecins généralistes que ce texte sera « un levier pour négocier leur rémunération ». Parce que, dans son esprit, il favorisera le travail en réseau. « On doit payer davantage les généralistes qui travaillent en coopération », lâche Stéphanie Rist, avant de défendre « une rémunération au juste prix qui doive tenir compte de l’acte pratiqué, mais aussi de la mission de service public et de la responsabilité territoriale du praticien ». Une périphrase pour désigner le nouveau « Contrat d’Engagement Territorial » présenté par la CNAM aux médecins, lesquels pourraient accéder à des niveaux de tarification supérieurs s’ils acceptent, par exemple, de prendre davantage de patients ou d’ouvrir leurs cabinets le samedi. « Mais on travaille déjà comme des ânes », se désole Pierre Bidaut, qui réclame « un tarif proportionnel au contenu de l’acte ». Comme quoi, il y a déjà des choses sur lesquelles les médecins libéraux et Stéphanie Rist sont (à peu près) d’accord, même si ce n’est pas la seule : tous refusent en effet de toucher au sacro-saint principe de liberté d’installation, sérieusement remis en question ces derniers temps par l’opinion publique et par un groupe transpartisan de députés. « On n’a pas besoin de lois contraignantes, on ne fonctionne pas à la cravache », prévient Pierre Bidaut. 

Soins dentaires, pharmaciens… d’autres innovations

La loi Rist-2 prévoit d’autres évolutions, et notamment la création d’une « nouvelle profession d’assistant dentaire de niveau 2 pour améliorer la prévention bucco-dentaire ». Les Assistants de Régulation Médicale – vos interlocuteurs quand vous appelez le SAMU – seront également reconnus comme « professionnels de santé », avec pour conséquence une probable meilleure rémunération. De plus, les compétences des « pédicures-podologues seront élargies », alors que les pharmaciens auront « la possibilité de renouveler pour trois mois (au lieu d’un) les ordonnances de traitements chroniques ». Une mesure qui n’est pas non plus du goût des médecins libéraux, pour qui le renouvellement d’une ordonnance dans ce délais imparti nécessite « une compétence médicale ».

>> Des questions sur les « structures d’exercice coordonné »

Peu connues du grand public, les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé jouent (déjà) un rôle important dans la « fluidification » du parcours de santé. Selon la définition de l’ARS, ces structures « regroupent les professionnels d’un même territoire qui souhaitent s’organiser, à leur initiative, autour d’un projet de santé pour répondre à des problématiques communes ». L’une des réponses apportées par ces organisations concerne notamment l’offre de « soins non programmés », avec la mise en place de numéros de téléphone à joindre le matin en cas d’urgence et qui dispatchent ensuite, selon les disponibilités, la « demande » auprès de médecins appartenant à cette communauté. Au sein de la CPTS d’Orléans (qui regroupe 16 communes de la métropole), une quarantaine de médecins participent par exemple à ce dispositif, qui a permis à plus de 1 000 patients d’obtenir en janvier dernier une consultation (on parle de 4 000 appels par mois, ndlr). L’intégration d’une IPA, d’un kiné, d’un orthophoniste à une CPTS doit, dans l’esprit de la loi Rist-2, permettre aux patients un accès « direct » à ces professions. Mais lors de leur travail préalable, les sénateurs ont exclu les CPTS des « structures d’exercice coordonné permettant cet accès direct afin de privilégier les formes plus intégrées de coopération que sont les MSP ; les centres de santé et les équipes de soins primaires et spécialisés ». 

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