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Un D.U. d’agroécologie paysanne à Tours

Un D.U. d’agroécologie paysanne à Tours

L’université de Tours, en partenariat avec la ferme-conservatoire de Sainte-Marthe dans le Loir-et-Cher, va créer un nouveau diplôme en janvier 2023. Les cours pratiques de cette « université paysanne » seront dispensés dans cette ferme et la trentaine d’intervenants-formateurs viendront de plusieurs universités, comme Lausanne ou Paris-Dauphine, mais aussi de l’INRAE. L’objectif de cette formation pluridisciplinaire étant de « cultiver » des paysans-écocitoyens.
P.N.

Cest un mini événement en soi ; pas un séisme dans le monde de la formation supérieure, surtout à l’échelle de l’agriculture, vaste domaine planétaire s’il en est. Mais le 25 mai dernier, en écoutant les différentes personnalités annoncer la création de ce nouveau diplôme, on s’est dit que, oui, décidément, tout n’est pas perdu, les choses changent et que l’espoir de cultiver la terre différemment pour la sauver était bien réel. On s’est fait aussi cette réflexion car les orateurs présents étaient brillants et éloquents mais surtout éminemment compétents, comme Philippe Desbrosses, pionnier de l’agriculture bio en France, fondateur il y a bientôt cinquante ans de la Ferme conservatoire des Mille variétés anciennes à Millançay en Sologne dans le Loir-et-Cher (aussi connue sous son nom d’origine de Sainte-Marthe) spécialisée dans l’agroécologie et la production de semences bio de toutes les variétés du terroir.

À ses côtés, Dominique Bourg, philosophie franco-suisse spécialiste des questions environnementales, sommité de l’écologie reconnue internationalement, apportait aussi son concours et tout son savoir-faire à l’initiative. C’est d’ailleurs dans l’esprit de ce duo complice qu’a germé l’idée d’une « université paysanne ». Ils se sont donc rapprochés de l’université de Tours représentée par son président Arnaud Giacometti pour construire le projet et le contenu pédagogique de ce nouveau D.U. Avant d’obtenir le soutien financier de la région Centre-Val de Loire présidée par François Bonneau, également présent, pour lancer officiellement cette nouvelle formation qui, si elle s’inscrit dans le cadre universitaire, sera dispensée principalement sur le terrain, dans les locaux et les champs de la ferme à
Millançay. Car l’objet de ce nouveau D.U. agro-
écologie paysage et civilisation est de former de futurs paysans ainsi que des paysans déjà en activité qui souhaiteraient opérer une reconversion en agriculture écologique, à une nouvelle agriculture plus respectueuse de la Terre, mais aussi de « favoriser l’émergence d’une nouvelle civilisation issue de la transition écologique ». Car comme l’explique Philippe Desbrosses : « C’est cette civilisation paysanne qui assure notre alimentation qui est aujourd’hui en danger et, à travers elle, la planète car ce sont les milliards de paysans de par le monde qui permettent de nourrir la population et de protéger la planète. S’ils disparaissent, c’est la civilisation qui disparaît… »

20 à 40 apprenants par promotion

Devant ce danger de voir une terre se vider de ses paysans et de ses surfaces agricoles – selon le chercheur David Pimentel de Cornell University à New York, la planète a perdu en trente ans un tiers de terres arables –, il faut changer de modèle agricole pour faire changer de cap à « ce Titanic agroalimentaire ». Le modèle actuel de production industrielle produit de moins en moins d’aliments de qualité tout en polluant de plus en plus et en faisant disparaître la biodiversité animale comme végétale de la Terre. L’espoir réside donc dans la formation de paysans capables de travailler différemment. « Nous devons attirer des jeunes bien formés, ayant la capacité d’apprendre l’agriculture, qu’ils soient issus du milieu agricole ou non, des jeunes dont l’idéalisme et l’intérêt pour la nature peuvent apporter une véritable innovation dans le vie rurale et les activités agricoles », s’enthousiasme Philippe Desbrosses à l’évocation de cette nouvelle forme formation d’aboutissement et de reconnaissance aussi pour lui qui œuvre depuis les années 70 pour une agriculture alternative au modèle productiviste. « La formation est un levier essentiel pour répondre aux défis qui se présentent à nous, c’est pour cela que l’enseignement doit être pluridisciplinaire, avec une approche scientifique et globale de tous les aspects de l’agroécologie. » Ainsi, au-delà des techniques agricoles, l’enseignement s’articulera autour de plusieurs axes : la biodiversité et les sciences du vivant, le recyclage, la production d’énergies, la gestion de l’eau, la production d’une alimentation plus durable pour limiter le gaspillage, etc.

Chaque promotion accueillera entre 20 et 40 apprenants selon la demande. Les initiateurs de la formation sont confiants car depuis la pandémie, il y a un engouement pour ces professions nourricières qui donnent du sens au travail. Les candidatures devraient donc être au rendez-vous. Même si le défi est énorme car plus de la moitié des exploitations agricoles seront à reprendre au cours de la prochaine décennie. « Il faudrait former 500 000 agriculteurs, précise Philippe Desbrosses. Nous n’en formerons que quelques dizaines mais si cela permet de revenir à une agriculture paysanne qui ne triche pas et de rompre avec les pratiques funestes mises en œuvre depuis plus d’un demi-siècle, nous aurons apporté notre modeste pierre à l’édifice… »

Le grand intellectuel Edgar Morin s’est proposé pour devenir le parrain de cette nouvelle formation. Nouvelle preuve s’il en est qu’elle retient l’attention d’un certain nombre de personnes qui croient qu’un autre modèle agricole est possible !

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