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Indécence

Indécence

La rédaction
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Tu parles d’une aventure ! Koh-Lanta, c’est donc le programme phare des fins de semaine de TF1. Des millions de téléspectateurs réunis pour ce qui reste l’une des dernières grands-messes du petit écran, lequel a progressivement été débordé par l’éclosion d’Internet et la fragmentation des publics. Pourtant, durant le confinement, l’émission a pété les scores d’audience et rameuté un chaland qui ne savait plus que faire de son désœuvrement. Le Français s’est passionné pour ce stage de survie scénarisé et découpé en de longs, très longs épisodes que TF1 donne à voir entre trois pages de réclames. À peine finie au printemps, une autre saison a redémarré en cette fin d’été, sur le même concept : des anonymes se débattent pour trouver à manger dans un milieu hostile, puis s’éliminer au fil du jeu façon Dix petits nègres – pardon, Ils étaient dix –*. 

Il y a deux semaines, en laissant notre pouce traîner sur la télécommande, nous avons suivi pour la première fois depuis des lustres cette parabole alambiquée de la Genèse. Au fur et à mesure que Denis Brogniart hurlait de « ne rien lâcher » (merci de prévenir), nous est venue l’idée qu’il fallait que notre société tombe très bas pour qu’elle encense ainsi des individus tellement bien portants qu’ils aimassent jouer à cette parodie de famine. Car c’est bien de cela que Koh-Lanta est le nom, plus qu’une banale resucée des aventures de Robinson Crusoé, comme monsieur Bouygues essaye de nous le vendre. Dans un pays, la France, où un quart de la population dit être trop pauvre pour manger sainement, cinq millions de bouffeurs de pizzas regardent donc tous les vendredis une vingtaine d’imbéciles comprendre ce que cela fait d’avoir le ventre vide. Le tout enluminé d’une couche bien grasse de « valeurs humaines » et de « mental à toute épreuve » face à une adversité pathétique, celle que les candidats se sont artificiellement créés pour se trouver une raison d’exister. Si ceux-là osent même prendre pour alibi leurs enfants, qu’ils veulent à tout prix rendre « fiers », c’est d’abord auprès d’eux-mêmes qu’ils veulent prouver leur valeur en se vautrant dans ce voyeurisme obèse.

Le pire dans tout cela, c’est que je ne peux déjà plus me passer de mon Koh-Lanta. Vendredi, sors-moi de là ! 

* Le titre du roman d’Agatha Christie vient d’être officiellement rebaptisé

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