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Thérapies alternatives : comment sont-elles contrôlées ?

Thérapies alternatives : comment sont-elles contrôlées ?

Parfois taxées de « dangereuses » ou de « sectaires », les médecines alternatives ne sont pas contrôlées comme le sont les pratiques issues de médecine générale. Néanmoins, le législateur a mis en place différents dispositifs de surveillance pour éviter le grand n’importe quoi.
Hugo De Tullio
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« Les thérapies dites « alternatives » sont inefficaces au-delà de l’effet placebo et n’en sont pas moins dangereuses. […] De ces pratiques qui ne sont ni scientifiques ni éthiques, mais bien irrationnelles et dangereuses, nous souhaitons nous désolidariser totalement. » Voici un morceau choisi de l’appel de 124 professionnels de santé lancé en 2018, alertant sur « l’efficacité illusoire » des Médecines Alternatives Complémentaires (MAC), comme l’homéopathie. Malgré le nombre croissant d’adeptes aux médecines douces, la défiance à l’égard de ces pratiques est toujours d’actualité. Il faut dire qu’il semble y avoir autant de règles que de MAC. Certaines d’entre elles sont remboursables, d’autres proposent un diplôme reconnu par l’État, de nouvelles ne nécessitent qu’une formation de quelques heures… Pas évident, donc, de s’y retrouver et d’encadrer l’ensemble de ces disciplines.

Gare aux gourous

Pourtant, le Gouvernement a créé dès 2002 une Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), qui a publié en 2012 un guide intitulé Santé et dérives sectaires. À l’intérieur, le président de la MIVILUDES, Georges Fenech, alertait : « Certaines de ces pratiques répondent aux critères de la dérive sectaire car elles sont le fait de « gourous thérapeutiques » qui exercent une véritable emprise mentale sur les malades pour mieux les dépouiller de leurs ressources ». Par ailleurs, depuis 2006, le ministère de la Santé a chargé l’unité 669 de l’INSERM d’évaluer plusieurs pratiques thérapeutiques « non-conventionnelles ». Sur le site internet de l’Institut, on peut voir que « l’évaluation des thérapeutiques dites « non-conventionnelles » est en général rendue difficile, voire impossible, du fait d’un manque de données. » Les membres de l’unité ont toutefois estimé que l’acupuncture ou l’hypnose pouvait avoir une efficacité, mais dans des cas bien particuliers. À l’inverse, de nombreuses études portant sur l’ostéopathie ont également vu le jour, mettant parfois en doute les bienfaits de cette discipline. Mais pour l’ostéopathe orléanais Sylvain Beck, « l’étude parfaite pour prouver l’efficacité de l’ostéopathie n’existera pas, sauf si elle est excessivement fournie et très codifiée. Il faudrait qu’on puisse classer les gens selon leurs âges et l’ancienneté de leurs douleurs, ce qui est très difficile ».

Des grilles de lecture à bâtir

Concrètement, comment encadrer toutes ces pratiques non réglementées pour protéger les patients des charlatans ? Récemment, l’Agence des Médecines Complémentaires et Alternatives (A-MCA) a été créée (voir encadré). Elle est composée d’une centaine d’experts et de plus de 30 partenaires institutionnels (universités, EHPAD). Le rôle de ce lieu d’expertise ? Structurer le champ des médecines douces, faire de la prévention et combattre toutes formes de dérives sanitaires. Dans les faits, l’A-MCA peut renforcer la formation des soignants et praticiens diplômés, ou mener diverses études scientifiques.

Cette agence, le président départemental du Conseil de l’Ordre des Médecins n’en a jamais entendu parler. Le docteur Christophe Tafani répète cependant qu’il faut qu’il y ait « des contrôles : c’est le nerf de la guerre. Comme pour les professions de santé réglementées, il faut que les formations soient reconnues, validées, à l’image de l’ostéopathie. Personne ne doit faire ce qu’il veut. » Le docteur Tafani rappelle aussi l’importance d’éléments concrets et de publications scientifiques : « On doit connaître l’objectif et le traitement [de ces praticiens], puis voir le résultat pour voir s’ils ont été atteints : ce n’est pas plus compliqué que ça… » Mais alors que nombre de MAC jouent sur l’aspect psychologique de leurs « clients », comment évaluer ce facteur-là ? « Personne ne cherche à nier le côté psychologique, mais c’est vrai qu’il est difficile à prouver », reconnaît Christophe Tafani.

Faire du tri

Dans une tribune publiée le 13 mars dernier dans le journal Le Monde, un collectif de médecins, d’universitaires, de parlementaires et d’anciens ministres ont pour leur part appelé à transformer l’A-MCA en agence gouvernementale « capable de piloter la réflexion sur les enjeux des médecines complémentaires et alternatives, de lutter contre les dérives thérapeutiques […] en apportant un cadre à des pratiques aux effets réels pour certaines, ou relevant, au contraire pour d’autres, de charlatanisme. » Un projet pour lequel Odile Cadart Boisseau, naturopathe et docteure en pharmacie à Orléans, se dit favorable : « Ça paraîtrait logique qu’une formation soit reconnue pour chaque professionnel, car il y a des vides, tout le monde ne peut pas prouver ses compétences. C’est toujours compliqué d’uniformiser tout ça, mais pas irréalisable. » L’hypnothérapeute  orléanaise Aurélie Dousset parle de ce projet d’agence gouvernementale comme d’une « bonne idée » et pense aux clients qui pourraient être réticents à l’idée de franchir le pas : « Ça peut être rassurant pour eux de savoir que telle ou telle pratique est réglementée ». Pratiquant le reiki sur la métropole, Valérie Boiry comprend pourquoi le corps médical pointe du doigt certaines disciplines, même si elle se dit « clean » dans sa pratique : « Je suis prête à être contrôlée, car il faut faire le ménage entre les gens sérieux et ceux qui ne le sont pas du tout. » En attendant, pour que les gens qui suivent des séances de médecine douce n’aient pas de mauvaises surprises quand ils arrivent au cabinet, elle préconise avant tout le bouche-à-oreille plus qu’une recherche sur Google, pour ne citer que lui.

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