Qui aurait imaginé le général de Gaulle mis en examen de conscience ? Décidément, on ne respecte plus rien dans notre pays. Colbert, Bonaparte, Ferry… Passe encore. Mais le grand Charles, non ! L’homme du 18 juin ! Le fondateur de la Ve ! Et puis quoi encore ? Bientôt, c’est Zinedine Zidane qu’on piétinera !
La semaine dernière, à la vue de statues de De Gaulle souillées en Seine Saint-Denis et dans le Nord par une triste peinture jaune, certains en ont avalé leurs parapluies. Pourquoi ? Parce qu’il est encore trop tôt pour procéder à un inventaire de la vie et de l’œuvre du Général. Parce que s’en prendre à son image, c’est, selon eux, fouler aux pieds une certaine idée de la France et de son unité face à l’agresseur. Aux yeux de beaucoup, le Général reste un saint, et c’est ainsi. Plus tard, quand le souffle gaullien aura commencé à s’affaisser, il sera temps d’en parler, sans tabou ni peur de dédire. Les historiens ont déjà accompli ce travail, mais celui-ci reste encore au seuil d’une porte – celle de la mémoire collective – qu’on ne déverrouille pas d’un claquement de doigts.
Il n’est jamais bon, dans la fournaise, de vouloir déboulonner des statues. Emmanuel Macron l’a, à sa manière, et de façon un peu trop péremptoire, réaffirmé dimanche dernier. Alors que l’actualité, et les colères parfois légitimes de certains, demandent avec véhémence d’ouvrir notre grand livre d’histoire pour en examiner des passages entiers, l’important, comme toujours, est de prendre son temps. L’Histoire n’est pas un dictionnaire que l’on rature d’un trait : elle s’épaissit au fil des ans et des siècles, se nourrit de preuves et de débats. Et s’il est évident qu’elle fut trop longtemps écrite par les vainqueurs, elle est devenue, grâce aux Michelet, Braudel, Le Goff ou autres Bloch, une science molle qui sait néanmoins décrire les faits et mettre le doigt sur les fautes. Ce n’est pas l’Histoire qu’il faut réécrire, c’est notre mémoire qu’il nous faut interroger par petites touches, sans tambours, trompettes… ni peintres ambulants.
