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Gros temps sur la Métropole

Gros temps sur la Métropole

Le 14 octobre, Christophe Chaillou, président (PS) d’Orléans Métropole, a été mis en minorité sur deux délibérations concernant les compétences de l’intercommunalité. Sa gouvernance aux côtés de Serge Grouard (LR) a sans doute vécu. Avec Matthieu Schlesinger, le maire d'Olivet, il apparaît désormais de plus en plus comme le patron de la Métropole.
Benjamin Vasset
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«N’oublie pas qui t’a fait roi… » Le 16 juillet 2020, Matthieu Schlesinger, maire d’Olivet et candidat battu à la présidence de la Métropole, s’adresse en ces termes à Christophe Chaillou (PS), qui vient de remporter la timbale grâce aux voix de la majorité municipale d’Orléans et de son maire, Serge Grouard. La gauche qui « s’allie » à la droite, c’est plus que le mariage de la carpe et du lapin : ce soir-là, un maire de centre-droit, proche de Matthieu Schlesinger, s’adresse d’ailleurs en ces termes à l’un de ses collègues de gauche : « Je te parie que ça ne durera pas six ans cette histoire… »

Répudié par Serge Grouard alors que, de par son positionnement politique et sa qualité de maire de la deuxième commune de l’agglomération orléanaise, il semblait être le candidat naturel pour prendre la tête de la Métropole, Matthieu Schlesinger fustige la « politique politicienne ». S’il paraît être ce soir-là le cocu de l’histoire, il commence aussi à endosser, à cet instant, le costume de « chef de l’opposition » au sein de l’assemblée métropolitaine; costume qu’il ne quittera plus pendant un an.

Dégel Orléans / Olivet

Jeudi dernier, 22h30. Le conseil métropolitain de « rentrée » à peine terminé, le socialiste Baptiste Chapuis, conseiller municipal d’opposition à Orléans, se lance dans une conversation à bâtons rompus avec Matthieu Schlesinger, qui vient, avec l’aide de Serge Grouard, de mettre en minorité Christophe Chaillou. « Vous avez fait un coup politique ! », lance l’élu socialiste au maire d’Olivet, qu’il connaît depuis longtemps. « Pas du tout », lui répond l’intéressé, pendant que s’engage un débat animé devant… la table des journalistes ! « Il n’y a rien qui ait été dit ce soir qui n’était pas connu de Christophe Chaillou », se défend Matthieu Schlesinger. Ce dernier, accusé de « politiser les débats » par ses détracteurs depuis un an, vient pourtant de mener une fronde qui a atteint son but. Avec les votes de Serge Grouard, il a mis en minorité Christophe Chaillou sur deux délibérations clés autour de transferts de compétences des villes vers la Métropole et vice versa. Pour Matthieu Schlesinger, cela ne fait désormais pas un pli : le président socialiste de la Métropole doit démissionner dans les jours qui viennent et un nouvel exécutif doit être nommé. Le maire d’Olivet postule-t-il aujourd’hui au poste dont il a été « privé » en juillet 2020 ? Dans les heures et les jours qui suivent, il répète qu’il ne fait pas publiquement acte de candidature. Il sait aussi que le maître du jeu, c’est plus que jamais Serge Grouard.

Pourquoi les maires d’Orléans et d’Olivet se sont-ils rapprochés et comment ont-ils fini par se taper dans la main, enterrant les espoirs de Christophe Chaillou de mener une mandat « apaisé », « équilibré » et « consensuel » (pour reprendre ses expressions fétiches) jusqu’en 2026 ? Sur le fond, Matthieu Schlesinger ne cesse de répéter, depuis un an, que la Métropole n’avance pas et qu’il n’y a pas de projet de mandature. La semaine dernière, il a haussé de plusieurs tons le curseur de ces critiques en dénonçant le « clientélisme » supposé de Christophe Chaillou, qui favoriserait  financièrement les projets des municipalités socialistes. De son côté, depuis qu’il a été réélu maire d’Orléans en juin 2020, Serge Grouard s’agace du grignotage de la Métropole sur les compétences des municipalités. Il a l’impression de ne plus être totalement maître chez lui, peste contre la complexification accrue des procédures (pointant par exemple les… 8 000 pages du PLU métropolitain) et semble penser que la Métropole se sert plus d’Orléans que l’inverse, oubliant peut-être qu’il fut adjoint à la stratégie métropolitaine de 2015 à 2019. Dans le binôme qu’il forme depuis juillet 2020 à la tête de la Métropole avec Christophe Chaillou, le « président délégué » Grouard pèse de tout son poids, celui de maire de la ville-centre. Ses lieutenants, d’ailleurs, n’y vont pas par quatre chemins depuis quelques mois : « Chaillou est soumis à Grouard », entend-on dire de la bouche de plusieurs élus orléanais.

Difficile de dater très précisément le rétablissement de la ligne directe Orléans-Olivet, mais disons qu’à la fin de l’été 2021, on commence à entendre de plus en plus parler d’un rapprochement entre Serge Grouard et Matthieu Schlesinger à la Métropole. Il se murmure en sus que le maire d’Olivet pourrait se présenter aux législatives en 2022 sur la première circonscription du Loiret et que Serge Grouard lui apporterait alors le soutien des Républicains, dont Matthieu Schlesinger n’est plus membre. Ce dernier dément aujourd’hui cette hypothèse aux faux airs de marchandage à l’ancienne, expliquant que son mandat de maire le comble davantage qu’un potentiel siège de député. A-t-il alors conclu avec Serge Grouard un deal pour prendre la Métropole ? À moyen terme, ce n’est pas exclu. Mais en attendant, le candidat « naturel » pour gouverner dès à présent l’intercommunalité, c’est bien le maire d’Orléans. Il pourrait ainsi, à ce poste (qu’il avait promis pendant sa campagne aux municipales de ne pas occuper), faire avancer quelques dossiers qui le concernent au premier chef (la réfection des mails qui doit être financés en partie par la Métropole notamment), et poser sa patte pour en bloquer d’autres, comme la construction d’une structure pénitentiaire aux Groues, dont il ne veut pas. Au final, Matthieu Schlesinger, lui, se refuse à parler de « coup politique » organisé contre Christophe Chaillou, par ailleurs pas vraiment dupe des intrigues qui se menaient en coulisses. « Il y a eu une convergence politique », préfère dire diplomatiquement le maire d’Olivet.

Et maintenant ?

Dans cette histoire, rien n’est cependant complètement inscrit dans le marbre, et les équilibres d’un jour ne sont pas forcément ceux du lendemain. En attendant, cela fait donc une grosse année que le nouvel exécutif métropolitain issu des municipales de 2020 a été nommé, et que des maires se désolent de ne toujours pas voir un Plan Pluriannuel d’Investissements pointer le bout de son nez. Le terme d’« immobilisme » revient en boucle, même si quelques dossiers ont avancé ces derniers mois, notamment en ce qui concerne les transports en commun (voir notre édition de la semaine dernière). Mais cette nouvelle crise ouverte ne va-t-elle pas retarder encore un peu l’ébauche d’un projet de mandat digne de ce nom, avec des objectifs et des moyens clairs ? Des élus se posent en outre des questions sur l’image que renvoie aujourd’hui la Métropole pour le monde économique. Dans les services, et notamment dans ceux qui sont mutualisés, on se demande aussi à quelle sauce on va (à nouveau) être mangés, tandis que plusieurs cadres importants ont quitté leurs postes récemment (voir encadré). D’autres se demandent aussi si la logique métropolitaine et intercommunale de coopération ne va pas non plus s’effriter alors que, dans les débats publics récents, il a beaucoup été question d’intérêts communaux, avec des maires défendant becs et ongles leurs biftecks. Face à ce constat de divisions, les maires de la métropole ne regretteraient-ils pas le temps de la présidence Carré ? « Je ne suis pas nostalgique de l’homme, mais plutôt du moment, répond Matthieu Schlesinger. Je regrette le climat qu’il y avait avant 2020, et qu’on a perdu… » Une conférence des maires devait se tenir ce mercredi, à l’heure où notre journal était en phase d’impression. Elle aura peut-être acté, à l’heure où vous lirez ces lignes, des changements importants…

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