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Le projet de loi bioéthique a été adopté par le Sénat : PMA / GPA, ouvrons le débat !

Le projet de loi bioéthique a été adopté par le Sénat : PMA / GPA, ouvrons le débat !

Le projet de révision des lois de bioéthique est en train d’être examiné par le Parlement. Parmi elles, la question de l’ouverture de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux couples de femmes provoque depuis quelques mois une discussion plutôt animée dans la société française. Chargé de la prévention des discriminations au Groupe d’Action Gay et Lesbien du Loiret (GAGL 45), Christophe Desportes-Guilloux apporte sa pierre au débat.
Benjamin Vasset
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Êtes-vous favorable au principe de la PMA pour toutes, contenue dans le projet de loi sur la bioéthique ?

D’abord, nous ne comprenons pas, au GAGL, pourquoi cette question a été insérée dans un projet de loi sur la bioéthique. Peut-on prélever des ovules ? Peut-on fabriquer des embryons dans des tubes à essai ? Peut-on donner un embryon à un autre couple ? Ça, ce sont des questions d’éthique auxquelles on a déjà répondu quand on a ouvert la PMA aux couples hétérosexuels il y a 25 ans. On a aussi déjà tranché, en 2013, sur la question de savoir si un couple homosexuel était en capacité d’élever un enfant. Ce sujet de la PMA pour toutes n’est donc pas en lien avec l’éthique, mais avec l’égalité. Reste une donnée technique : comment, dans une PMA ouverte à toutes, établir la filiation ? Cette question est à régler,
mais de la même façon que pour les couples hétéros.

« La question de la pma pour toutes n’a aucun lien avec l’éthique »

Cette PMA ouverte à toutes doit-elle être remboursée par la Sécurité Sociale ?

Ça, c’est la position des sénateurs de droite qui disent : « on ne rembourse pas aux couples de femmes », avec l’argument sous-jacent qui est de dire que ces femmes ne peuvent pas procréer de façon naturelle et qu’elles ne sont, a priori, pas stériles. Sauf qu’un couple hétérosexuel stérile, est-ce qu’on le guérit de sa stérilité avec une PMA ? Non : c’est pour lui permettre d’avoir un enfant. Pour un couple de femmes, cela doit donc pouvoir se faire dans les mêmes conditions. 

Pensez-vous que, dans quelques années, la GPA sera autorisée et reconnue en France ?

Je n’en sais rien, mais je suis un républicain… Et je pense que notre République est en capacité de protéger les gens, y compris quand la science avance. La GPA, il ne faut pas se voiler la face : elle existe déjà en France. Et quand elle est faite de manière illégale, il n’y a absolument aucune protection. Alors que dans certains pays étrangers, elle est très encadrée. Dans certains États américains par exemple, des couples d’hommes s’adressent à une agence gouvernementale, et la femme qui portera l’enfant choisit le projet parental qu’elle veut accompagner. Cette femme doit déjà avoir eu ses enfants, son compagnon doit donner son accord devant un juge, etc. Et le juge accompagne tout le parcours. Je crois que la République Française peut agir de la même façon. Par contre, si l’on parle de la GPA telle qu’elle peut se pratiquer en Ukraine ou en Inde, là, oui, j’y suis opposé. Et en ne légiférant pas en France, on va conforter un système dans lequel les gens riches iront aux États-Unis et les gens pauvres en Ukraine, en Inde, où les femmes sont traitées comme des esclaves. 

Comment expliquez-vous que ce sujet soit si hautement inflammable dans notre pays ?

Parce qu’aujourd’hui encore, un certain nombre de gens considèrent qu’un couple homosexuel est moins digne qu’un couple hétérosexuel. Lors du débat sur le Mariage pour Tous, c’était déjà la même chose. Or, dans la République, quand on a la même dignité que quelqu’un d’autre, on doit avoir les mêmes statuts. Je fais beaucoup d’interventions en milieu scolaire, où je discute avec des enseignants : beaucoup ne disent pas ouvertement qu’ils sont homosexuels, parce que certaines personnes amalgament encore homosexualité et pédophilie… On en est encore à ce niveau-là.

« Notre société est plus raciste qu’elle n’est homophobe »

Y a-t-il oui ou non, selon vous, parmi les opposants à la PMA pour toutes, un vieux fond d’homophobie ?

Oui, et c’est d’ailleurs pour cela que les positions de ces gens sont minoritaires. Vous voyez qu’il y a moins de manifs contre la PMA que contre le Mariage pour tous, mais ceux qui restent sont incontestablement les plus durs. Pourtant, l’homophobie recule dans notre pays. Désormais, quand des homosexuels font des coming-out dans leurs familles, généralement, ça se passe bien. À Orléans, on est sur un rythme d’une ou deux agressions homophobes tous les deux ans. Dans notre pays, il est plus dangereux aujourd’hui d’être une femme qu’un homosexuel. Notre société est également plus raciste qu’elle n’est homophobe. Cependant, il reste des territoires et des populations à qui on n’a pas encore assez parlé de ces questions. 

« Personne ne ment aux enfants issus de pma ou de gpa »

Les enfants ne sont-ils pas pris en otage dans ces débats sur la PMA et la GPA ?

Des enfants qui sont nés de PMA en Belgique – on les appelait à l’époque des bébés-Thalys – il y en a qui commencent à être grands. Et ces enfants, quand ils se posent des questions, on leur explique tout simplement comment ils ont été conçus. Personne ne leur ment, et d’ailleurs, les couples homosexuels ne peuvent pas mentir sur la façon dont leurs enfants ont été créés… Les seuls qui peuvent mentir, ce sont les couples hétéros qui ont recours à la PMA et qui ne veulent, pour certains, pas dire la vérité à leurs enfants. En outre, vu le parcours qu’ont accompli leurs parents, les enfants de couples homosexuels ne peuvent pas se poser la question de savoir s’ils ont été désirés. D’autre part, rappelons une chose : les parents homosexuels ne sont pas de meilleurs parents que les parents hétérosexuels, mais pas de moins bons non plus : il y a, d’ailleurs, plein de témoignages de gamins issus de PMA et de GPA qui, devenus grands, disent : « mais foutez-nous la paix avec ça, on va très bien ! » Enfin, dans beaucoup de familles où il y a eu une GPA, il est touchant de constater que la femme qui a porté l’enfant a toujours un lien avec la famille, même après que l’enfant est né. Cette femme existe dans la famille. Alors, oui, ce sont des histoires atypiques, mais voilà…

Pourquoi la religion intervient-elle, selon vous, dans ce débat de société ?

Les religieux ont le droit de dire ce qu’ils veulent, du moment où ils n’insultent personne et n’appellent pas à la haine. La conviction personnelle de chacun ne me pose non plus aucun souci, dès lors qu’on ne vient pas me péter la gueule… Après, je pense que l’Église a encore un certain attachement à un monde qui ne doit pas bouger. Je dis en rigolant à des copains de droite : « on dit que vous êtes conservateur, mais ce n’est pas vrai : en fait, vous êtes juste plus lents ! » C’est la même chose avec l’Église : à l’époque, elle tenait un discours diabolique sur les personnes homosexuelles. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Dans le diocèse d’Orléans, une association travaille par exemple sur l’accueil des personnes homosexuelles dans l’Église, et Jacques Blaquart prône d’ailleurs l’accueil inconditionnel des personnes homosexuelles. Mais la question qui se pose ensuite à l’Église, c’est : si ces personnes homosexuelles arrivent en couple, les accueillez-vous comme un couple ? Là, ça devient un peu plus compliqué. Sauf que, lorsqu’il y a un enfant, l’Église est bien obligée d’accueillir toutes ces personnes comme une famille. Alors, que l’on n’accepte pas la PMA pour des raisons religieuses, ça regarde les religieux. Mais si l’on accueille les familles qui ont eu recours à la PMA comme toutes les autres familles, moi… Ça me va.

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